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Contre-visite médicale patronale : procédure et enjeux pour les salariés

Francois Hagege
Fondateur
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Contre-visite médicale en entreprise : les conditions à connaître

La contre-visite médicale patronale est un dispositif légal qui permet à un employeur de vérifier la justification des arrêts de travail de ses salariés. Ce mécanisme, prévu par le Code du travail, a été renforcé par des dispositions récentes, notamment le décret du 5 juillet 2024, qui en précise les modalités.

En permettant à l’employeur de recourir à un contrôle médical tiers, la contre-visite offre une garantie contre les abus potentiels, tout en imposant des obligations strictes aux salariés. Dans un contexte où la gestion des absences peut avoir un impact significatif sur l’entreprise, cet outil, bien que souvent mal perçu, se révèle un levier efficace pour réguler les indemnités versées et prévenir la désinsertion professionnelle.

Sommaire :

  1. Qu'est-ce que la contre-visite médicale patronale ?
  2. Les modalités de la contre-visite médicale
  3. Les conséquences de la contre-visite médicale
  4. Articulation avec les indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS)
  5. FAQ

Qu'est-ce que la contre-visite médicale patronale ?

La contre-visite médicale patronale est un mécanisme légal qui permet à l'employeur de vérifier l'exactitude et la justification de l'arrêt de travail d'un salarié. Elle intervient notamment lorsque l'employeur est tenu de verser un complément de salaire pendant l'absence du salarié pour maladie ou accident.

Ce droit est encadré par l'article L. 1226-1 du Code du travail, qui autorise l'employeur à mandater un médecin pour effectuer ce contrôle.

Ce droit, bien que déjà prévu dans certaines conventions collectives, a fait l'objet de précisions récentes avec le décret du 5 juillet 2024. Ce décret introduit trois nouveaux articles dans le Code du travail (R. 1226-10 à R. 1226-12), qui définissent plus précisément les modalités et les obligations relatives à la contre-visite médicale.

L'objectif de ces dispositions est de clarifier les situations dans lesquelles un employeur peut recourir à cette contre-visite et de définir les droits et devoirs des salariés en cas de contrôle.

Cet outil, bien que légalement fondé, reste souvent méconnu par les employeurs, qui ignorent qu'ils disposent de cette possibilité pour vérifier la validité des arrêts de travail. En recourant à la contre-visite médicale, l'employeur peut ainsi s'assurer que les absences de ses salariés sont justifiées et éviter des abus qui pourraient nuire à la bonne gestion des ressources humaines de l'entreprise.

Les modalités de la contre-visite médicale

La contre-visite médicale patronale peut être déclenchée à tout moment durant l'arrêt de travail d'un salarié, offrant ainsi une souplesse à l'employeur dans la gestion des absences. L'article R. 1226-11 du Code du travail encadre précisément les conditions dans lesquelles cette visite peut être effectuée par le médecin mandaté par l’employeur. Celui-ci dispose de deux options pour organiser la contre-visite :

  • Au domicile du salarié ou à tout autre lieu que le salarié a communiqué à l'employeur dès le début de son arrêt. Cette obligation pour le salarié de préciser le lieu de sa convalescence est indispensable pour que l'employeur puisse organiser la visite. Il est à noter que si ce lieu change en cours d'arrêt, le salarié doit en informer son employeur sans délai.
  • Au cabinet du médecin contrôleur, après une convocation officielle. Cette convocation peut être transmise par tout moyen permettant d'établir une date certaine. En cas d’incapacité à se déplacer, notamment pour des raisons médicales, le salarié est tenu d'en informer le médecin en fournissant une justification valable.

Si le salarié refuse de se soumettre à cet examen médical ou n'informe pas son employeur de son lieu de repos, l'employeur peut suspendre le versement du complément de salaire dès lors qu'il existe un manquement aux obligations légales.

La jurisprudence a solidement renforcé cette pratique. En effet, dans un arrêt du 26 septembre 2012 (Cass. soc. 26 septembre 2012, n° 11-14512), il a été rappelé que l'employeur peut interrompre le complément salarial si le salarié est absent lors de la contre-visite et n’a pas informé de son changement de lieu.

De même, dans un arrêt du 16 mars 2016 (Cass. soc. 16 mars 2016, n° 14-16588), il a été jugé que même en cas de sorties autorisées, le salarié doit informer son employeur s'il change de lieu de résidence pendant son arrêt de travail pour permettre la contre-visite.

Ces règles imposent donc aux salariés une transparence absolue quant à leur localisation durant leur arrêt, sous peine de conséquences financières directes, tout en offrant à l'employeur un moyen de contrôle efficace.

Les conséquences de la contre-visite

À la suite d’une contre-visite médicale, plusieurs issues peuvent se présenter, chacune ayant des conséquences spécifiques pour le salarié et l’employeur. Voici les trois principales situations qui peuvent survenir :

  1. Le salarié est absent sans motif légitime ou refuse de se soumettre à la contre-visite :
    • Dans ce cas, l'employeur peut suspendre le versement du complément de salaire pour la période restant à courir de l'arrêt de travail. Cette suspension ne s'applique cependant pas rétroactivement, ce qui signifie que les sommes déjà versées ne sont pas récupérables. L'absence ou le refus du salarié sans justification est une violation de ses obligations, ouvrant ainsi la voie à cette sanction. Il est important de noter que l'employeur ne peut toutefois pas sanctionner le salarié autrement que par la suspension du complément salarial.
  2. L’arrêt de travail est jugé justifié par le médecin-contrôleur :
    • Lorsque le médecin mandaté par l’employeur confirme que l’arrêt de travail est justifié, l'employeur est tenu de continuer le versement des indemnités complémentaires jusqu'à la fin de l'arrêt, dans la limite du crédit indemnisable prévu par la loi ou les conventions collectives applicables. Cela signifie que le salarié continue de bénéficier de la protection et du soutien financier de l'employeur pendant toute la durée de son incapacité.
  3. Le salarié est jugé apte à reprendre le travail :
    • Si le médecin-contrôleur estime que le salarié est en mesure de reprendre son poste avant la fin de l'arrêt initialement prescrit, le salarié a deux options :
      • Reprendre son travail immédiatement, conformément à l’avis du médecin contrôleur.
      • Maintenir l’arrêt de travail prescrit par son médecin traitant. Dans ce cas, l’employeur a le droit de suspendre le paiement des indemnités complémentaires à partir du jour du contrôle, sans effet rétroactif. Toutefois, le salarié ne peut être sanctionné pour avoir refusé de reprendre le travail, même si l’avis du médecin contrôleur est favorable à une reprise anticipée.

Chacune de ces situations illustre les droits et obligations tant du salarié que de l'employeur lors d'une contre-visite médicale, soulignant l'importance pour les deux parties de respecter les règles établies et de prendre les décisions appropriées en fonction des conclusions du médecin-contrôleur.

Articulation avec les indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS)

Depuis 2010, les résultats des contre-visites médicales patronales peuvent influencer directement le versement des indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS). Si le médecin mandaté par l'employeur conclut que l'arrêt de travail n'est pas justifié, cette conclusion peut entraîner une suspension des IJSS, sous certaines conditions.

Concrètement, lorsque le médecin mandaté par l’employeur estime que l'arrêt de travail est non justifié, il doit transmettre son rapport au service médical de la caisse de sécurité sociale dans un délai maximal de 48 heures.

Cette obligation est encadrée par les articles L. 315-1 et D. 315-4 du Code de la sécurité sociale. Le rapport doit préciser si le médecin a pu ou non procéder à un examen médical du salarié, ainsi que les conclusions tirées de cet examen.

À réception de ce rapport, la caisse de sécurité sociale dispose de plusieurs options :

  • Elle peut décider de suspendre les indemnités journalières versées au salarié, en cas de constat d'absence de justification médicale de l'arrêt.
  • Le salarié est alors informé de cette suspension et dispose de 10 jours francs pour contester cette décision et demander un nouvel examen de sa situation par le service du contrôle médical de la caisse. Ce délai est important, car il détermine la possibilité pour le salarié de faire valoir ses droits.
  • Le service du contrôle médical de la caisse a alors un délai de 4 jours francs pour réexaminer le dossier et rendre sa décision sur la reprise ou non du versement des IJSS.

Ces délais, calculés en jours francs (c'est-à-dire des jours complets, de minuit à minuit), assurent une procédure équitable et permettent au salarié de se défendre face à une décision de suspension des indemnités.

Par ailleurs, en cas de prolongation d'arrêt de travail dans les 10 jours francs suivant la suspension, le versement des indemnités n'est pas automatique. Le service du contrôle médical doit à nouveau examiner la situation et décider s'il y a lieu de restituer les IJSS.

Ce mécanisme permet donc à l'employeur d'exercer un contrôle indirect sur le versement des indemnités journalières, tout en offrant au salarié des garanties procédurales pour défendre la légitimité de son arrêt de travail.

Conclusion

La contre-visite médicale patronale s’inscrit dans un cadre réglementaire strict, assurant un équilibre entre les droits des employeurs à contrôler les absences et les obligations des salariés en arrêt de travail.

Si les résultats de la contre-visite peuvent influencer tant le versement du complément de salaire que celui des indemnités journalières de la sécurité sociale, il est essentiel que cet outil soit utilisé avec discernement. Un recours abusif ou excessif à ce mécanisme peut en effet être interprété comme une forme de harcèlement moral.

FAQ :

1. Qu'est-ce que la contre-visite médicale patronale et à quoi sert-elle ?
La contre-visite médicale patronale est un outil juridique à disposition de l'employeur pour vérifier si l'arrêt de travail d'un salarié est justifié, aussi bien dans sa nature que dans sa durée. Ce droit, consacré par l'article L. 1226-1 du Code du travail, permet de mandater un médecin tiers pour contrôler l'état de santé du salarié. La contre-visite est souvent mise en œuvre lorsque l'employeur doit verser un complément de salaire pendant l'arrêt maladie ou accident. L'objectif est de s'assurer que les absences sont légitimes et que l'arrêt n'est pas prolongé indûment. En cas de doute sur la validité de l'arrêt de travail, l'employeur peut prendre des mesures correctives, telles que la suspension du complément de salaire. Ce dispositif est encadré par des dispositions légales précises, notamment par le décret du 5 juillet 2024, qui a renforcé la réglementation relative à ce droit, afin de protéger à la fois les droits de l'employeur et ceux du salarié.

2. Quelles sont les modalités de la contre-visite médicale ?
La contre-visite médicale peut être effectuée à tout moment pendant l'arrêt de travail du salarié. Selon l'article R. 1226-11 du Code du travail, le médecin mandaté par l'employeur dispose de deux options :

  • Au domicile du salarié ou à un autre lieu communiqué par ce dernier dès le début de l’arrêt. Le salarié a l'obligation légale de fournir à l'employeur son lieu de repos et d'informer celui-ci de tout changement de lieu durant l'arrêt.
  • Au cabinet du médecin, après convocation officielle. Cette convocation peut être envoyée par tout moyen garantissant une date certaine. Le salarié doit se rendre à cette convocation, sauf en cas de motifs valables, notamment une incapacité de se déplacer en raison de son état de santé.

Si le salarié refuse de se soumettre à la contre-visite ou ne se présente pas à l’examen médical sans raison légitime, l'employeur peut suspendre le versement du complément de salaire pour la période restante de l'arrêt de travail. Il est important de noter que cette suspension ne s'applique pas de manière rétroactive. Cette sanction vise à dissuader les salariés de prolonger ou de bénéficier indûment d'un arrêt de travail, tout en garantissant une transparence dans le processus de contrôle.

3. Quelles sont les conséquences pour le salarié si la contre-visite révèle une absence non justifiée ?
Si le médecin-contrôleur, mandaté par l'employeur, conclut que l'arrêt de travail du salarié n'est pas justifié, l'employeur a le droit de suspendre immédiatement le paiement du complément de salaire pour la durée restante de l'arrêt. Cette suspension prend effet à partir du jour du contrôle et n'a pas d'effet rétroactif, ce qui signifie que les sommes déjà versées ne sont pas récupérables. Cette mesure vise à limiter les abus potentiels en matière d'arrêts de travail, notamment lorsque des arrêts prolongés ne sont pas médicalement justifiés. En revanche, le salarié ne peut pas être sanctionné pour avoir refusé de reprendre le travail après un avis favorable du médecin-contrôleur, mais il perdra le complément de salaire s'il choisit de maintenir l'arrêt prescrit par son médecin traitant. La jurisprudence a consolidé cette pratique, comme en témoigne l'arrêt Cass. soc. 26 septembre 2012 qui a confirmé que l'employeur peut interrompre le complément de salaire si le salarié ne coopère pas avec le médecin contrôleur.

4. Quel est l'impact de la contre-visite sur les indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) ?
Les résultats d’une contre-visite médicale peuvent également affecter le versement des indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS). Si le médecin-contrôleur mandaté par l’employeur conclut que l’arrêt de travail est non justifié, il doit rédiger un rapport et le transmettre au service médical de la caisse de sécurité sociale dans un délai de 48 heures, conformément aux articles L. 315-1 et D. 315-4 du Code de la sécurité sociale. Ce rapport détaille les conclusions de l'examen ainsi que les raisons pour lesquelles l'arrêt de travail ne serait pas justifié.

Sur la base de ce rapport, la caisse de sécurité sociale peut décider de suspendre le versement des IJSS. Le salarié est alors informé de cette décision et dispose d’un délai de 10 jours francs pour contester la suspension et demander un nouvel examen de son dossier par le service médical de la caisse. Ce service dispose ensuite de 4 jours francs pour statuer sur la reprise ou non des indemnités. Il est à noter que cette procédure vise à garantir une protection équitable tant pour le salarié que pour l'employeur, tout en encadrant strictement les conditions de suspension des IJSS.

5. Le salarié est-il obligé d'informer l'employeur de son lieu de repos pendant l'arrêt de travail ?
Oui, le salarié est tenu de communiquer son lieu de repos dès le début de l'arrêt de travail s'il est différent de son domicile habituel. Cette obligation est imposée par l'article R. 1226-10 du Code du travail, afin de permettre à l'employeur de procéder à une éventuelle contre-visite. Si le salarié change de lieu de repos en cours d’arrêt, il doit en informer immédiatement l'employeur pour éviter tout manquement à ses obligations. Cette règle a été renforcée par la jurisprudence (arrêts Cass. soc. 26 septembre 2012 et Cass. soc. 16 mars 2016), qui a rappelé que l'absence d'information sur le lieu de repos ou le refus de se soumettre à une contre-visite peuvent entraîner la suspension du complément de salaire. Le salarié doit donc veiller à maintenir une transparence complète quant à son lieu de convalescence pour éviter des sanctions financières de la part de son employeur.

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