Le démembrement de propriété est une stratégie juridique permettant de scinder les différents droits attachés à un bien immobilier ou mobilier.
Cette technique, souvent utilisée lors de donations ou de successions, permet de transmettre un patrimoine tout en conservant certains droits d’usage, le tout avec des avantages fiscaux significatifs.
Dans cet article, nous allons explorer les aspects juridiques et fiscaux du démembrement de propriété, en nous appuyant sur les textes légaux pertinents, notamment le Code civil et le Code général des impôts.
Selon l'article 544 du Code civil, le droit de propriété confère trois prérogatives essentielles au propriétaire : le droit d'usage (usus), le droit de percevoir les fruits du bien (fructus) et le droit d'en disposer (abusus). Le démembrement de propriété consiste à diviser ces trois droits entre deux parties :
L'usufruitier a le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les revenus (article 578 du Code civil). Il peut habiter l'immeuble ou le louer pour en tirer des loyers. Toutefois, il doit veiller à l'entretien du bien et le restituer en bon état à l'extinction de l'usufruit.
Le Code civil impose également à l'usufruitier de dresser un inventaire des biens meubles et un état descriptif des biens immeubles lors de l'ouverture de l'usufruit (article 600).
Le nu-propriétaire, quant à lui, détient la propriété de l'immeuble mais ne peut l'utiliser ou en percevoir les fruits tant que l'usufruit existe. Il deviendra pleinement propriétaire à l'extinction de l'usufruit, généralement au décès de l'usufruitier (article 617).
Le démembrement de propriété est une technique fréquemment utilisée dans le cadre des donations entre parents et enfants. Ce mécanisme permet aux parents de transmettre la nue-propriété d’un bien immobilier tout en conservant l'usufruit.
Cela signifie que les parents, bien que n'étant plus pleinement propriétaires, continuent à jouir du bien, soit en l'habitant, soit en percevant les revenus locatifs. Ce procédé offre de nombreux avantages, notamment fiscaux.
En effet, les droits de donation sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, qui est inférieure à celle de la pleine propriété, ce qui permet de réduire significativement la charge fiscale pour les héritiers.
Cette valorisation est encadrée par l'article 669 du Code général des impôts, qui fixe un barème permettant de déterminer la part respective de l'usufruit et de la nue-propriété en fonction de l'âge de l'usufruitier. Plus l'usufruitier est âgé, plus la valeur de l'usufruit est faible, augmentant ainsi la valeur de la nue-propriété.
En résumé, cette technique permet de préparer la succession de manière anticipée tout en bénéficiant d’un régime fiscal avantageux, car à l'extinction de l'usufruit, la pleine propriété se reconstitue sans frais supplémentaires pour le nu-propriétaire, offrant ainsi une transmission du patrimoine optimisée.
En cas de location d'un bien démembré, c'est l'usufruitier qui perçoit les loyers et est donc imposable sur les revenus fonciers générés par le bien. Conformément à l'article 15 du Code général des impôts, l'usufruitier doit déclarer l'intégralité des revenus perçus comme des revenus fonciers, sur lesquels il est assujetti à l'impôt sur le revenu.
En contrepartie, l'usufruitier peut déduire de ses revenus fonciers les charges qu'il a effectivement supportées, telles que les travaux d'entretien, la taxe foncière, ou encore les intérêts d’emprunt dans le cas où l'usufruitier a financé des rénovations ou des réparations importantes.
Le nu-propriétaire, quant à lui, n’a pas à déclarer les revenus générés par le bien, car il n'en perçoit pas les fruits. Toutefois, si une convention contraire a été établie entre les parties (usufruitier et nu-propriétaire), il est possible d’organiser autrement la répartition de la fiscalité sur les revenus fonciers, bien que cela soit rare dans la pratique.
En cas de cession d’un bien démembré, chaque partie – l'usufruitier et le nu-propriétaire – est imposée sur la plus-value immobilière en fonction des droits qu’elle détient sur le bien. Cela signifie que la plus-value réalisée lors de la vente du bien est répartie entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon la valeur respective de leurs droits.
L’article 150 U du Code général des impôts régit la taxation des plus-values immobilières et précise que les règles de calcul s’appliquent en fonction de la quote-part de chaque partie dans le bien.
Par exemple, si la valeur de l’usufruit représente 30 % de la valeur totale du bien et celle de la nue-propriété 70 %, alors chacun sera imposé sur sa part de la plus-value en conséquence.
L’usufruitier est donc imposé sur la part de plus-value correspondant à son droit d’usage et de perception des revenus (l’usufruit), tandis que le nu-propriétaire est imposé sur la part correspondant à son droit de disposer du bien (la nue-propriété).
Chaque partie peut bénéficier, sous conditions, d’abattements pour durée de détention, selon les mêmes modalités que pour une pleine propriété. Ainsi, plus la durée de détention est longue, plus l’imposition sur la plus-value diminue, jusqu'à une exonération totale après 30 ans de détention.
Selon l'article 968 du Code général des impôts, dans le cadre d’un démembrement de propriété, la valorisation du bien pour l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) dépend de la répartition des droits entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.
Le bien démembré est inclus dans le patrimoine de l'usufruitier pour sa valeur en pleine propriété. Cela signifie que c'est l'usufruitier qui est redevable de l'IFI sur la totalité de la valeur du bien, même s’il n’en détient pas la nue-propriété. En effet, l’usufruitier bénéficie du droit de jouir du bien ou d’en percevoir les revenus, ce qui justifie cette règle fiscale.
Le nu-propriétaire, lui, n’a pas à déclarer le bien dans son patrimoine pour l’IFI, à moins que l'usufruit soit qualifié d'usufruit légal tel que l’usufruit du conjoint survivant dans le cadre d’une succession. Dans ce cas particulier, le nu-propriétaire devra intégrer la valeur de sa part dans sa déclaration d'IFI, en fonction des dispositions spécifiques du Code général des impôts.
Cette répartition des droits dans le cadre de l’IFI est particulièrement avantageuse pour le nu-propriétaire, car il n'a, en principe, aucune obligation fiscale liée au bien tant que l’usufruit est en vigueur.
Le démembrement de propriété ne se limite pas aux biens immobiliers. Il est tout à fait possible de procéder au démembrement de parts sociales ou d’actions.
Cette option permet de séparer la jouissance des dividendes de la détention du droit de vote, ce qui peut s’avérer avantageux dans certaines stratégies de gestion patrimoniale, notamment pour organiser une transmission de patrimoine ou pour séparer la gestion des revenus d’une société de son contrôle.
Dans le cadre d’un démembrement de parts sociales ou d’actions, deux droits sont scindés :
Dans le cas particulier d’un portefeuille de titres (actions, obligations, etc.) soumis à un démembrement, l'usufruitier dispose d'une grande liberté de gestion. Il peut notamment vendre certains titres à condition de les remplacer par d'autres valeurs mobilières, ce qui permet de préserver la valeur globale du portefeuille au bénéfice du nu-propriétaire.
Cette faculté, prévue par l’article 587 du Code civil, assure une gestion dynamique du portefeuille par l’usufruitier, tout en garantissant au nu-propriétaire que la valeur des biens démembrés ne sera pas diminuée au fil du temps.
L’usufruitier est ainsi libre de procéder à des arbitrages dans la composition du portefeuille, tant qu’il remplace les titres cédés par des titres de même nature et de valeur équivalente.
Ce mécanisme est particulièrement avantageux, car il permet à l'usufruitier de gérer le portefeuille de manière optimale, en saisissant des opportunités de marché, tout en protégeant les intérêts patrimoniaux du nu-propriétaire.
Ce dernier est ainsi assuré que la valeur du portefeuille reste stable ou croît au fil du temps, malgré les mouvements opérés par l’usufruitier.
Enfin, pour des sommes d’argent issues de la vente de titres, l'usufruitier a la possibilité de les utiliser, mais il devra les restituer à l’extinction de l’usufruit en rendant l'équivalent nominal de la somme initiale. Ce mécanisme protège le nu-propriétaire en garantissant qu’il récupérera une valeur équivalente à la fin de l'usufruit.
Le démembrement de propriété est un mécanisme juridique complexe mais puissant, permettant une transmission de patrimoine optimisée sur les plans juridique et fiscal.
Que ce soit pour les biens immobiliers ou les parts sociales, cette technique offre une flexibilité considérable dans la gestion des droits et des obligations entre usufruitier et nu-propriétaire.
En maîtrisant les enjeux liés à la fiscalité, notamment sur les revenus fonciers, les plus-values et l'IFI, le démembrement s'impose comme une solution stratégique incontournable pour organiser efficacement son patrimoine tout en bénéficiant d'avantages fiscaux significatifs.
Le démembrement de propriété est un mécanisme juridique qui divise les droits de propriété en deux parties : l’usufruit et la nue-propriété. L'usufruitier détient les droits d'usage (usus) et de perception des revenus (fructus), ce qui lui permet d’utiliser le bien et d’en tirer des revenus, comme les loyers pour un bien immobilier. Le nu-propriétaire, quant à lui, détient le droit de disposition (abusus), c’est-à-dire qu’il peut vendre ou transmettre la pleine propriété du bien, mais uniquement à l’extinction de l’usufruit. Le démembrement est souvent utilisé dans les stratégies de gestion patrimoniale pour transmettre un bien tout en conservant certains avantages, comme les revenus ou l’usage du bien.
Le démembrement de propriété offre plusieurs avantages fiscaux significatifs, surtout dans le cadre d'une donation ou d'une succession. En effet, lors d'une donation, seuls les droits sur la nue-propriété sont transmis, ce qui permet de réduire considérablement la base d’imposition. Les droits de donation ne sont donc calculés que sur la valeur de la nue-propriété, qui est inférieure à celle de la pleine propriété. Cela permet de réduire les droits de succession à payer par les héritiers. De plus, à l'extinction de l'usufruit (généralement au décès de l'usufruitier), le nu-propriétaire récupère automatiquement la pleine propriété sans frais supplémentaires ni nouvelle imposition. Ce mécanisme permet de préparer la transmission du patrimoine tout en optimisant la charge fiscale.
Le démembrement peut également s’appliquer aux parts sociales ou aux actions d’une société. Dans ce cas, l'usufruitier détient le droit de percevoir les dividendes, c'est-à-dire les revenus générés par les parts ou actions. Le nu-propriétaire, quant à lui, conserve le droit de vote sur les décisions affectant la substance des parts sociales, telles que les augmentations ou réductions de capital, les fusions ou la modification de l’objet social. Ce mécanisme permet une gestion distincte des revenus et du pouvoir de décision dans l’entreprise. De plus, l'usufruitier peut vendre certains titres à condition de les remplacer par des titres de valeur équivalente, garantissant ainsi que la valeur du portefeuille reste stable pour le nu-propriétaire.
L'usufruitier a plusieurs obligations importantes dans le cadre du démembrement de propriété. Tout d’abord, il doit entretenir le bien de manière à ce qu’il conserve sa valeur. Les réparations d'entretien et les charges courantes (comme la taxe foncière, les petites réparations ou les frais de gestion locative) sont à la charge de l'usufruitier. De plus, il a l’obligation de dresser un inventaire des biens au début de l’usufruit, afin de garantir qu’ils seront restitués en bon état au nu-propriétaire à la fin de l'usufruit. Par ailleurs, l'usufruitier doit réparer ou entretenir le bien de manière à ne pas le dégrader. Les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire, mais l'usufruitier peut être tenu d’assurer les petites réparations nécessaires à l’usage normal du bien.
La répartition de l’imposition entre l'usufruitier et le nu-propriétaire dépend de la nature des revenus ou des gains issus du bien démembré. En cas de location d’un bien démembré, c’est l’usufruitier qui perçoit les loyers et qui est imposable sur ces revenus fonciers, conformément à l'article 15 du Code général des impôts. Le nu-propriétaire n’est pas imposable sur ces revenus, sauf s’il existe une convention contraire. Concernant les plus-values immobilières, en cas de cession du bien, l’imposition est répartie entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon leurs parts respectives sur le bien. En ce qui concerne l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), c’est également l’usufruitier qui doit déclarer la valeur en pleine propriété du bien dans son patrimoine. Le nu-propriétaire, quant à lui, n’a pas à déclarer le bien pour l'IFI, sauf exceptions spécifiques comme l'usufruit du conjoint survivant.