Travail

Accident de travail : vos recours en cas de contestation par l’employeur

Estelle Marant
Collaboratrice
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Accident du travail contesté : les solutions pour faire respecter vos droits

Lorsqu'un salarié est victime d'un accident de travail, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) intervient pour déterminer si l'accident est bien d'origine professionnelle.
Cependant, il arrive que l'employeur conteste cette décision, estimant que l'accident n'a aucun lien avec le travail. Cette situation peut être déstabilisante pour le salarié, qui se retrouve à devoir défendre ses droits face à une remise en question de l'événement.

Dans cet article, nous détaillons les raisons pour lesquelles un employeur peut contester un accident de travail, les recours à disposition du salarié, et les étapes à suivre pour faire valoir ses droits.

Sommaire :

  1. Introduction
  2. L'employeur peut-il contester un accident de travail et à quel moment ?
  3. Les motifs les plus fréquents pour contester un accident de travail
  4. Comment réagir face à une contestation de l'employeur ?
  5. Impact financier pour l’employeur en cas de reconnaissance de l’accident
  6. Recours en cas de contestation validée par la CPAM ou le tribunal
  7. FAQ

L'employeur peut-il remettre en question l'accident de travail et à quel moment ?

Oui, l'employeur est en droit de contester le caractère professionnel de l'accident, et ce, à différents moments du processus. Dès que l'accident de travail est déclaré, il peut émettre des réserves motivées lors de la rédaction de la déclaration d’accident du travail (DAT) qu'il adresse à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Il dispose également d’un délai de 10 jours francs pour émettre ces réserves après la déclaration, comme le stipule l’article R441-11 du Code de la sécurité sociale.

Ces réserves doivent obligatoirement être prises en compte par la CPAM avant qu’elle ne rende sa décision de prise en charge. Cela signifie que la caisse doit examiner les éléments soulevés par l’employeur avant de décider si l’accident est ou non reconnu comme d’origine professionnelle.

Toutefois, il est important de noter que l'absence de réserves lors de la déclaration ne prive pas l'employeur du droit de contester la décision de la CPAM par la suite.

Ce principe a été réaffirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juin 2019 (Cass. soc., 12 juin 2019, n°18-21.336), précisant que l'employeur peut toujours remettre en cause la prise en charge même s’il n'a émis aucune réserve au moment de la déclaration.

En cas de désaccord avec la décision de la CPAM, l'employeur peut saisir la Commission de recours amiable (Cra). Cette commission est chargée de réexaminer la situation et de statuer sur la validité de la contestation. Si la décision rendue par la Cra n’est pas satisfaisante, l’employeur a la possibilité de porter l'affaire devant le tribunal judiciaire, qui est compétent pour trancher en dernier ressort.

Pourquoi un employeur remettrait-il en cause un accident de travail ?

L'un des principaux motifs de contestation d'un accident de travail pour l'employeur est lié à son impact financier direct.
En effet, lorsqu'un accident est reconnu comme étant d'origine professionnelle, il entre dans le calcul du taux de cotisation AT/MP (Accidents du Travail et Maladies Professionnelles), ce qui peut augmenter considérablement les charges sociales de l'entreprise.

Le taux de cotisation AT/MP, calculé selon les dispositions des articles D242-6-3 et suivants du Code de la sécurité sociale, est révisé chaque année en fonction de plusieurs critères. Parmi ces critères, on trouve principalement :

  • La fréquence des accidents du travail : plus le nombre d'accidents est élevé dans une entreprise, plus le taux de cotisation augmente.
  • La gravité des accidents : si les sinistres entraînent des arrêts de travail prolongés, des incapacités permanentes ou des décès, cela alourdit encore plus le taux.

Ces éléments ont un impact direct sur les charges sociales de l'entreprise, car chaque accident reconnu comme professionnel alourdit le coût des cotisations que l'employeur doit verser à la CPAM.

Prenons un exemple concret : dans une entreprise où les accidents du travail se multiplient, le taux de cotisation AT/MP peut atteindre des sommets. Cela signifie que l'employeur devra verser à la sécurité sociale un pourcentage plus élevé de la masse salariale pour couvrir les risques liés aux accidents du travail. Ce taux est réévalué chaque année et peut varier de manière significative selon les résultats de l’entreprise en matière de sécurité au travail.

Outre l’impact sur les cotisations, il existe également des conséquences en termes de réputation et de climat social au sein de l’entreprise. Un grand nombre d'accidents du travail peut conduire à une perception négative de l'employeur en matière de gestion de la santé et de la sécurité au travail.

Cela peut également attirer l'attention des organismes de contrôle, tels que l’Inspection du travail, ou inciter les salariés à faire davantage valoir leurs droits en matière de sécurité.

Dans certains cas, les employeurs estiment également que certains accidents ne relèvent pas de la qualification d'accident du travail, notamment lorsqu'il s'agit de blessures qui auraient pu être causées en dehors du cadre professionnel, ou lorsque les circonstances de l'accident sont floues ou contestées. Par exemple, si un salarié se blesse à l'extérieur du lieu de travail ou hors des heures de travail, l’employeur pourra estimer que cet accident ne doit pas être qualifié comme un accident de travail.

Enfin, il faut également tenir compte des implications pour la prime d’assurance que l’employeur verse à son assureur.

Les entreprises souscrivent souvent des polices d'assurance spécifiques pour couvrir les risques professionnels, et un nombre important de sinistres peut entraîner une augmentation des primes d'assurance. Contester la reconnaissance d'un accident de travail permettrait donc de limiter cette augmentation.

Ainsi, pour préserver ses intérêts financiers et limiter les conséquences sur la gestion de son entreprise, l’employeur peut avoir un intérêt à remettre en question la nature professionnelle de l'accident.

Quels arguments peuvent être avancés par l'employeur pour contester un accident ?

L’employeur qui souhaite contester l’accident de travail peut invoquer plusieurs arguments juridiques et factuels pour tenter de démontrer que l’événement en question ne relève pas de la définition d’un accident du travail, telle que définie par l'article L411-1 du Code de la sécurité sociale.
Voici les principaux motifs utilisés par l'employeur :

  1. Absence d’un fait accidentel :
    L’accident de travail, pour être reconnu, doit correspondre à un événement soudain survenu par le fait ou à l'occasion du travail, entraînant une lésion corporelle ou psychique. Si l'employeur estime qu'il n’y a pas de caractère soudain dans l'événement, il peut contester la qualification d’accident.
    Par exemple, des douleurs apparues progressivement, sans événement déclencheur précis, peuvent ne pas correspondre à cette définition stricte d'accident du travail.
  2. Survenu hors du cadre professionnel :
    Un autre argument couramment avancé par l'employeur est que l’accident ne s'est pas produit pendant le temps de travail ou sur le lieu de travail. L’article L411-1 précise que l’accident doit survenir à l'occasion du travail, ce qui inclut normalement les lieux de mission ou les trajets dans le cadre professionnel.
    Cependant, si l'accident survient à un moment où le salarié n'était pas censé travailler (par exemple, lors d'une pause en dehors du lieu de travail), l'employeur peut estimer que l’événement ne relève pas du cadre professionnel.
  3. Absence de lien de causalité entre les lésions et l’accident :
    Pour que l'accident soit reconnu comme accident du travail, il doit exister un lien direct entre l’accident et les lésions subies par le salarié. L'employeur peut tenter de démontrer que les lésions invoquées par le salarié ne sont pas la conséquence directe de l’accident déclaré.
    Par exemple, il peut faire valoir que les blessures résultent d'une pathologie préexistante ou que l'accident n'a pas causé les dommages prétendus. Cela nécessite souvent des expertises médicales pour déterminer si le lien de cause à effet est réel ou non.
  4. Accident lié à une imprudence du salarié :
    Bien que plus difficile à prouver, l’employeur peut parfois tenter de démontrer que l'accident résulte d'une faute ou d'une imprudence grave de la part du salarié, qui rompt le lien avec l’activité professionnelle. Par exemple, si le salarié n'a pas respecté des consignes de sécurité claires, l’employeur pourrait faire valoir que l'accident ne relève pas de sa responsabilité.
    Cependant, il est important de noter que le principe de présomption d’imputabilité (article L411-1 du Code de la sécurité sociale) reste très protecteur pour le salarié, et cet argument est souvent difficile à faire valoir.

Ces motifs de contestation sont parmi les plus courants utilisés par les employeurs pour tenter de prouver que l'accident n'a pas de lien avec l’activité professionnelle, ce qui remettrait en cause sa prise en charge par la CPAM.

Chacune de ces contestations nécessite généralement des éléments de preuve solides, notamment des témoignages, des documents internes ou des expertises médicales, pour convaincre les juridictions compétentes.

La décision de la CPAM peut-elle être modifiée après contestation de l'employeur ?

Une fois que la CPAM a validé la prise en charge de l’accident comme étant d’origine professionnelle, cette décision est irrévocable.

La reconnaissance de l'accident du travail, après instruction, est définitive, même en cas de contestation par l'employeur. Ce principe est inscrit dans l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale, et une expertise technique ne peut pas remettre en question cette décision.

Comment défendre ses droits face à une contestation de l'employeur ?

En cas de contestation par l'employeur de la décision de la CPAM de reconnaître un accident comme étant d'origine professionnelle, le salarié est protégé par un principe important du droit de la sécurité sociale : la présomption d’imputabilité.

Ce principe, prévu par l'article L411-1 du Code de la sécurité sociale, stipule que tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail, sauf preuve du contraire.

Présomption d’imputabilité : un avantage pour le salarié

Cette présomption signifie que c'est à l’employeur de prouver que l’accident n’est pas lié à l’activité professionnelle du salarié. Autrement dit, la charge de la preuve ne repose pas sur le salarié, mais sur l’employeur.

Cela constitue une protection essentielle pour le salarié, car il n'a pas à démontrer que l'accident est d'origine professionnelle, tant que celui-ci s'est produit dans le cadre ou à l’occasion de son travail.

L’employeur devra donc fournir des éléments probants pour renverser cette présomption. Il peut, par exemple, invoquer des témoignages, des rapports d'expert ou des documents prouvant que l'accident n'est pas survenu pendant le temps de travail ou qu'il n'a pas causé les lésions déclarées. Cependant, prouver cela reste une tâche difficile pour l’employeur, en raison du fort caractère protecteur de la législation en faveur du salarié.

Quelles actions le salarié peut-il entreprendre ?

Pour défendre ses droits face à une contestation de l'employeur, le salarié doit avant tout s'assurer que toutes les démarches administratives sont bien respectées. Cela inclut :

  • Déclarer l’accident dans les délais légaux (24 heures en principe, sauf cas de force majeure) ;
  • Conserver tous les documents relatifs à l'accident (certificat médical initial, attestations, etc.) ;
  • Recueillir des témoignages de collègues ou d’autres personnes présentes au moment de l’accident.

Si l’employeur décide de contester la décision de la CPAM en saisissant la Commission de recours amiable (Cra) ou en portant l’affaire devant le tribunal judiciaire, le salarié peut également se faire accompagner d’un avocat spécialisé en droit du travail ou en droit de la sécurité sociale.

Cela permet de garantir que tous les éléments de défense seront bien présentés et que les droits du salarié seront protégés tout au long de la procédure.

La procédure devant la CPAM et le tribunal

Si l'employeur porte la contestation devant la Cra, cette dernière va réexaminer l'ensemble du dossier. Si elle confirme la décision initiale de la CPAM, l'employeur pourra alors saisir le tribunal judiciaire compétent pour tenter d'obtenir un réexamen judiciaire du cas.

Dans cette phase, le salarié peut constituer un dossier avec l'aide de son avocat, en mettant en avant la présomption d’imputabilité et en fournissant tous les éléments nécessaires à sa défense. Les expertises médicales peuvent également jouer un rôle primordial pour prouver le lien entre les lésions subies et l'accident déclaré.

En somme, la charge de la preuve repose sur l’employeur, qui doit démontrer que l’accident n’a pas d’origine professionnelle. Le salarié, quant à lui, bénéficie d'une protection importante qui renforce ses droits face à une contestation.

Conclusion

En cas de contestation de l'accident de travail par l'employeur, le salarié bénéficie d'une protection juridique solide grâce à la présomption d’imputabilité prévue par le Code de la sécurité sociale.

L’employeur doit apporter la preuve contraire pour démontrer que l’accident n’est pas lié à l’activité professionnelle, ce qui constitue une démarche souvent complexe. Face à cette situation, il est essentiel pour le salarié de respecter scrupuleusement les démarches administratives, de conserver les documents relatifs à l’accident et, si nécessaire, de se faire accompagner par un avocat spécialisé pour défendre ses droits efficacement.

FAQ :

1. Mon employeur peut-il contester la décision de la CPAM concernant mon accident de travail ?

Oui, un employeur peut contester la décision de la CPAM lorsqu’elle reconnaît un accident comme étant d’origine professionnelle. L’employeur peut émettre des réserves motivées lors de la déclaration d’accident de travail (DAT), ou dans un délai de 10 jours francs à compter de cette déclaration. Ces réserves doivent expliquer en quoi il considère que l’accident n’est pas lié à l’activité professionnelle. Si la CPAM prend tout de même la décision de reconnaître l’accident, l’employeur peut d’abord saisir la Commission de recours amiable (Cra), une instance interne à la sécurité sociale chargée de réexaminer les décisions de prise en charge. En cas de désaccord persistant après cette étape, l'employeur peut porter le litige devant le tribunal judiciaire, qui est compétent pour trancher ces contentieux.

2. Quels sont les principaux motifs invoqués par un employeur pour contester un accident de travail ?

Les employeurs disposent de plusieurs arguments pour contester un accident de travail. Parmi les motifs les plus courants figurent :

  • L’absence de fait accidentel : L'accident doit être soudain et non progressif pour être reconnu comme tel. Si l’événement à l'origine de l'accident n’est pas clairement identifiable ou s’il s’agit d’une douleur apparue progressivement, l’employeur peut contester.
  • Un accident survenu hors du cadre professionnel : L’accident doit se produire pendant les heures de travail ou dans un lieu où le salarié exerce ses fonctions. Si l’employeur prouve que l'accident s'est produit en dehors du temps de travail ou sur un lieu non professionnel, il peut contester sa reconnaissance.
  • Aucun lien entre l’accident et les lésions : L’employeur peut tenter de démontrer que les lésions déclarées par le salarié ne sont pas liées à l'accident en question, par exemple en invoquant une pathologie préexistante.
  • Faute personnelle du salarié : Si l’employeur estime que l’accident est survenu en raison d’une imprudence ou d’une faute grave de la part du salarié, il peut contester la qualification d’accident de travail.

3. Que faire si mon employeur conteste mon accident de travail ?

Si votre employeur décide de contester la prise en charge de votre accident par la CPAM, il est important de savoir que vous bénéficiez de la présomption d’imputabilité, un principe de protection accordé au salarié par l'article L411-1 du Code de la sécurité sociale. Ce principe stipule que tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail. En d’autres termes, c’est à l'employeur de prouver que l'accident n'a aucun lien avec votre activité professionnelle, et non l'inverse. Pour défendre vos droits, il est recommandé de :

  • Constituer un dossier complet avec tous les éléments qui attestent du caractère professionnel de l'accident (certificats médicaux, témoignages de collègues, rapports d’expertise, etc.).
  • Consulter un avocat spécialisé en droit du travail ou en droit de la sécurité sociale, qui pourra vous accompagner dans le processus de contestation.
  • Participer activement aux expertises médicales qui peuvent être demandées par la CPAM ou l’employeur pour évaluer l’imputabilité de l'accident.

4. Quels sont les impacts financiers pour l’employeur en cas de reconnaissance de l’accident de travail ?

La reconnaissance d’un accident de travail a des conséquences financières significatives pour l’employeur, notamment en termes de cotisations sociales. Le taux de cotisation AT/MP (Accidents du Travail et Maladies Professionnelles) est calculé en fonction de la fréquence et de la gravité des accidents survenus dans l’entreprise. Ce taux est réévalué chaque année. Plus il y a d'accidents reconnus au sein de l'entreprise, plus ce taux augmente, entraînant une augmentation des charges financières pour l'employeur. À long terme, cela peut affecter la rentabilité de l’entreprise. C’est pourquoi certains employeurs cherchent à contester la reconnaissance des accidents du travail afin de limiter l’impact sur leurs cotisations AT/MP. De plus, la reconnaissance de multiples accidents du travail peut aussi nuire à la réputation de l’entreprise, signalant un environnement de travail potentiellement dangereux ou mal sécurisé.

5. Puis-je contester une décision de la CPAM si mon employeur obtient gain de cause ?

Oui, si la CPAM ou le tribunal judiciaire finit par donner raison à votre employeur et qu’il est jugé que l’accident n’est pas d’origine professionnelle, vous avez la possibilité de contester cette décision. Vous pouvez faire appel devant les juridictions compétentes en fournissant des éléments supplémentaires prouvant le lien entre l’accident et votre activité professionnelle. Pour ce faire, il est fortement conseillé de solliciter l’assistance d’un avocat spécialisé qui vous aidera à constituer un dossier solide, comprenant des expertises médicales, des témoignages ou tout autre élément susceptible de démontrer le caractère professionnel de l’accident.

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