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Obligation de sécurité de l’employeur : Quel impact a l’imprudence du salarié ?

Jordan Alvarez
Editeur
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Accident au travail : L’employeur peut-il être exonéré en cas de faute du salarié ?

L’obligation de sécurité de l’employeur est un principe fondamental du droit du travail français, visant à garantir la protection de la santé physique et mentale des salariés. En vertu de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques professionnels, indépendamment des circonstances.

Cette obligation, qui incombe de manière stricte à l’employeur, ne peut être allégée ni remise en cause, même lorsque le salarié commet une imprudence. À travers cet article, nous analyserons dans quelle mesure l’imprudence d’un salarié peut, ou non, exonérer l’employeur de sa responsabilité en matière de sécurité.

Sommaire

  1. Introduction
  2. L’obligation de sécurité de l’employeur
  3. L’imprudence du salarié
  4. Responsabilités de l’employeur
  5. Mesures concrètes pour assurer la sécurité
  6. Conséquences en cas de manquement
  7. FAQ

Le cadre légal de l’obligation de sécurité de l’employeur

L’obligation de sécurité de l’employeur est définie par l’article L.4121-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Cette obligation est de nature impérative et ne peut être évitée sous aucun prétexte. En d'autres termes, l’employeur est tenu de garantir un environnement de travail sûr et sain, en prenant des mesures spécifiques adaptées aux risques propres à chaque activité.

Actions à mettre en œuvre par l’employeur

L’obligation de sécurité inclut plusieurs actions clés, telles que :

  • La prévention des risques professionnels, à travers des mesures visant à anticiper et réduire les dangers inhérents à l’activité exercée.
  • La mise en place de mesures de protection collective ou individuelle, comme des équipements de sécurité adaptés aux postes de travail.
  • L’information et la formation des salariés sur les risques auxquels ils sont exposés et les mesures à adopter pour se protéger.
  • La création d’une organisation du travail adaptée aux spécificités de l’activité exercée et aux risques qui en découlent.

Ces obligations imposent à l’employeur une vigilance constante et un devoir de mise à jour des mesures de sécurité en fonction de l'évolution des circonstances de travail.

L’imprudence du salarié ne diminue pas la responsabilité de l’employeur

Même si le salarié commet une imprudence, cela n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité.

La Cour de cassation a, à de nombreuses reprises, réaffirmé que l’employeur ne peut être dispensé de son obligation de sécurité que s’il prouve avoir pris toutes les précautions nécessaires pour prévenir les risques, même dans le cas où le salarié ne respecte pas certaines consignes de sécurité.

Ainsi, l'employeur doit prouver qu'il a mis en œuvre tous les moyens possibles pour prévenir les risques, sous peine de voir sa responsabilité engagée. Le principe retenu par les juges est que l'obligation de sécurité de l'employeur est une obligation de résultat. Cela signifie que l’employeur doit atteindre un objectif de protection de la santé et de la sécurité des salariés, et ce, même en cas de comportement imprudent du salarié.

Cas d’étude : Une maladie contractée à l’étranger

Rappel des faits

Dans un arrêt rendu le 15 novembre 2023 (Cass. soc., 15 nov. 2023, n°22-17.733), la Chambre sociale de la Cour de cassation a traité du cas d'un salarié expatrié en mission pour une ONG en Haïti.

Ce salarié, responsable d’un programme éducatif, a contracté une maladie parasitaire en raison de la consommation d’eau mal filtrée durant sa mission. Après un arrêt de travail et un rapatriement, il a été licencié pour faute grave, son employeur arguant d’une imprudence de sa part en buvant de l’eau de ville.

Le salarié a alors saisi les prud'hommes pour obtenir réparation, avançant plusieurs manquements de son employeur à son obligation de sécurité, notamment l’absence de matériel adéquat pour purifier l’eau et le refus de rapatriement immédiat.

Décision de la Cour d’appel

La Cour d’appel de Montpellier, en octobre 2021, a rejeté la demande du salarié en considérant que ce dernier avait commis une imprudence en consommant de l’eau de ville. Il est notoire en Haïti que l’eau de ville n’est pas potable, et il existe un risque connu de contamination si cette eau est consommée sans précautions particulières.

La Cour a estimé que le salarié, en tant que cadre responsable de programme, aurait dû être conscient de ce risque et prendre les mesures nécessaires, telles que boire uniquement de l’eau en bouteille ou utiliser des dispositifs de purification adaptés.

La Cour a donc jugé que le salarié avait manqué à une obligation de prudence élémentaire en buvant de l’eau de ville, ce qui a conduit à son état de santé dégradé. Par conséquent, elle a exonéré l’employeur de toute responsabilité, considérant que l'imprudence du salarié constituait une cause exclusive de son dommage. Cette approche revient à imputer la faute au salarié pour ne pas avoir pris les mesures basiques de prévention, et exonère ainsi l’employeur de son obligation de sécurité.

Cassation de la décision

Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision, en affirmant que l’obligation de sécurité de l’employeur est de nature impérative. Cela signifie que l’employeur doit tout mettre en œuvre pour prévenir les risques, même si le salarié fait preuve d’imprudence.

En d’autres termes, la faute du salarié ne peut pas à elle seule justifier une exonération totale de la responsabilité de l’employeur. L'obligation de sécurité de l’employeur ne peut être allégée qu’à condition que celui-ci démontre avoir pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé de son salarié.

Dans ce cas précis, la Cour de cassation a noté que l’employeur n’a pas pu prouver qu’il avait mis à disposition un matériel de purification d’eau adéquat.

De plus, il n’a fourni aucune assistance médicale lorsque le salarié a contracté la maladie parasitaire, le laissant livré à lui-même. L'absence d’une réaction rapide et le refus d’organiser un rapatriement sanitaire ont été qualifiés de manquements graves à l’obligation de sécurité.

En cassant l’arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation a rappelé que l’imprudence d’un salarié ne peut être retenue pour diminuer ou annuler la responsabilité de l’employeur si ce dernier n’a pas démontré qu’il avait pris les précautions nécessaires pour garantir la sécurité et la santé du salarié dans le cadre de sa mission. Cette décision renforce l'idée selon laquelle la responsabilité de l'employeur en matière de sécurité est de nature de résultat, et non simplement de moyens.

Portée de l’arrêt

Cet arrêt confirme que l’imprudence d’un salarié, aussi évidente soit-elle, ne permet pas d’exonérer l’employeur de son obligation de sécurité. Cette jurisprudence impose aux employeurs une vigilance accrue, notamment dans les contextes de missions à l’étranger où les conditions sanitaires peuvent être plus complexes.

En effet, le fait qu’un salarié puisse commettre une imprudence, comme dans le cas de la consommation d’eau non potable, n’atténue pas la responsabilité de l’employeur. Ce dernier doit toujours être en mesure de démontrer qu’il a pris toutes les précautions pour garantir la sécurité et la santé de ses salariés, quelle que soit la situation ou le lieu de travail.

L’obligation de sécurité renforcée

La Cour de cassation a ainsi renforcé la responsabilité des employeurs en matière de sécurité, en soulignant que cette obligation est de nature de résultat. Cela signifie que l’employeur doit atteindre un certain résultat, à savoir la protection de la santé et de la sécurité des salariés, indépendamment des circonstances.

En d’autres termes, même en présence d’une faute du salarié, l’employeur ne peut être exonéré que s’il démontre qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le risque.

Cet arrêt marque une rigueur accrue dans l’appréciation des mesures de prévention et d’assistance mises en place par l’employeur, notamment dans les environnements de travail à risque.

L’article L.4121-1 du code du travail impose une obligation de sécurité qui ne peut être allégée sous prétexte d’imprudence de la part des salariés, et la jurisprudence vient ici renforcer la protection des salariés face aux manquements éventuels de leurs employeurs.

Cette jurisprudence s'inscrit dans une dynamique où la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs est placée au cœur des préoccupations des juges, quelle que soit la faute que le salarié aurait pu commettre.

Conclusion

La jurisprudence française montre clairement que l’obligation de sécurité de l’employeur est de nature impérative et ne peut être atténuée par l’imprudence d’un salarié. Même en cas de comportement fautif du salarié, l’employeur doit démontrer avoir pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques.

Ainsi, cette obligation de sécurité impose une vigilance constante aux employeurs, qui doivent mettre en place une organisation et des moyens adaptés pour garantir un environnement de travail sûr, quelle que soit la situation.

FAQ :

1. Qu’est-ce que l’obligation de sécurité de l’employeur selon le code du travail ?
L’obligation de sécurité de l’employeur est encadrée par l’article L.4121-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de garantir la sécurité physique et mentale de ses salariés. Cela implique la mise en place de mesures préventives et la création d’un environnement de travail sûr et adapté aux risques spécifiques à chaque activité. Cette obligation est dite de nature de résultat, ce qui signifie que l’employeur doit atteindre cet objectif de protection, peu importe les circonstances. Elle comprend aussi l’adaptation continue des mesures en fonction de l’évolution des risques et de l’environnement de travail.

2. L’imprudence d’un salarié exonère-t-elle l’employeur de sa responsabilité en matière de sécurité ?
Non, même si un salarié fait preuve d’imprudence, cela n’exonère pas l’employeur de son obligation de sécurité. La Cour de cassation a réaffirmé à plusieurs reprises que l’employeur ne peut échapper à sa responsabilité qu’en prouvant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du salarié. Par exemple, si l’employeur n'a pas fourni de formation appropriée, de matériel de protection, ou n'a pas mis en place un cadre sécuritaire, il restera responsable, même en cas de comportement imprudent du salarié. L’obligation de sécurité ne peut donc pas être allégée par la faute du salarié.

3. Quelles sont les conséquences légales pour l’employeur en cas de manquement à cette obligation ?
Si l’employeur manque à son obligation de sécurité, il peut être tenu responsable civilement pour les dommages subis par le salarié, voire pénalement en cas de faute grave. En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le salarié peut engager la responsabilité de l'employeur et réclamer des dommages et intérêts pour faute inexcusable. Cette faute est retenue lorsque l'employeur avait connaissance du danger mais n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter. Les conséquences peuvent inclure des indemnisations plus élevées pour le salarié, ainsi que des sanctions pour l’employeur, telles que des amendes ou des peines de prison dans les cas les plus graves.

4. Quelles sont les mesures concrètes que l’employeur doit prendre pour respecter son obligation de sécurité ?
L’employeur doit adopter des mesures concrètes, telles que :

  • Évaluer les risques liés aux différents postes de travail, à travers un document unique d’évaluation des risques (DUER), et mettre à jour régulièrement cette évaluation.
  • Former et informer les salariés sur les risques et les bonnes pratiques de sécurité (port d’équipements de protection individuelle, procédures d’urgence).
  • Mettre en place des dispositifs de sécurité adaptés : équipements de protection individuelle (EPI), plan de prévention, protocoles pour les interventions à risque.
  • Surveiller les conditions de travail, en adaptant l’organisation du travail en fonction des situations particulières (comme les missions à l’étranger, les environnements à risque) et en répondant rapidement à tout incident.
  • Veiller à ce que les conditions de travail respectent la santé physique et mentale des salariés, notamment en matière de charges de travail, de stress, et d'ergonomie.

5. Que se passe-t-il si l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité malgré l’imprudence du salarié ?
Même en cas d’imprudence du salarié, si l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité, il peut être condamné pour faute inexcusable. Cela signifie que l’employeur savait ou aurait dû savoir que le salarié était exposé à un risque, mais n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger. Dans ce cas, le salarié peut obtenir une indemnisation majorée pour couvrir les conséquences de l’accident ou de la maladie, et l’employeur peut être tenu de verser des compensations supplémentaires. En cas de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, l’employeur peut également faire face à des poursuites pénales, avec des sanctions pouvant inclure des amendes lourdes et même des peines d'emprisonnement.

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