Immobilier

Le propriétaire d’un bien doit-il payer les travaux entrepris par son locataire?

Francois Hagege
Fondateur
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Aujourd’hui on a décidé de vous parler d’un problème qui arrive au quotidien. Le cas des travaux d’embellissement d’un locataire qui souhaiterai imputer la charge de ceux-ci au propriétaire.

Est-ce possible ? Comment qualifier cette situation ?

On vous dit tout. 

Dans un premier temps il faut déterminer la source éventuelle de l’obligation pesant sur le bailleur et dont l’entrepreneur exige l’exécution. 

Quelles relations permettent de lier des différents acteurs de la situation (propriétaire, locataire, société de travaux) ?

L’article 1100 du code civil dispose que les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de la loi. 

Le -1 du même article vient définir les actes juridiques qui sont soumis aux règles du droits des contrats. Le -2 du même article définit les faits juridiques soumis - en fonction des cas -soit aux règles de la responsabilité extracontractuelle, soit aux règles relatives aux quasi contrats, ou par les règles relatives aux autres sources d’obligations qui visent, en réalité, les quasi-contrats. 

Toutefois, dans notre cas, il n’existe pas de contrat entre la société de travaux et le propriétaire. Alors comment résoudre ce mystère ? 

L’article 1199 du code civil, dispose que le contrat ne génère d’obligations qu’entre les parties et que les tiers ne peuvent se voir contraints de l’exécuter. 

En théorie le propriétaire ne peut donc pas être actionné. Néanmoins, l’article 1300 du code civil vient tempérer ce propos car il va venir définir les quasi-contrats. Des situations où il n’existe pas tout à fait un contrat mais qui puise leur régime d’une situation de fait.

Il en existe 3:

  • La gestion d'affaire
  • Le paiement de l'indu
  • L'enrichissement injustifié

Dans notre cas, on constate que par les travaux réalisés on peut constater un enrichissement injustifié, dès lors quel est le régime de ce quasi contrat ? 

L’article 1303 Code Civil relatif à l’enrichissement injustifié pose le principe du caractère subsidiaire d’une action fondée sur l’enrichissement injustifié.

Cela signifie que l’appauvri ne peut agir que si une action lui est ouverte, ou s’il se heurte à un obstacle de droit. 

Mais ce charabia signifie quoi ? Ça signifie que l’appauvri ne dispose d’aucune autre action. Autrement dit, l’action fondée sur l’EJ ne peut permettre de suppléer à une action que celle-ci soit ouverte à l’appauvri, ou qu’un obstacle de droit s’oppose à son exercice. En revanche lorsque l’action de l’appauvri se heurte à un obstacle de fait, par exemple l’insolvabilité de son débiteur direct. L’action de ce dernier sur le fondement de l’enrichissement injustifié est recevable. 

Mais du coup si vous pensez que vous avez une possibilité d’agir en enrichissement injustifié encore faut-il que vous remplissiez les conditions ? 

Les textes précisent 5 conditions:

  1. L'appauvrissement d'une autre
  2. Un lien de corrélation entre appauvrissement et enrichissement
  3. Le caractère injustifié de ce transfert de valeur
  4. L'absence de toute autre action ouverte à l'appauvri ou de tout obstacle de droit l'empêchant d'agir sur un autre fondement

S’agissant de l’enrichissement :

Pas de définition légale. Cela peut être aussi bien en un gain (Req 15 juin 1892) qu’une économie réalisée ou une dépense évitée (Req 11 dec 1928), voir en l’extinction d’une dette du défendeur (4 juin 1924). Il importe peu que l’enrichissement procède d’un accroissement du patrimoine ou d’une diminution du passif. 

Réciproquement l’appauvrissement :

Peut lui-même, prendre différentes formes et consister aussi bien en une diminution de l’actif du patrimoine qu’en une augmentation de son passif. Il peut également consister en un simple manque à gagner, par exemple en cas de non-rémunération du travail (com 3 février 1970). 

S’agissant du lien de corrélation :

Entre l’appauvrissement et l’enrichissement, il suppose qu’il existe un lien de connexité entre l’appauvrissement et l’enrichissement. Autrement dit, l’appauvrissement doit être fait au bénéfice de la personne enrichie, qu’il soit la cause de cet enrichissement. 

S’agissant du caractère injustifié de l’enrichissement :

L’appauvrissement ne doit pas être le résultat de l’exécution d’un acte juridique et notamment d’une obligation contractuelle, par l’appauvri. Encore faut-il préciser que pour écarter le caractère injustifié de l’enrichissement et faire obstacle à l’action de l’appauvri, il est nécessaire que l’enrichi ait été le créancier de l’obligation exécutée par l’appauvri. Dès lors si l’enrichissement invoqué procède de l’exécution par l’appauvri d’un contrat conclu avec un tiers, cet enrichissement se trouve bien sans justification du côté de l’enrichi et justifie le versement d’une indemnité compensatrice à l’appauvri. 

S’agissant du caractère subsidiaire de l’action :

Il suppose que l’appauvri ne dispose d’aucune autre action et qu’aucun obstacle de droit, telle que la prescription, s’oppose à une autre sur un autre fondement. 

Que puis-je réclamer?

Quel est le montant de l’indemnité que l’enrichi devra verser à l’appauvri ? Il faut en outre vérifier si certaines causes ne s’opposent pas à son versement ? 

1303 du CCiv, dispose que lorsque les conditions de son versement sont réunies, l’indemnité est égale « à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement constaté au jour de la dépense » 

Autrement dit le principe d’une dette de valeur est posé, les montants respectifs de l’enrichissement et de l’appauvrissement étant évalué au jour du jugement mais selon leur état au jour de leur fait générateur.  

Encore faut-il vérifier qu’aucune cause ne s’oppose au versement de cette indemnité. 

1303-2 du CCiv al 1  énonce certaines circonstances qui contrarient, en tout ou en partie, le versement de l’indemnité à laquelle l’appauvri pouvait prétendre. 

Il en existe de 2 qui relève du bon sens : 

Une faute de l’appauvri :

Tout fait illicite d’action ou d’omission qui viole une prescription légale. En matière d’enrichissement inustifiée la CCass a pu antérieurement à la réforme considérer que le garagiste qui effectue des travaux non commandés par le client et qui excède donc, sans raison, ses obligations contractuelles a commis une faute qui peut être retenu à son égard (Civ 24 mai 2005). 

Un lien de causalité :

Entre la faute constatée et l’appauvrissement invoqué, que celui devrant « procéder » de la faute de l’appauvri. L’idée est simple et identique à celle qui en droit de la responsabilité civile extracontractuelle et justifie l’exonération partielle de responsabilité en cas de faute de la victime : priver l’appauvri fautif de la possibilité d’obtenir l’indemnisation de la part de son appauvrissement imputable à sa propre faute. 

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