En matière de rupture de contrat de travail, qu’elle émane de l’employeur ou du salarié, le respect d’un préavis constitue une étape juridique structurante. Cette période transitoire permet à chaque partie d’anticiper la cessation du contrat, d’organiser la transmission des dossiers et de préparer la suite de la relation professionnelle, voire de sécuriser une embauche ou un remplacement.
Toutefois, la loi et la jurisprudence reconnaissent des exceptions permettant de dispenser l’exécution du préavis, qu’elles soient d’origine légale, conventionnelle ou issues de la volonté des parties.
La maîtrise des règles relatives à la dispense de préavis, qu’elle découle d’un licenciement ou d’une démission, est donc essentielle pour prévenir tout litige, garantir les droits de chacun et sécuriser la rupture du contrat.
La rupture d’un contrat de travail, qu’elle soit à l’initiative de l’employeur (licenciement) ou du salarié (démission), déclenche en principe une période transitoire appelée préavis. Cette période, encadrée par l’article L1234-1 du Code du travail, constitue un délai légal ou conventionnel entre la notification de la rupture et la fin effective du contrat.
Elle vise à protéger les deux parties en leur laissant le temps d’anticiper les conséquences de la séparation : l’employeur peut organiser le remplacement du salarié, tandis que ce dernier peut rechercher un nouvel emploi.
Le préavis de licenciement débute à la date de remise de la lettre de licenciement, en main propre contre décharge ou par courrier recommandé avec accusé de réception. Quant au préavis de démission, il commence dès lors que le salarié manifeste de façon claire, sérieuse et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail. Cette manifestation peut se faire par écrit ou, dans certains cas, verbalement, bien que la forme écrite soit fortement recommandée pour éviter toute contestation.
Le préavis s’impose donc comme une obligation réciproque, sauf exceptions prévues par la loi, les conventions collectives ou un accord entre les parties. Ne pas respecter cette obligation peut entraîner des sanctions financières ou des ruptures considérées comme abusives.
En application de l’article L1234-1 du Code du travail, la durée du préavis dépend de l’ancienneté du salarié et peut être aménagée par la convention collective. À défaut de stipulations plus favorables :
Les salariés travailleurs handicapés bénéficient quant à eux d’un doublement de la durée du préavis, sans pouvoir excéder 3 mois.
Le Code du travail ne fixe aucune durée légale pour le préavis de démission, sauf pour certaines professions réglementées. Il convient donc de se référer à :
Certains cas excluent légalement l’exécution d’un préavis :
Certains motifs permettent également une cessation immédiate du contrat :
Oui. L’employeur peut unilatéralement décider de ne pas faire exécuter le préavis. Dans ce cas, le salarié ne peut pas s’y opposer, et le contrat prend fin immédiatement, mais l’employeur devra, sauf exceptions, verser une indemnité compensatrice (voir ci-dessous).
En revanche, si la dispense est à la demande du salarié, l’employeur n’est pas obligé de l’accepter. S’il refuse, le salarié est tenu d’effectuer son préavis, à défaut de quoi il peut être tenu de verser une indemnité compensatrice de préavis à l’employeur (Cass. soc., 10 mai 2006, n° 04-43.359).
Certaines conventions collectives peuvent prévoir des dispositions plus souples, notamment lorsque le salarié retrouve un emploi.
Le salarié a la possibilité de formuler une demande de dispense, mais cette dernière n’a aucun effet contraignant pour l’employeur, sauf si une convention collective ou un usage lui impose d’accéder à cette demande.
En cas de refus, le non-respect du préavis par le salarié constitue un manquement à ses obligations contractuelles. Il peut alors être redevable d’une indemnité équivalente à la rémunération qu’il aurait perçue, et dans certains cas, de dommages-intérêts (Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 02-41.253).
L’employeur est tenu de verser une indemnité compensatrice de préavis lorsque le salarié est dispensé d’exécution, sauf exceptions :
L’indemnité correspond à l’ensemble des rémunérations (fixes, variables, primes, avantages en nature…) que le salarié aurait perçues pendant son préavis (Cass. soc., 16 déc. 2010, n° 09-42.715).
Dans cette hypothèse, aucune indemnité n’est due par l’employeur. La volonté du salarié de ne pas exécuter son préavis dispense l’employeur de toute compensation.
La prise de congés payés pendant le préavis est possible, mais encadrée :
L’employeur a la faculté de refuser une demande de congés pendant le préavis. Si tel est le cas, les jours non pris donnent lieu à indemnité compensatrice de congés payés.
Lorsqu’un salarié est dispensé de préavis, le contrat prend fin immédiatement, mais la période du préavis non exécutée peut générer une indemnité compensatrice.
Dans ce cas, le salarié peut travailler pour un nouvel employeur, y compris concurrent, sauf clause de non-concurrence.
La Cour de cassation a affirmé que la dispense de préavis n’interdit pas l’entrée en fonction dans une autre entreprise, même concurrente (Cass. soc., 26 oct. 2010, n° 09-42.879), sous réserve de respecter l’obligation de loyauté.
À l’inverse, si le salarié exécute son préavis, il demeure lié à son employeur et ne peut exercer une autre activité salariée, sous peine de faute disciplinaire.
Il est essentiel de rappeler que même en l'absence d’exécution du préavis, certaines obligations contractuelles subsistent jusqu’à la date de fin officielle du contrat.
Ainsi, la clause de non-concurrence, si elle est stipulée dans le contrat et remplie des conditions de validité (limite géographique, durée, contrepartie financière...), continue à produire ses effets à compter de la rupture effective du contrat, y compris si le préavis n’a pas été exécuté (Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.399).
Le secret professionnel et le devoir de loyauté demeurent également des obligations post-contractuelles qui s’imposent aux deux parties.
Lorsqu’un salarié quitte son poste sans préavis, sans dispense validée ou autorisation de l’employeur, cela peut être qualifié de rupture abusive du contrat. L’employeur peut alors solliciter des dommages et intérêts devant le Conseil de prud’hommes, à condition de prouver un préjudice réel et certain.
La jurisprudence exige que ce préjudice soit dûment établi : désorganisation du service, nécessité d’un remplacement urgent, etc.
De son côté, un salarié dispensé de préavis ne saurait être sanctionné ou accusé d’abandon de poste, dès lors que la décision émane de l’employeur ou s’inscrit dans l’un des cas de dispense légale.
Bien que l’objet principal de cette analyse porte sur les CDI, il convient de noter que la dispense de préavis obéit à des règles spécifiques dans le cadre d’un CDD.
En principe, le CDD ne prévoit pas de préavis sauf en cas de rupture anticipée dans les cas limitativement énumérés par l’article L1243-1 du Code du travail (accord des parties, faute grave, force majeure, inaptitude, embauche en CDI).
Lorsqu’un préavis est applicable (notamment en cas d’inaptitude ou embauche en CDI), sa durée est généralement d’un jour par semaine compte tenu de la durée du contrat exécutée ou restant à courir, dans la limite de deux semaines.
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, prévue par l’article L1237-11 du Code du travail, aucun préavis n’est imposé. Les parties conviennent d’une date de rupture du contrat, qui doit respecter un délai de rétractation de 15 jours calendaires (article L1237-13), puis un délai d’homologation de 15 jours ouvrables.
Cette modalité de rupture négociée s’exonère donc de la logique de préavis, sauf disposition particulière convenue entre les parties dans la convention.
Dans certaines régions comme l’Alsace-Moselle, ou dans certaines professions (santé, transport, hôtellerie...), des dispositions spécifiques ou usages locaux viennent encadrer le préavis. Ces règles peuvent prévaloir sur les dispositions supplétives du Code du travail, dès lors qu’elles sont plus favorables au salarié.
Il est donc essentiel de consulter la convention collective applicable ou les accords de branche pour vérifier les éventuelles clauses aménageant la durée, la dispense ou les conséquences du préavis.
La dispense de préavis s’inscrit dans un équilibre juridique délicat entre la liberté de rupture, le respect des engagements contractuels et les impératifs de préservation des intérêts de chaque partie. Qu’elle soit imposée, sollicitée ou prévue par la loi, elle emporte des conséquences directes sur la rémunération, les droits du salarié et la gestion administrative du départ.
L’articulation entre dispositions légales, clauses contractuelles, accords collectifs et usages professionnels rend indispensable une analyse rigoureuse de chaque situation. Pour faire valoir vos droits ou sécuriser vos démarches, n'hésitez pas à consulter les ressources mises à disposition sur defendstesdroits.fr ou à solliciter l’avis d’un professionnel du droit.
1. Dans quels cas le salarié peut-il être dispensé de préavis lors d’un licenciement ?
La dispense de préavis lors d’un licenciement peut résulter de dispositions légales ou d’une décision de l’employeur. Conformément à l’article L1234-1 du Code du travail, aucun préavis n’est dû en cas de faute grave ou lourde, ou lorsque le licenciement intervient pour inaptitude physique du salarié, qu’elle soit professionnelle ou non, dès lors qu’un reclassement est impossible. Le salarié peut également être dispensé de préavis s’il accepte un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dans le cadre d’un licenciement économique (article L1233-67 du Code du travail). En dehors de ces cas, l’employeur peut unilatéralement décider de dispenser le salarié d’exécuter son préavis, mais il devra dans ce cas verser une indemnité compensatrice équivalente à la rémunération que le salarié aurait perçue.
2. Le salarié peut-il demander à ne pas effectuer son préavis en cas de démission ?
Oui, un salarié peut formuler une demande de dispense de préavis à l’occasion de sa démission. Toutefois, cette demande n’a pas de caractère obligatoire pour l’employeur, qui peut refuser sans avoir à motiver sa décision, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Si l’employeur accepte la demande, le salarié n’aura pas à effectuer son préavis, mais ne percevra pas d’indemnité compensatrice. À noter que certains cas spécifiques permettent une dispense automatique du préavis par la loi : grossesse médicalement constatée (article L1225-34), démission pour élever un enfant (article L1225-66), ou clause de conscience du journaliste (article L7112-5).
3. L’employeur est-il toujours tenu de verser une indemnité compensatrice en cas de dispense de préavis ?
Non, l’obligation de verser une indemnité compensatrice de préavis dépend de l’origine de la dispense. Si l’employeur décide de ne pas faire exécuter le préavis, il doit en principe verser au salarié une indemnité équivalente à la rémunération qu’il aurait perçue pendant la durée du préavis (salaire, primes, avantages en nature…). Cette indemnité est exclue dans deux cas : faute grave ou lourde (Cass. soc., 12 mars 2002, n°00-40.017), et inaptitude non professionnelle (article L1226-4-3). Si la demande émane du salarié, et que l’employeur accepte, aucune indemnité n’est due.
4. Est-il possible de prendre des congés payés pour éviter de travailler pendant le préavis ?
Oui, mais cela dépend de la date de fixation des congés et de l’accord de l’employeur. Si les congés payés ont été déjà posés et validés avant la notification de la rupture du contrat (licenciement ou démission), ils suspendent le préavis, qui est alors prolongé d’autant (Cass. soc., 15 nov. 2006, n°04-47.972). En revanche, si les congés sont demandés après la notification, ils peuvent être pris pendant le préavis, à condition que l’employeur accepte. Ce dernier n’est pas obligé de les accorder. En cas de refus, les congés non pris donnent lieu à une indemnité compensatrice de congés payés (article L3141-28 du Code du travail).
5. Le salarié peut-il travailler chez un autre employeur pendant une dispense de préavis ?
Oui, le salarié dispensé de préavis peut, pendant cette période, commencer un nouvel emploi, y compris auprès d’un concurrent, à condition de ne pas être soumis à une clause de non-concurrence. La Cour de cassation a confirmé ce droit dans un arrêt du 26 octobre 2010 (n°09-42.879), en précisant que le salarié libéré de son obligation de travailler, mais toujours sous contrat jusqu'à la fin théorique du préavis, pouvait cumuler l’indemnité compensatrice avec un nouveau salaire. En revanche, s’il exécute son préavis, le salarié reste lié par une obligation de loyauté et ne peut travailler pour un autre employeur tant que son contrat de travail initial n’est pas arrivé à échéance.