Travail

Géolocalisation des salariés : droits et obligations des employeurs selon la CNIL

Francois Hagege
Fondateur
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Surveillance par géolocalisation en entreprise : ce que dit la loi

Sommaire

  1. Introduction
  2. Cadre légal et obligations des employeurs
  3. Respect de la vie privée et limites de la surveillance
  4. Sanctions en cas de non-respect des règles
  5. Droits des salariés face à la géolocalisation
  6. FAQ

La géolocalisation des salariés est un outil de plus en plus utilisé par les entreprises pour suivre les déplacements professionnels, assurer la sécurité des employés ou optimiser la gestion des véhicules et marchandises.

Toutefois, cette pratique doit respecter un cadre légal strict, notamment en matière de protection des données personnelles et des libertés individuelles des salariés.

Encadrée par la CNIL, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation implique des obligations spécifiques pour l'employeur. Il est essentiel de comprendre ces règles afin de garantir un équilibre entre les besoins de l'entreprise et le respect des droits fondamentaux des salariés.

Contexte juridique de la géolocalisation des salariés

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) encadre strictement l'usage de la géolocalisation dans le cadre professionnel.

Cette technologie peut être utilisée par les employeurs pour des finalités spécifiques, telles que la sécurité des biens et des personnes ou le suivi des véhicules et marchandises. Toutefois, elle ne doit jamais devenir un moyen permanent de contrôle des salariés.

Encadrement légal et proportionnalité des mesures

Selon l'article L.1121-1 du Code du travail, toute restriction aux libertés individuelles doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée aux objectifs poursuivis.

Cela signifie que l'employeur doit démontrer que le recours à la géolocalisation est la seule manière d'atteindre les finalités visées, comme le suivi des trajets des chauffeurs ou la sécurité des marchandises transportées.

Cependant, il est primordial que ce dispositif ne soit pas utilisé pour un contrôle permanent de l'employé, notamment en dehors de ses heures de travail. La CNIL précise d'ailleurs que l’utilisation de la géolocalisation à des fins de surveillance continue est strictement interdite. Toute surveillance disproportionnée pourrait porter atteinte aux droits fondamentaux du salarié, notamment en matière de vie privée.

Régulation par la CNIL : obligations pour l'employeur

Avant de mettre en place un tel système, l'employeur doit le déclarer à la CNIL et informer les instances représentatives du personnel.

Les salariés doivent également être informés de l'existence de ce dispositif, de ses finalités, de la durée de conservation des données, et de leurs droits en matière de protection des données.

Cela peut être fait par le biais d’un avenant au contrat de travail ou par l’affichage d’une note de service dans l’entreprise.

Ces mesures visent à garantir la transparence et à s'assurer que l'usage de la géolocalisation reste proportionné et respectueux des droits des salariés.

L'obligation de transparence et de déclaration auprès de la CNIL

Avant de mettre en place un dispositif de géolocalisation, l'employeur doit s'assurer que celui-ci est déclaré à la CNIL et que les instances représentatives du personnel en sont informées. Cette démarche vise à garantir la légalité et la transparence du système de surveillance mis en place.

Information des salariés : une obligation légale

Il est également essentiel de communiquer clairement aux salariés les finalités de ce système, la durée de conservation des données, ainsi que les droits dont ils disposent, notamment celui de déposer une réclamation auprès de la CNIL.

Cette communication permet de respecter les obligations de transparence en matière de protection des données personnelles et d'éviter toute atteinte aux droits fondamentaux des salariés.

Ces informations peuvent être intégrées de plusieurs manières :

  • Un avenant au contrat de travail, précisant les modalités d'utilisation du dispositif de géolocalisation ;
  • Une note de service affichée dans l'entreprise, afin de sensibiliser l'ensemble des employés aux finalités et aux usages de ce système.

Ces démarches garantissent que le système de géolocalisation soit utilisé dans un cadre juridiquement sécurisé et conforme aux exigences de la CNIL, tout en respectant les libertés individuelles des salariés.

Géolocalisation continue : une surveillance disproportionnée

Selon la CNIL, l’enregistrement continu des données de géolocalisation, ainsi que la surveillance constante des salariés, constitue une atteinte excessive à la vie privée. Cela a été récemment confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 février 2024.

La Haute juridiction a souligné que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation ne peut se faire que dans le cadre des finalités déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance des salariés.

Le cas du détournement de finalité

Dans cette affaire, un employeur avait mis en place un système de géolocalisation pour suivre les déplacements de chauffeurs routiers. Bien que cela ait été justifié pour sécuriser les marchandises sensibles, l'employeur a ensuite utilisé les données pour surveiller le salarié de manière continue, y compris pendant ses pauses.

La Cour de cassation a jugé cet usage illicite, car il constituait un détournement de la finalité initialement déclarée. De plus, l'entreprise aurait pu recourir à un autre dispositif, tel qu’un chronotachygraphe, pour suivre le temps de travail.

Les implications pour l'employeur : atteinte à la vie privée

L'utilisation de la géolocalisation à des fins non déclarées peut porter atteinte à la vie privée des salariés.

En effet, surveiller un employé en dehors de ses heures de travail ou durant ses pauses constitue une violation de ses droits fondamentaux.

En l’espèce, la Cour de cassation a cassé le jugement de la Cour d'appel, considérant que l'employeur avait porté une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle du salarié en le surveillant en dehors du cadre professionnel.

Référence à l'article L.1121-1 du Code du travail

L’article L.1121-1 du Code du travail stipule que toute atteinte aux libertés individuelles doit être proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis par l’employeur.

Cela implique que l’employeur doit démontrer que la mesure prise, telle que la géolocalisation, est nécessaire pour atteindre un but précis et qu’il n’existe pas d'autres alternatives moins intrusives pour obtenir le même résultat.

Dans le cas d'espèce, la géolocalisation n'était pas proportionnée, car elle aurait pu être remplacée par d'autres outils de contrôle, comme le chronotachygraphe, permettant de suivre les heures de travail sans entrer dans la sphère privée du salarié.

La Cour de cassation a ainsi rappelé la nécessité pour les employeurs de respecter les principes établis par la CNIL et de veiller à ce que les dispositifs de surveillance ne conduisent pas à des dérives qui porteraient atteinte aux libertés individuelles des salariés.

Conclusion

En résumé, l'utilisation de la géolocalisation par les employeurs est strictement encadrée par la CNIL et la jurisprudence. Il est essentiel que ce dispositif soit utilisé uniquement dans le cadre des finalités déclarées, avec une proportionnalité respectée par rapport aux objectifs visés.

Toute dérive ou surveillance excessive, notamment en dehors du temps de travail, est susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux des salariés, notamment le droit au respect de la vie privée.

Les employeurs doivent donc faire preuve de transparence et respecter scrupuleusement les obligations légales pour éviter toute sanction.

FAQ :

1. Quelles sont les conditions légales pour mettre en place un dispositif de géolocalisation des salariés ?

La mise en place d’un dispositif de géolocalisation par un employeur doit répondre à des conditions strictes imposées par la CNIL. L’utilisation de la géolocalisation est permise seulement pour des finalités spécifiques, comme la sécurité des biens, la protection des salariés, ou encore le suivi des véhicules et marchandises. En revanche, cette surveillance ne doit pas être utilisée pour contrôler en permanence les salariés ou pour surveiller leur performance si d’autres moyens existent pour le faire. L’employeur doit, avant toute chose, déclarer le dispositif à la CNIL et informer les instances représentatives du personnel ainsi que les salariés concernés. Cette déclaration doit inclure les finalités précises du traitement des données, les durées de conservation des informations, ainsi que les modalités permettant aux salariés d’exercer leurs droits, notamment celui de contester l’utilisation des données.

2. Quels sont les droits des salariés face à la géolocalisation en entreprise ?

Les salariés ont plusieurs droits garantis par la législation française et européenne concernant la protection des données personnelles. Ils doivent d’abord être informés de la mise en place d’un dispositif de géolocalisation dans leur environnement de travail. Cela inclut la nature du dispositif, les finalités de la collecte des données, et les mesures pour garantir leur confidentialité. Les salariés ont également le droit de savoir qui traite les données et comment elles sont utilisées. De plus, ils peuvent demander à accéder à leurs propres données, les rectifier si nécessaire, ou exiger leur suppression dans certains cas. En cas de manquement, ils peuvent déposer une réclamation auprès de la CNIL ou saisir le Conseil de prud’hommes pour contester l’utilisation abusive de ces données et demander réparation des préjudices subis.

3. Est-il légal de surveiller un salarié en dehors de ses heures de travail avec la géolocalisation ?

Non, il est strictement illégal de surveiller un salarié en dehors de ses heures de travail via un dispositif de géolocalisation. La Cour de cassation, dans ses arrêts récents, a réaffirmé que l’utilisation de la géolocalisation doit être proportionnée et limitée à l’activité professionnelle. L'employeur ne peut pas utiliser ce dispositif pour suivre le salarié pendant ses périodes de repos, pauses ou vacances, car cela porterait atteinte à son droit à la vie privée. Toute surveillance continue ou excessive, en dehors des heures de travail, constitue une violation de la liberté individuelle du salarié et peut conduire à une annulation des preuves recueillies ainsi qu’à des sanctions pour l'employeur. Les juges prennent particulièrement en compte la proportionnalité et la nécessité des moyens de surveillance mis en œuvre dans chaque cas d’espèce.

4. Quelles sanctions un employeur risque-t-il en cas de non-respect des règles de la CNIL sur la géolocalisation ?

Un employeur qui ne respecte pas les règles de la CNIL concernant la géolocalisation s'expose à des sanctions importantes. La CNIL peut infliger des amendes financières allant jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise, selon la gravité de l'infraction. En outre, les données collectées illégalement ne pourront pas être utilisées comme preuve devant les tribunaux. Les salariés concernés peuvent également demander des dommages-intérêts pour atteinte à leurs droits fondamentaux, notamment pour violation de leur vie privée. L'employeur risque de faire face à des procédures disciplinaires engagées par les salariés devant le Conseil de prud’hommes, et en cas d'usage abusif des données, le licenciement pourrait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il est donc essentiel que l'employeur respecte scrupuleusement les obligations légales relatives à la protection des données pour éviter ces sanctions.

5. Comment les salariés peuvent-ils vérifier la légalité de la géolocalisation mise en place par leur employeur ?

Les salariés ont le droit de vérifier la légalité de la géolocalisation utilisée par leur employeur en demandant des informations sur les finalités déclarées auprès de la CNIL. Ils peuvent consulter le registre des activités de traitement des données tenu par l'employeur, où doivent figurer les détails sur la collecte, l’utilisation, et la conservation des données. En outre, les instances représentatives du personnel ont un rôle à jouer dans la vérification de la légalité de ces dispositifs. Elles peuvent demander des comptes à l’employeur et conseiller les salariés sur leurs droits. Si les salariés estiment que le dispositif est abusif ou non conforme aux règles de la CNIL, ils peuvent exercer leur droit de réclamation auprès de la CNIL ou saisir la justice pour faire valoir leurs droits et exiger la suppression des données illégalement collectées.

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