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Entrepreneur individuel : comment protéger son patrimoine en cas de crise ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Entrepreneurs individuels : solutions pour gérer les problèmes financiers

Les entrepreneurs individuels peuvent rencontrer des difficultés financières à un moment donné de leur activité, qu'elles soient liées à une gestion hasardeuse, à des circonstances économiques défavorables ou à des événements imprévus.
Face à ces défis, il est important de connaître les recours disponibles pour protéger son activité tout en évitant la mise en péril de son patrimoine personnel.

Depuis la loi du 14 février 2022, de nouvelles dispositions sont en vigueur pour accompagner ces entrepreneurs, notamment à travers une procédure de séparation des patrimoines et des mécanismes de traitement des dettes.
Cet article explore les différentes étapes à suivre et les outils légaux à disposition des entrepreneurs individuels en difficulté.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu'est-ce qu'un entrepreneur individuel ?
  3. Que faire en cas de difficultés financières ?
  4. Saisine du tribunal compétent
  5. Le rôle de la commission de surendettement
  6. FAQ

Qu'est-ce qu'un entrepreneur individuel ? Définition

La loi du 14 février 2022 relative à l'activité indépendante a instauré un statut unique pour les entrepreneurs individuels, remplaçant l'ancienne structure de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL).

Ce statut permet de mener une activité en nom propre, simplifiant ainsi la création et la gestion d'une entreprise. Il n'est plus nécessaire de rédiger des statuts ou de constituer un capital social, ce qui facilite l'accès à l'entrepreneuriat.

Un avantage clé de ce régime est la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur. La séparation entre le patrimoine professionnel et personnel assure que, en cas de difficultés, seuls les biens affectés à l'activité professionnelle peuvent être saisis pour régler les dettes professionnelles (article L526-25 du Code de commerce) .

La procédure à suivre en cas de difficultés financières

Lorsque l'entrepreneur individuel rencontre des difficultés financières, plusieurs options s'offrent à lui. La première étape consiste à évaluer la situation financière de son activité pour déterminer s'il peut régler ses dettes.

Si ce n'est pas le cas, il doit alors saisir le tribunal compétent, soit le tribunal de commerce pour les activités commerciales, soit le tribunal judiciaire pour les professions libérales ou artisanales (article L640-1 du Code de commerce) .

Les recours disponibles

L'entrepreneur peut bénéficier de plusieurs mesures de prévention avant d'arriver à une cessation de paiement :

  1. Mandat ad hoc : Un mandataire est nommé pour négocier avec les créanciers et trouver un accord .
  2. Conciliation : Une procédure permettant à l'entrepreneur de négocier un plan de paiement avec ses créanciers sous la supervision d'un conciliateur .
  3. Procédure de sauvegarde : Elle permet à une entreprise qui n'est pas encore en cessation des paiements de bénéficier d'une protection contre les créanciers pour réorganiser ses dettes (articles L620-1 et suivants du Code de commerce) .

En cas d'état de cessation des paiements, l'entrepreneur doit demander l'ouverture d'une procédure collective, soit le redressement judiciaire si l'entreprise peut encore être sauvée, soit la liquidation judiciaire si la situation est irrémédiable (articles L631-1 et suivants du Code de commerce) .

La commission de surendettement : un recours pour les dettes personnelles

Lorsque les difficultés financières d'un entrepreneur individuel concernent à la fois des dettes professionnelles et personnelles, il peut être nécessaire de recourir à la commission de surendettement.

Cette instance, régie par le Code de la consommation, est dédiée aux particuliers se trouvant dans une situation où ils ne peuvent plus faire face à leurs obligations financières personnelles (articles L731-1 et suivants du Code de la consommation) .

L'entrepreneur individuel, même s'il exerce une activité professionnelle, peut bénéficier de cette procédure en raison de la nature mixte de ses dettes.

En effet, bien que les dettes professionnelles relèvent d'une autre juridiction (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon l'activité), les dettes personnelles — telles que les crédits à la consommation, les impôts ou les dettes locatives — peuvent être prises en charge par la commission de surendettement.

Cela permet à l'entrepreneur de ne pas se retrouver complètement démuni et de protéger, dans certains cas, son patrimoine personnel.

Le processus de saisine

L'entrepreneur individuel ne peut pas saisir directement la commission de surendettement du fait de sa qualité de professionnel. Toutefois, il peut demander au tribunal compétent d'examiner son dossier.

Si le tribunal constate que les dettes concernent majoritairement son patrimoine personnel, il pourra renvoyer l'affaire devant la commission.

Ce renvoi peut intervenir soit au moment de la première audience, soit à tout autre stade de la procédure, si des dettes personnelles sont identifiées en plus des dettes professionnelles.

Lorsque la commission de surendettement est saisie, elle se charge d'examiner les dettes non professionnelles de l'entrepreneur. Ces dettes peuvent inclure des crédits à la consommation, des dettes fiscales, ou encore des arriérés de loyer.

La commission joue alors un rôle de médiateur entre le débiteur (l'entrepreneur) et ses créanciers, dans l'objectif de trouver des solutions qui permettront de rééchelonner ou de réduire les dettes, tout en prenant en compte la capacité de remboursement de l'entrepreneur. Cela peut se traduire par des mesures telles que la réduction des taux d'intérêt, l'allongement des délais de remboursement, voire la suspension des paiements pendant une durée déterminée.

Le rôle de la commission de surendettement

La commission de surendettement a pour mission principale de trouver des solutions afin d'aider les personnes concernées à sortir de situations de surendettement. Elle intervient comme une instance de conciliation, en proposant des plans de redressement pour permettre au débiteur d’honorer ses engagements financiers tout en tenant compte de sa situation actuelle.

La commission peut ainsi proposer plusieurs types de solutions, allant de la simple réorganisation des dettes à des mesures plus radicales, comme le gel des dettes ou même leur effacement partiel dans les cas les plus graves (article L733-1 du Code de la consommation) .

L'entrepreneur bénéficiera de cette procédure uniquement si ses dettes personnelles sont prédominantes ou bien s'il existe un cumul de dettes professionnelles et personnelles qui rend impossible la distinction des patrimoines.

Les créanciers personnels, tels que les banques ou les fournisseurs d'énergie, sont alors tenus de respecter le plan de redressement proposé par la commission, sous réserve de son acceptation par le débiteur.

Saisine du tribunal compétent et documents nécessaires

Lorsque l'entrepreneur individuel se trouve dans l'incapacité de rembourser ses dettes, il doit saisir le tribunal compétent (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon son activité) pour solliciter l'ouverture d'une procédure collective.

Cette saisine doit être accompagnée de plusieurs documents justificatifs qui permettront au tribunal d'évaluer la situation financière de l'entrepreneur et de prendre les mesures nécessaires.

Documents nécessaires

Voici les documents que l'entrepreneur individuel doit fournir lors de la saisine du tribunal :

  • La situation de trésorerie : Il s'agit d'un état détaillant les liquidités disponibles et la capacité de l'entrepreneur à faire face à ses engagements à court terme.
  • L’état chiffré des créances et dettes : Ce document recense l'ensemble des créanciers et des dettes contractées par l'entrepreneur, qu'elles soient professionnelles ou personnelles.
  • L'inventaire sommaire des biens : Cet inventaire est essentiel pour distinguer les biens professionnels des biens personnels, conformément aux dispositions de l'article R631-3 du Code de commerce. Cela permet au tribunal de savoir quels biens peuvent être saisis dans le cadre de la procédure collective.
  • Les actes de renonciation à la séparation des patrimoines : Si l'entrepreneur a décidé d'offrir des garanties personnelles à certains créanciers, il doit fournir un acte de renonciation à la protection de son patrimoine personnel. Cet acte permet à certains créanciers d'obtenir des garanties sur les biens personnels de l'entrepreneur, malgré la séparation des patrimoines prévue par la loi.

Ces documents sont essentiels pour que le tribunal puisse évaluer la gravité de la situation et déterminer la meilleure marche à suivre.
Une fois que le tribunal a examiné ces éléments, il peut décider d'ouvrir une procédure collective, telle que le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire, en fonction de l'état de l'entreprise.

Notification des décisions

Si le tribunal décide d'ouvrir une procédure collective, il notifiera cette décision à toutes les parties concernées. Cela inclut :

  • Le débiteur (l'entrepreneur individuel) ;
  • Les créanciers mentionnés dans l'état des dettes ;
  • Le ministère public ;
  • Le mandataire judiciaire, si celui-ci a été désigné.

La notification est essentielle pour informer l'entrepreneur et ses créanciers des prochaines étapes à suivre dans la procédure.
Les créanciers seront alors invités à déclarer leurs créances dans un délai imparti, et l'entrepreneur sera soumis à des obligations légales pour coopérer avec le mandataire judiciaire et les autorités compétentes afin de faciliter la résolution de la procédure.

Conclusion

En résumé, les entrepreneurs individuels disposent de plusieurs voies légales pour gérer des difficultés financières, allant de la procédure de prévention avec le mandat ad hoc ou la conciliation, jusqu'à la saisine du tribunal compétent pour l'ouverture d'une procédure collective.

La séparation des patrimoines, introduite par la loi de 2022, offre une protection essentielle aux entrepreneurs en les préservant de la saisie de leurs biens personnels, tout en leur permettant de bénéficier du soutien de la commission de surendettement pour les dettes non professionnelles. Il est cependant impératif de bien préparer son dossier et de fournir tous les documents nécessaires pour maximiser les chances d'un règlement efficace de la situation.

FAQ :

1. Qu'est-ce qu'un entrepreneur individuel et comment est-il protégé en cas de difficultés financières ?
Un entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce une activité économique sans créer de société. Ce statut permet de gérer plus facilement une activité en évitant les formalités liées à la création d'une structure plus complexe. Depuis la loi du 14 février 2022, une mesure essentielle a été mise en place : la séparation des patrimoines. Cela signifie que les biens personnels de l'entrepreneur (maison, voiture, etc.) sont protégés et ne peuvent pas être saisis pour rembourser des dettes professionnelles, à moins que l'entrepreneur ne décide volontairement de renoncer à cette protection en faveur de certains créanciers. Cette mesure est particulièrement utile en cas de difficultés financières, car elle limite les risques pour la vie privée et familiale de l'entrepreneur.

2. Quelle procédure suivre lorsqu'un entrepreneur individuel est en cessation de paiements ?
Lorsqu'un entrepreneur individuel n'est plus en mesure de faire face à ses dettes avec son actif disponible, il se trouve en état de cessation de paiements. La première étape consiste à évaluer la situation financière de l'entreprise et de l'entrepreneur pour déterminer si une solution amiable (mandat ad hoc ou conciliation) peut être envisagée. Si cela n'est pas possible, l'entrepreneur doit saisir le tribunal compétent (tribunal de commerce pour les activités commerciales ou tribunal judiciaire pour les professions libérales et artisanales). Le tribunal examinera les dettes et décidera de l'ouverture d'une procédure collective, telle que le redressement judiciaire si l'entreprise peut être sauvée, ou la liquidation judiciaire si la situation est irréversible.

3. Quels sont les documents à fournir lors de la saisine du tribunal pour ouvrir une procédure collective ?
Pour que le tribunal compétent puisse ouvrir une procédure collective, l'entrepreneur doit soumettre plusieurs documents clés :

  • La situation de trésorerie, qui détaille les liquidités disponibles ;
  • L’état chiffré des créances et des dettes, recensant les montants dus et les créanciers ;
  • L’inventaire sommaire des biens, qui distingue les biens relevant du patrimoine professionnel de ceux relevant du patrimoine personnel (article R631-3 du Code de commerce) ;
  • Les actes de renonciation à la séparation des patrimoines, si l'entrepreneur a renoncé à cette protection pour garantir certaines dettes professionnelles.
    Ces documents permettent au tribunal de comprendre la situation financière exacte de l'entrepreneur et de décider de la meilleure voie à suivre.

4. Comment fonctionne la commission de surendettement pour un entrepreneur individuel ?
La commission de surendettement est un dispositif prévu par le Code de la consommation (articles L731-1 et suivants) pour aider les particuliers en situation de surendettement. Bien que les entrepreneurs individuels soient des professionnels, ils peuvent bénéficier de cette procédure si leurs dettes personnelles sont également en cause. En cas de dettes mixtes (professionnelles et personnelles), l'entrepreneur peut demander au tribunal de renvoyer son dossier devant la commission. Celle-ci agit comme un médiateur entre le débiteur et ses créanciers pour trouver des solutions, comme un rééchelonnement des dettes, une réduction des taux d'intérêt ou, dans les cas les plus graves, un effacement partiel des dettes. La commission permet ainsi à l'entrepreneur de bénéficier d'une approche plus souple pour ses dettes personnelles, tout en continuant son activité professionnelle.

5. Quelles sont les conséquences d'une liquidation judiciaire pour un entrepreneur individuel ?
En cas de liquidation judiciaire, le tribunal constate que l'entreprise n'est plus viable et décide de sa fermeture. Pour un entrepreneur individuel, cela signifie que ses biens professionnels seront liquidés pour rembourser les créanciers. Cependant, grâce à la séparation des patrimoines instaurée par la loi du 14 février 2022, les biens personnels de l'entrepreneur ne seront pas affectés, sauf s'il a renoncé à cette protection. Le liquidateur judiciaire est chargé de vendre les actifs de l'entreprise et de répartir les fonds obtenus entre les créanciers. L'entrepreneur sera également inscrit au registre des interdits de gérer, ce qui peut limiter sa capacité à créer ou diriger une nouvelle entreprise pendant un certain temps.

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