Dans la gestion d'une société, les associés peuvent être amenés à jouer un rôle non seulement en tant que détenteurs de parts sociales, mais également en tant que prêteurs.
Le compte courant d'associé se présente comme un moyen flexible et efficace pour financer la société en temps de besoin, sans recourir à des emprunts bancaires.
Ce mécanisme, bien que simple en apparence, est régi par des règles légales et fiscales strictes, et il est essentiel pour les associés de bien en comprendre les enjeux. Par ailleurs, le pacte d’associés constitue un outil juridique permettant de sécuriser les relations entre associés et d’anticiper les conflits potentiels au sein de la société. Cet article vise à explorer en détail ces deux leviers stratégiques, leurs avantages respectifs, ainsi que les précautions à prendre pour éviter toute difficulté juridique ou fiscale.
Une entreprise peut, lorsqu'elle fait face à des besoins de financement, solliciter ses associés à travers un compte courant d'associé. Ce dernier constitue une créance que l’associé détient contre la société.
Cette créance naît lorsque l’associé décide soit d'injecter des fonds dans l'entreprise pour pallier un manque de trésorerie, soit de laisser en compte des sommes qu’il aurait dû percevoir (par exemple des dividendes).
Ce mécanisme permet à la société de se financer sans recourir à un emprunt bancaire, souvent plus coûteux et plus difficile à obtenir. En pratique, il s’agit d’une solution flexible, adaptée aux entreprises qui souhaitent mobiliser des ressources internes sans passer par une institution financière.
L’intérêt du compte courant d'associé réside notamment dans le fait qu'il s'agit d'une solution rapide et peu formaliste, contrairement à un emprunt bancaire qui nécessiterait une évaluation de la solvabilité de l’entreprise par un établissement bancaire et la mise en place de garanties. En outre, les fonds apportés par les associés sont souvent à des conditions plus favorables que celles offertes par les banques.
Le compte courant d'associé se distingue d’un simple prêt en ce qu’il est généralement à durée indéterminée, c'est-à-dire qu'il n’a pas de date de remboursement fixe. Cependant, ce prêt n'est pas ouvert à tous les associés de manière indifférenciée.
En vertu de l'article L.312-2 du Code monétaire et financier, seuls les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social peuvent prêter des fonds à l'entreprise via un compte courant. Cette restriction s'explique par le monopole bancaire, qui interdit aux entreprises de recevoir des prêts du public, à moins d'être un établissement de crédit agréé.
Ainsi, les SA (Sociétés Anonymes), SARL (Sociétés à Responsabilité Limitée) et SAS (Sociétés par Actions Simplifiées), dans lesquelles ce mécanisme est le plus souvent utilisé, doivent respecter des règles strictes.
Le compte courant d'associé est considéré comme une convention réglementée, c’est-à-dire qu'il nécessite une validation par les instances compétentes de la société (conseil d’administration, assemblée générale), en vertu des règles de gouvernance imposées par le Code de commerce. Cela garantit que les intérêts des associés et de la société soient alignés, et évite les abus de pouvoir.
En comptabilité, le compte courant d'associé est traité comme un actif pour l'associé et un passif pour la société. Concrètement, cela signifie que l'associé a une créance sur la société, tandis que la société a une dette envers l’associé. Cette créance est remboursable à tout moment, ce qui confère une certaine souplesse financière à l'associé.
Cependant, ce droit au remboursement peut parfois poser problème pour la société, notamment si elle traverse des difficultés financières, car l'associé peut exiger le remboursement, même si la trésorerie n’est pas suffisante pour honorer cette dette.
Il est donc fortement conseillé de formaliser cette relation par une convention de compte courant. Cette convention permet de définir les modalités précises de remboursement, notamment la périodicité, le taux d’intérêt applicable, et éventuellement les conditions dans lesquelles l'associé peut exiger le remboursement.
En l’absence d’une telle convention, le prêt est présumé être à titre gratuit, c'est-à-dire sans rémunération pour l’associé. Cela peut s'avérer désavantageux pour lui, surtout si des fonds importants sont laissés en compte courant sans qu’il ne perçoive d’intérêts.
En outre, une convention bien rédigée permet de protéger à la fois la société et l'associé en prévoyant, par exemple, un échelonnement des remboursements ou la possibilité de bloquer le remboursement en cas de difficultés de trésorerie. Cela contribue à préserver la stabilité financière de la société, tout en garantissant à l’associé un certain retour sur ses apports.
Le compte courant d'associé a également des implications fiscales, notamment en ce qui concerne l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Bien que le compte courant figure au passif du bilan de la société, il n'est pas déductible dans le calcul de l'IFI.
L'article 885 G du Code général des impôts précise que les créances détenues par l'associé sur la société ne peuvent pas être déduites de l'assiette de l’IFI, ce qui signifie que l’associé doit inclure la valeur des parts sociales dans son patrimoine imposable, sans pouvoir déduire la dette que représente le compte courant.
Cependant, il existe des exceptions à cette règle, notamment dans le cadre d'un investissement immobilier déficitaire. Lorsque l’associé effectue des apports réguliers pour couvrir les remboursements de crédit immobilier contracté par la société, ces apports peuvent, sous certaines conditions, être pris en compte.
En effet, lorsque la société est déficitaire, ces fonds injectés par l'associé peuvent être considérés comme nécessaires pour la poursuite de l'activité, et donc permettre une déduction partielle. Cela permet de ne pas pénaliser l'associé qui apporte des liquidités pour compenser un déficit lié à un investissement immobilier.
Ainsi, bien que la déduction fiscale des comptes courants d’associés soit limitée en matière d’IFI, il est possible, dans certains cas spécifiques, de trouver des aménagements fiscaux. Il est conseillé de faire appel à un expert-comptable pour évaluer la situation et optimiser la gestion du compte courant d’associé en tenant compte des implications fiscales.
Lorsqu’un associé décide de céder ses titres sociaux, que ce soit à titre onéreux (vente) ou gratuit (donation ou succession), la transmission du compte courant d’associé ne se fait pas de manière automatique.
En effet, le compte courant d’associé est une créance distincte des parts sociales détenues par l’associé. Il n’est donc pas un accessoire des droits sociaux et, de ce fait, ne suit pas automatiquement la cession des titres.
Pour que le compte courant soit transmis avec les titres, il est nécessaire de conclure une convention expresse entre le cédant (l'associé qui vend ou donne ses parts) et le cessionnaire (la personne qui acquiert les parts).
Si aucune convention n’est conclue, l’associé cédant peut exiger le remboursement de son compte courant par la société avant la cession des titres.
Deux options s'offrent donc à l’associé lors de la cession de ses parts sociales :
Il est essentiel de ventiler le prix global de la cession entre les titres sociaux et le compte courant. Cela permet de faciliter l’évaluation fiscale de la transaction et d’éviter des conflits futurs, notamment lors du calcul des droits d'enregistrement et des impôts sur la plus-value.
En cas de conflit, l'administration fiscale peut requalifier l'opération, ce qui pourrait entraîner des pénalités pour l’associé cédant.
De plus, le prix de cession du compte courant peut ne pas correspondre à sa valeur nominale inscrite au bilan de la société, notamment si la société est en difficulté financière. Dans ce cas, la valeur du compte courant peut être révisée à la baisse en fonction des capacités de remboursement de la société.
En matière de donation, le compte courant d'associé peut être transmis soit en pleine propriété, soit en démembrement de propriété (par exemple, en donnant l’usufruit à une personne et la nue-propriété à une autre).
Toutefois, le compte courant ne bénéficie pas de l’abattement fiscal spécifique aux sommes d'argent prévu par l'article 790 G du Code général des impôts. Cette disposition fiscale favorable s’applique uniquement aux dons de sommes d'argent, et non aux dons de créances, comme c'est le cas pour un compte courant d’associé.
Lorsqu'un associé décède, le compte courant d'associé doit être pris en compte dans la succession.
L’évaluation de cette créance peut s’avérer complexe, car elle dépend de la situation financière de la société au moment du décès et des perspectives de remboursement du compte courant. Plusieurs méthodes d’évaluation peuvent être utilisées pour déterminer la valeur du compte courant, notamment :
Ces méthodes doivent être adaptées à la situation spécifique de la société, en tenant compte de la nature de ses actifs (immobiliers ou financiers) et de ses passifs. Pour les sociétés qui ne génèrent pas de revenus significatifs, la valeur mathématique reste souvent la méthode d’évaluation privilégiée.
Dans tous les cas, il est recommandé de faire appel à un expert-comptable pour évaluer le compte courant dans le cadre d'une succession, afin de garantir une évaluation juste et conforme aux exigences fiscales.
Le pacte d'associés est un contrat privé permettant aux associés d'organiser leurs relations au sein de la société. Contrairement aux statuts, il n’a d’effet qu’entre les signataires et permet de sécuriser les relations en anticipant les situations conflictuelles.
Il peut inclure des clauses relatives à la répartition des bénéfices, à la gestion des conflits, ou encore à l’interdiction d'exercer une activité concurrente.
Le pacte constitue un outil évolutif, adaptable en fonction des besoins de l'entreprise et des changements au sein de l'actionnariat. L’article 1843-4 du Code civil permet, en cas de violation du pacte, d'engager la responsabilité contractuelle des parties, voire d'exiger une exécution forcée sous certaines conditions.
Pour aller plus loin, il est primordial de bien structurer ces conventions internes afin d'éviter les litiges et de garantir une gestion harmonieuse des affaires sociales.
L’utilisation du compte courant d’associé et la mise en place d’un pacte d’associés représentent des instruments essentiels dans la gestion d’une société. Tandis que le compte courant permet de pallier les difficultés de trésorerie en renforçant les fonds propres de l’entreprise, le pacte d’associés garantit une harmonie durable entre les associés en anticipant les situations conflictuelles.
Néanmoins, ces outils doivent être utilisés avec précaution et en respectant les dispositions légales et fiscales en vigueur. Une bonne gestion de ces mécanismes, appuyée par des conventions claires et une évaluation rigoureuse, permet de sécuriser l’avenir de la société tout en optimisant les relations entre les associés.
1. Qu'est-ce qu'un compte courant d'associé et à quoi sert-il ?
Le compte courant d'associé est un prêt consenti par un associé à sa société, permettant de pallier un besoin ponctuel de liquidités. En pratique, cela se traduit par l'injection de fonds que l'associé laisse à disposition de l'entreprise. Ces fonds, classés comme une créance dans les comptes de la société, permettent de couvrir des besoins en trésorerie sans avoir recours à un emprunt bancaire. Ce mécanisme offre une solution rapide et flexible, sans les contraintes liées à une demande de crédit externe. En échange, l'associé peut percevoir des intérêts sur les sommes prêtées, à condition qu'une convention ait été établie. Toutefois, le compte courant reste remboursable à tout moment, même en cas de difficultés financières de la société.
2. Quelles sont les conditions légales pour utiliser un compte courant d’associé ?
L'utilisation d'un compte courant d'associé est soumise à certaines conditions légales. Selon l'article L.312-2 du Code monétaire et financier, seuls les associés détenant au moins 5 % du capital social peuvent utiliser ce dispositif. Ce seuil vise à limiter l'utilisation de ce mécanisme aux associés ayant un intérêt significatif dans la société. De plus, dans les SA, SARL et SAS, le compte courant d’associé est considéré comme une convention réglementée, c’est-à-dire qu’elle doit être approuvée par l'assemblée générale ou par le conseil d’administration. Cette validation est indispensable pour garantir la transparence des relations financières entre les associés et la société, et pour éviter tout conflit d’intérêt.
3. Comment se passe le remboursement d'un compte courant d'associé ?
Le remboursement d’un compte courant d’associé peut intervenir à tout moment, à la demande de l’associé, sauf si une convention a été conclue pour en fixer les modalités. Ce remboursement peut poser des problèmes si la société n’a pas suffisamment de trésorerie disponible. C’est pourquoi il est recommandé de conclure une convention de compte courant, dans laquelle sont définies les modalités de remboursement, comme la périodicité et le taux d’intérêt applicable. En l’absence de convention, le prêt est présumé être sans intérêts. Il est important de noter que l'associé peut demander le remboursement, même si cela met la société en difficulté financière, sauf si des clauses de blocage ont été prévues dans la convention.
4. Quelle est l’incidence du compte courant d’associé sur l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) ?
En matière d'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), les comptes courants d’associés ont un impact fiscal important. Selon l’article 885 G du Code général des impôts, les créances que détient un associé sur la société ne sont pas déductibles dans le calcul de l’IFI. Cela signifie que même si un associé a prêté des fonds à la société via un compte courant, il ne peut pas déduire cette créance de son patrimoine imposable au titre de l’IFI. Toutefois, des exceptions peuvent exister dans certains cas spécifiques, par exemple lorsqu’un associé finance un investissement immobilier déficitaire et effectue des apports réguliers pour couvrir les remboursements de crédit immobilier contracté par la société.
5. Qu'est-ce qu'un pacte d'associés et quels sont ses avantages ?
Un pacte d'associés est un contrat entre les associés d'une société, distinct des statuts, qui régit leurs relations et leur coopération au sein de l’entreprise. Ce pacte permet de prévoir des clauses sur des sujets tels que la gestion des conflits, la répartition des bénéfices, les restrictions de cession de parts, et l’exercice ou non d’une activité concurrente. Les avantages du pacte d’associés sont multiples : il aide à prévenir les conflits potentiels en définissant à l’avance les règles du jeu entre associés, sécurise l’avenir de la société en prévoyant les éventuelles évolutions, comme un décès ou le départ à la retraite, et offre une grande flexibilité par rapport aux statuts, car il peut être modifié plus facilement. Cependant, contrairement aux statuts, le pacte n’a pas de force obligatoire vis-à-vis des tiers.