En droit du travail, la clause de mobilité est souvent invoquée pour justifier des modifications géographiques dans le lieu de travail d'un salarié. Cependant, il existe une autre clause, la clause de déplacement, qui ne doit pas être confondue avec la première.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt significatif, a mis en lumière cette distinction en précisant que la clause de déplacement n’implique pas nécessairement un champ géographique prédéfini, contrairement à la clause de mobilité.
Cet article explore les implications de cette distinction à travers une analyse de la jurisprudence.
La clause de mobilité est une disposition contractuelle qui permet à l'employeur de modifier le lieu de travail d’un salarié sans avoir besoin de son accord, à condition que cette modification intervienne dans une zone géographique clairement définie dans le contrat.
Cette clause a pour objectif de donner une certaine flexibilité à l’employeur, notamment dans des secteurs où les besoins en main-d'œuvre peuvent varier selon les lieux.
Toutefois, la jurisprudence impose que la zone géographique couverte par la clause soit précise et déterminée dès la signature du contrat. En effet, une clause de mobilité qui ne définit pas clairement ses limites géographiques est considérée comme nulle.
Par exemple, dans un arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 22 mai 2019, n° 18-15.752), il a été jugé qu’une clause trop vague, sans délimitation précise du secteur géographique, ne respectait pas les exigences légales et pouvait être annulée.
Cette exigence de précision vise à garantir que le salarié est informé à l’avance des conditions dans lesquelles son lieu de travail pourrait être modifié. Cela permet d’éviter tout abus de la part de l’employeur et de protéger le salarié contre des changements imprévus et potentiellement déstabilisants de son lieu de travail.
La clause de déplacement concerne des postes qui, par leur nature même, impliquent des déplacements fréquents et parfois quotidiens. Contrairement à la clause de mobilité, cette clause ne fixe pas de lieu de travail permanent, ce qui rend inutile la mention d’un champ géographique spécifique dans le contrat de travail.
Cette distinction est importante : alors que la clause de mobilité donne à l’employeur la possibilité de modifier un lieu de travail fixe en fonction des besoins de l’entreprise, la clause de déplacement s’applique aux salariés dont le poste nécessite des déplacements réguliers, comme les commerciaux itinérants, les techniciens ou les consultants.
Dans ce cas, la mobilité fait partie intégrante de la fonction, et le salarié doit s’attendre à être envoyé régulièrement sur différents sites, sans avoir un lieu de travail fixe.
Ainsi, dans le cadre d’une clause de déplacement, l'employeur n’a pas besoin de spécifier une zone géographique particulière, car la mobilité constante du salarié est inhérente à son poste. Cependant, cela n’exonère pas l’employeur de son obligation de respecter certaines limites, notamment en matière de bonne foi et de respect de la vie personnelle et familiale du salarié.
La jurisprudence a clairement établi que, dans le cadre d’un poste impliquant des déplacements réguliers, le salarié ne peut pas refuser ces déplacements en invoquant l’absence d’une clause de mobilité.
En effet, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que lorsqu'un poste exige des déplacements fréquents dans le cadre de l’activité normale du salarié, ce dernier est tenu de s'y conformer sans qu’il soit nécessaire d’avoir une clause de mobilité spécifique dans le contrat (Cass. soc., 22 janvier 2003, n° 00-42.637 ; Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-30.219).
De plus, même pour des salariés protégés, le Conseil d’État a jugé qu’un changement de lieu de travail pour un poste impliquant par nature de la mobilité n'entraîne pas une modification du contrat de travail. Autrement dit, la mobilité étant inhérente à ces postes, une telle modification ne nécessite pas l'accord du salarié et ne constitue pas une atteinte à ses droits (CE, 29 juin 2020, n° 428694).
Dans un arrêt plus récent, la Cour d’appel de Paris a précisé que la clause de déplacement, à la différence de la clause de mobilité, n'est pas soumise à l’exigence de précision géographique.
Cela signifie que, pour un poste impliquant des déplacements réguliers, il n'est pas nécessaire de préciser dans le contrat de travail une zone géographique spécifique où les missions devront être effectuées. Toutefois, cette clause de déplacement doit être mise en œuvre avec bonne foi de la part de l’employeur.
La mise en œuvre de cette clause ne doit pas porter atteinte de manière disproportionnée à la vie personnelle et familiale du salarié, et tout abus de cette clause pourrait être sanctionné (Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23.375).
Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris, une salariée avait refusé deux missions situées à Blois et à Tours, impliquant des déplacements importants par rapport à son domicile en région parisienne. Bien que la clause de son contrat précisait qu’elle pouvait être amenée à se déplacer, la salariée avait travaillé exclusivement en région parisienne pendant 14 ans, rendant ces nouveaux déplacements inattendus et déstabilisants.
La Cour a relevé plusieurs éléments démontrant la mauvaise foi de l'employeur dans la mise en œuvre de la clause de déplacement.
Tout d'abord, l'employeur avait agi avec une certaine précipitation, convoquant la salariée à un entretien préalable à son licenciement en moins d’un mois après lui avoir proposé ces nouvelles missions éloignées. Cela suggère une utilisation abusive de la clause, sans véritable considération pour la situation personnelle de la salariée.
De plus, la Cour a pris en compte le fait que la salariée avait un enfant en bas âge, ce qui rendait les déplacements proposés incompatibles avec son organisation personnelle.
Cette donnée a été jugée importante car elle montre que les déplacements exigés n'étaient pas raisonnablement proportionnés à la situation de la salariée.
L'absence de tout antécédent disciplinaire durant ses 14 ans d’ancienneté a également pesé en faveur de la salariée, renforçant l'idée que l’employeur avait abusé de son pouvoir en utilisant cette clause de manière déloyale et non justifiée.
Ainsi, la Cour d’appel a jugé que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant manifestement agi de mauvaise foi en invoquant la clause de déplacement pour justifier la sanction.
Cette décision rappelle que la mise en œuvre d’une clause contractuelle, même légale, doit respecter les principes de bonne foi et de proportionnalité, sous peine de sanctions judiciaires.
La distinction entre la clause de mobilité et la clause de déplacement est donc fondamentale. Tandis que la première impose à l’employeur de préciser un secteur géographique, la seconde permet des déplacements réguliers sans exigence de précision géographique.
Cependant, la bonne foi de l’employeur est toujours un critère déterminant pour juger de la légitimité de l’application de ces clauses.
Le salarié, de son côté, doit être conscient de ses droits en la matière et veiller à ce que la mise en œuvre de la clause de déplacement ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à sa vie privée. Pour plus de détails sur la défense de vos droits dans ce type de situation, consultez defendstesdroits.fr pour des informations fiables et à jour.
1. Quelle est la différence entre une clause de mobilité et une clause de déplacement ?
La clause de mobilité permet à un employeur de modifier le lieu de travail fixe d’un salarié au sein d’une zone géographique définie à l’avance dans le contrat. Cette clause oblige le salarié à accepter ce changement, tant qu'il respecte les termes de la clause. En revanche, la clause de déplacement concerne des postes où la mobilité géographique est une composante inhérente du poste. Il s'agit par exemple de postes nécessitant des déplacements réguliers chez les clients ou sur différents sites. Contrairement à la clause de mobilité, la clause de déplacement n’impose pas un champ géographique précis, car le salarié est censé être constamment en mouvement dans le cadre de ses missions.
2. La clause de déplacement peut-elle être contestée si elle n'est pas géographiquement précise ?
Non, la clause de déplacement n’a pas besoin d’être géographiquement précise comme la clause de mobilité. En effet, la clause de déplacement s’applique aux salariés dont le poste nécessite des déplacements fréquents, comme les consultants ou commerciaux, et ne requiert donc pas de définir un secteur géographique fixe dans le contrat. Toutefois, même si la clause n’a pas besoin de délimiter un champ géographique, elle doit être utilisée de bonne foi par l'employeur. Si un déplacement est demandé dans des conditions qui ne respectent pas les besoins personnels du salarié ou semble abusif (par exemple, des distances trop importantes sans préavis), le salarié pourrait contester cette mise en œuvre devant les tribunaux.
3. Un salarié peut-il refuser une mission prévue par une clause de déplacement ?
En principe, un salarié ne peut pas refuser une mission prévue par une clause de déplacement si celle-ci fait partie intégrante de son poste et est contractuellement stipulée. Par exemple, pour un consultant ou un commercial itinérant, les déplacements font partie des obligations normales du poste. Toutefois, la jurisprudence précise que l'employeur doit respecter certains critères de proportionnalité. Si les déplacements demandés portent une atteinte disproportionnée à la vie personnelle ou familiale du salarié, celui-ci peut légitimement les refuser et invoquer une mauvaise foi de l’employeur (Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23.375).
4. Quels sont les recours pour un salarié face à une mise en œuvre abusive de la clause de déplacement ?
En cas de mise en œuvre abusive ou déloyale de la clause de déplacement, le salarié dispose de plusieurs recours. Il peut d'abord contester les déplacements demandés auprès de son employeur, en invoquant notamment l’atteinte à sa vie privée ou une organisation déraisonnable du travail. Si l'employeur persiste, le salarié peut saisir les prud’hommes pour faire valoir ses droits. En effet, les tribunaux ont déjà jugé que la mise en œuvre d’une clause de déplacement doit respecter le principe de proportionnalité entre les exigences professionnelles et les droits personnels du salarié. En l’absence de justification légitime, l’employeur peut voir sa décision contestée, et la sanction d'un licenciement basé sur un refus de déplacement jugé abusif pourrait être déclarée sans cause réelle et sérieuse.
5. La clause de déplacement modifie-t-elle le contrat de travail d’un salarié ?
Non, la clause de déplacement n'entraîne pas de modification du contrat de travail. Contrairement à une modification géographique liée à une clause de mobilité, la clause de déplacement fait partie des obligations initiales d’un salarié dont le poste nécessite des déplacements réguliers. La jurisprudence a confirmé que pour des postes où la mobilité est inhérente aux fonctions, les changements de lieu de travail ne modifient pas le contrat de travail, car ces déplacements sont prévus dès la signature du contrat (CE, 29 juin 2020, n° 428694). En revanche, si un déplacement implique des conditions totalement nouvelles et contraignantes, comme un éloignement soudain et prolongé sans prise en compte des contraintes personnelles du salarié, ce dernier pourrait contester en justice en invoquant une atteinte disproportionnée à sa vie familiale.