Travail

Le droit à l’image au travail : comment se protéger ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Droit à l’image des salariés : comment éviter les litiges en entreprise ?

Sommaire

  1. Introduction
  2. Le fondement légal du droit à l’image
  3. Le consentement du salarié
  4. Les conséquences juridiques en cas d'atteinte
  5. Recommandations pour les employeurs
  6. Sanctions pour non-respect du droit à l’image
  7. FAQ

Dans le cadre professionnel, l'image des salariés est régulièrement utilisée pour divers supports internes comme les trombinoscopes, l’intranet ou encore les organigrammes.

Cependant, elle peut également servir à des fins commerciales ou publicitaires, ce qui soulève des questions juridiques importantes en matière de droit à l’image. En effet, un employeur ne peut pas se permettre d'utiliser l'image de ses salariés sans leur consentement explicite, et cela malgré l'existence d'un contrat de travail.

Le fondement légal : le droit à l’image

Le droit à l’image est un droit fondamental protégé par l’article 9 du Code civil, qui stipule que "chacun a droit au respect de sa vie privée". Ce droit s'étend à la protection de l'image d'une personne, qu'elle soit prise dans un contexte privé ou professionnel.

Cela signifie que tout individu a un droit exclusif sur l’utilisation de son image, et que la diffusion ou l’utilisation de celle-ci sans consentement préalable constitue une atteinte à ce droit.

Dans le cadre d'une relation de travail, ce principe reste inchangé. Le salarié conserve pleinement son droit à l’image, et la simple existence d’un contrat de travail ne permet pas à l’employeur d’utiliser cette image à sa guise.

Cela inclut des situations courantes telles que la publication de photographies sur l’intranet de l’entreprise, la diffusion de photos lors d’événements d'entreprise, ou encore l’utilisation de ces images dans des supports publicitaires.

Le consentement du salarié

Pour éviter tout conflit, le consentement du salarié est une condition sine qua non.

Ce consentement doit être donné avant toute utilisation de son image. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire sur ce point : l'utilisation de l'image d'un salarié sans son consentement explicite constitue une atteinte au droit à l'image, ouvrant droit à des réparations (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-12.420, 20-12.421).

Il est important de noter que le consentement ne peut pas être implicite ou simplement déduit du fait que le salarié s'est prêté à une séance photo.

Le consentement explicite doit être requis pour toute utilisation future, surtout lorsqu'il s'agit de supports externes à l'entreprise comme des campagnes publicitaires ou des sites web.

Le consentement tacite et ses limites

Il est parfois avancé que le consentement tacite du salarié peut être considéré, notamment lorsque celui-ci participe de manière active à une séance photo organisée par l'entreprise.

Toutefois, cette participation ne vaut pas pour autant un consentement à une utilisation permanente ou sur des supports variés.

Par conséquent, pour se prémunir de tout litige, l’employeur doit impérativement obtenir un accord écrit de la part du salarié.

Cet accord peut être inclus dans le contrat de travail, un avenant ou un document distinct, précisant de manière claire et précise les conditions d’utilisation de l’image du salarié (finalité, durée, supports concernés, etc.).

Les conséquences d'une atteinte au droit à l’image

Dès lors que l'image du salarié est utilisée sans son consentement, ce dernier peut solliciter une réparation pour le préjudice subi.

La Cour de cassation rappelle que la simple constatation de l'atteinte au droit à l’image suffit à ouvrir droit à une réparation, sans qu'il soit nécessaire de prouver un préjudice particulier (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-12.420, 20-12.421).

Cette jurisprudence renforce la protection du salarié, en reconnaissant que l'atteinte à son image constitue en soi une violation de son droit fondamental.

Ainsi, un salarié dont l’image a été utilisée sans son accord préalable peut intenter une action en justice pour réclamer des dommages et intérêts.

Les montants des indemnités varient en fonction de la gravité de l’atteinte et de la diffusion de l’image, mais il est certain que le salarié n’a pas besoin de démontrer un impact négatif spécifique pour obtenir gain de cause.

Cette situation peut être facilement évitée par l’employeur en prenant des précautions juridiques adéquates, telles que la collecte du consentement écrit de l’employé pour toute utilisation de son image. Cela montre l’importance de bien formaliser cet accord pour éviter tout contentieux et protéger les droits des salariés.

La distinction entre l’usage professionnel et l’usage commercial de l’image

Il est essentiel de différencier l’usage professionnel de l’usage commercial de l’image d’un salarié. L’usage professionnel se limite à des supports internes à l’entreprise, tels que des trombinoscopes, des organigrammes ou des documents de communication interne.

Dans ce cadre, l'image du salarié est utilisée uniquement pour des besoins de gestion interne, sans intention de diffusion extérieure ou commerciale.

En revanche, un usage commercial inclut toute utilisation visant à promouvoir l’entreprise à l’extérieur, comme des publicités, des sites web ou des brochures commerciales. Ces supports ont pour but de générer du profit ou d’améliorer la visibilité de l’entreprise auprès de clients, partenaires ou du grand public.

Il est important de comprendre que le consentement donné pour un usage professionnel ne vaut pas pour un usage commercial. En d’autres termes, même si un salarié a donné son accord pour apparaître sur un trombinoscope interne, cet accord ne s’étend pas à l’utilisation de son image pour une campagne publicitaire ou sur un site web.

L’employeur doit donc s’assurer d'obtenir une autorisation spécifique et écrite pour chaque type d’utilisation de l’image du salarié. Sans cette démarche, l'employeur s'expose à des sanctions juridiques pour atteinte au droit à l’image.

Recommandations pour les employeurs

Pour éviter tout litige futur, il est fortement recommandé à l'employeur de formaliser le consentement du salarié par écrit. Voici quelques bonnes pratiques à suivre :

  1. Inclure une clause spécifique dans le contrat de travail qui définit précisément l’usage prévu de l’image du salarié. Cette clause doit mentionner clairement les circonstances et les supports où l’image sera utilisée.
  2. Faire signer un document d’autorisation distinct si l’utilisation de l’image est requise pour des campagnes spécifiques ou des événements particuliers. Ce document permet de préciser les limites d’usage et garantit que le salarié est pleinement informé.
  3. Préciser la durée d’utilisation de l’image et les supports sur lesquels elle sera diffusée (intranet, site web, supports publicitaires, etc.). Cela évite toute ambiguïté concernant la période pendant laquelle l’image du salarié pourra être exploitée.
  4. Renouveler l’autorisation si l’usage prévu de l’image change ou si de nouveaux supports sont envisagés. Chaque modification de l’utilisation initialement prévue doit faire l’objet d’un nouvel accord du salarié.

Respecter ces règles permet à l'employeur de se prémunir contre toute action en justice liée à une atteinte au droit à l’image, tout en maintenant une relation de confiance avec ses salariés.

Cela montre également un respect des droits individuels du salarié, renforçant ainsi l’éthique et la responsabilité de l’entreprise.

Sanctions pour non-respect du droit à l’image

Les sanctions en cas de non-respect du droit à l’image d’un salarié peuvent être particulièrement sévères.

Sur le plan financier, l'employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié, sans que celui-ci ait besoin de prouver un préjudice particulier, comme le rappelle la Cour de cassation. La simple constatation de l'atteinte au droit à l’image ouvre droit à une indemnisation.

Outre les conséquences financières, l'image de l’entreprise peut également en pâtir. Une mauvaise gestion du droit à l’image d’un salarié peut entraîner une détérioration de la réputation de l'employeur, tant en interne qu'auprès du public.

Cela peut avoir des répercussions négatives sur les relations avec les salariés, qui peuvent perdre confiance en l’entreprise, mais aussi sur les clients ou partenaires, qui pourraient percevoir l'entreprise comme non respectueuse des droits individuels.

Enfin, sur le plan légal, l'employeur s'expose à des procédures judiciaires qui peuvent non seulement entraîner des sanctions financières, mais également une obligation de retirer immédiatement les images diffusées sans autorisation.

Conclusion

En somme, le droit à l’image du salarié est un droit fondamental qui ne peut être ignoré par l’employeur, même dans le cadre de la relation de travail.

Afin de prévenir tout risque juridique et maintenir une relation de confiance avec ses salariés, il est impératif pour l’employeur de respecter ce droit en recueillant un consentement éclairé et écrit avant toute utilisation de l’image du salarié.

En cas de manquement à cette obligation, le salarié dispose de recours pour obtenir une réparation sans avoir à prouver un préjudice spécifique, comme l’a rappelé la Cour de cassation. Respecter ces règles permet à l’entreprise de se prémunir contre d'éventuels litiges tout en affirmant son engagement envers les droits des individus.

FAQ

1. Qu'est-ce que le droit à l’image du salarié en entreprise ?
Le droit à l’image du salarié fait partie des droits fondamentaux protégés par l'article 9 du Code civil, qui garantit à chaque personne un droit exclusif sur l’utilisation de son image. En entreprise, cela signifie que l’employeur ne peut pas utiliser l’image d’un salarié sans son consentement explicite. Ce droit s’applique à la fois aux supports internes à l’entreprise, comme l’intranet ou les trombinoscopes, et aux usages externes, tels que des publicités ou des campagnes de communication. Le droit à l’image demeure, que le salarié soit en activité ou non, et il ne peut être retiré par la simple existence d’un contrat de travail.

2. Un employeur peut-il utiliser l’image d’un salarié sans son accord ?
Non, l’employeur doit obligatoirement obtenir le consentement préalable du salarié pour l’utilisation de son image. Même si l’image est destinée à un usage interne (comme un trombinoscope ou une photo sur l’intranet), le salarié doit donner son accord de manière écrite et éclairée. Le consentement ne peut être déduit de la participation du salarié à une prise de photos ou à des événements d'entreprise. Si l'employeur utilise l’image du salarié sans son consentement, il s’expose à des sanctions pour atteinte au droit à l’image. En cas de diffusion non autorisée, le salarié peut exiger une réparation et demander le retrait des images diffusées.

3. Comment un salarié peut-il donner son accord pour l’utilisation de son image ?
Le consentement du salarié doit être formalisé par écrit. Cela peut se faire soit directement dans le contrat de travail, avec une clause spécifique relative à l’usage de l’image, soit dans un document d’autorisation distinct. Ce document doit spécifier plusieurs éléments, notamment l’utilisation prévue de l’image (supports internes ou externes), la durée pendant laquelle l’image sera exploitée, et les supports concernés (publicités, intranet, site web, etc.). Il est également important que cet accord soit renouvelé si l'usage de l’image change ou si de nouveaux supports sont envisagés. Un simple consentement verbal ou implicite n’est pas suffisant.

4. Que se passe-t-il si l’image d’un salarié est utilisée sans consentement ?
Si l’image d’un salarié est utilisée sans son consentement, ce dernier peut engager une action en justice contre l’employeur. La Cour de cassation a statué que la simple atteinte au droit à l’image est suffisante pour obtenir réparation, sans que le salarié ait à prouver un préjudice spécifique (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-12.420, 20-12.421). Le salarié peut ainsi réclamer des dommages et intérêts et exiger le retrait immédiat des images diffusées sans son autorisation. Les indemnités accordées varient selon la gravité de l’atteinte et l’ampleur de la diffusion. En outre, l’employeur peut subir des conséquences sur sa réputation si l’affaire est rendue publique.

5. Comment un employeur peut-il se protéger contre les litiges liés au droit à l’image ?
Pour éviter tout litige, l’employeur doit impérativement recueillir le consentement écrit du salarié avant d’utiliser son image. Il est conseillé d’inclure une clause dans le contrat de travail ou de faire signer un document d’autorisation distinct pour chaque usage particulier (par exemple, une campagne publicitaire ou une présentation interne). Ce document doit être précis quant à la durée d’utilisation de l’image, les supports concernés et la finalité de l’utilisation. Si l’usage de l’image évolue, il est important de renouveler l’accord du salarié pour rester conforme à la législation. En respectant ces étapes, l'employeur se protège contre tout recours en justice pour atteinte au droit à l’image et assure un traitement équitable de ses salariés.

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