Pénal

Procédure d’expulsion : droits et obligations du propriétaire

Francois Hagege
Fondateur
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Faire face à un occupant sans droit ni titre : solutions juridiques

En matière de droit locatif, la relation entre propriétaire et locataire repose sur un cadre juridique strict qui garantit les droits de chacun. Cependant, lorsque le locataire ne respecte pas ses engagements, notamment en cas de loyers impayés ou de dégradations du logement, le propriétaire peut se tourner vers une procédure d’expulsion pour récupérer la jouissance de son bien.

Ces mesures, bien que nécessaires, sont rigoureusement encadrées par la loi pour protéger les occupants. Cet article explore en détail les étapes, conditions et évolutions législatives concernant les mesures d’expulsion en droit civil français, tout en fournissant des informations pratiques pour les bailleurs souhaitant agir dans le respect du cadre légal.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’entend-on par mesures d’expulsion
  3. Les motifs justifiant une expulsion
  4. Le déroulement d’une procédure d’expulsion
  5. Que risque le bailleur en cas de non-respect des règles
  6. Les principales évolutions législatives
  7. Conditions requises pour lancer une expulsion
  8. Comment faire exécuter une expulsion si le locataire refuse de quitter les lieux
  9. FAQ
  10. Conclusion

Qu’entend-on par mesures d’expulsion ?

En droit français, les mesures d’expulsion désignent une procédure légale permettant de contraindre un occupant à libérer un logement qu’il occupe sans respecter ses obligations. Cette démarche peut viser deux types de situations :

  1. Le locataire titulaire d’un bail : Il s’agit d’une personne bénéficiant d’un contrat de location mais qui, par exemple, ne paie plus ses loyers, détériore le bien, ou contrevient aux clauses du contrat. Dans ce cas, une procédure judiciaire doit être engagée pour prononcer la résiliation du bail avant d'envisager une expulsion.
  2. Le squatteur sans droit ni titre : Ce terme désigne un individu qui occupe un logement sans autorisation légale, souvent en s’y introduisant de manière illégale. Contrairement à un locataire, un squatteur n’a pas de bail et n’est pas protégé par les mêmes règles, notamment en matière de trêve hivernale.

⚠️ En cas de maintien dans les lieux après la fin du bail, le locataire qui refuse de quitter le logement devient un occupant sans droit ni titre. Cette situation impose au propriétaire de passer par les voies légales pour obtenir un titre exécutoire d’expulsion, sans quoi toute action forcée serait considérée comme illégale.

L’objectif des mesures d’expulsion est de garantir au propriétaire la récupération de son bien dans le respect des droits fondamentaux des occupants, tout en préservant l’ordre public. Cette démarche est donc strictement encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE).

Les motifs justifiant une expulsion

Selon l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, plusieurs situations peuvent conduire à une procédure d’expulsion initiée par le bailleur. Ces situations sont encadrées par la loi afin de garantir un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux du locataire. Les motifs les plus fréquents incluent :

  1. Loyer impayé : Le défaut de paiement des loyers constitue l’un des motifs principaux d’expulsion. Il est considéré comme un manquement grave aux obligations contractuelles du locataire.
  2. Absence d’assurance habitation : Le locataire est tenu de souscrire une assurance couvrant les risques locatifs, comme les dégâts des eaux ou les incendies. En cas de non-respect de cette obligation, le bailleur peut engager une procédure.
  3. Dégradation du logement : Si le locataire cause des dommages importants au bien loué, compromettant ainsi son état ou sa valeur, le propriétaire est en droit d’agir pour mettre fin au bail.
  4. Non-respect de l’obligation de jouissance paisible : Le locataire doit utiliser le logement conformément à sa destination et sans troubler la tranquillité du voisinage. Par exemple, des nuisances sonores répétées ou l’utilisation du logement à des fins non autorisées peuvent justifier une expulsion.

La clause résolutoire : un outil clé pour le bailleur
Lorsqu’une clause résolutoire est insérée dans le contrat de bail, elle permet une résiliation automatique en cas de non-respect par le locataire de ses obligations essentielles. Cette clause dispense le propriétaire de démontrer le préjudice subi, mais elle impose tout de même une procédure judiciaire pour valider l’expulsion.

💡 Exemple : En cas de loyer impayé, le bailleur peut activer la clause résolutoire en signifiant au locataire un commandement de payer par voie de commissaire de justice (anciennement huissier). Si le locataire ne régularise pas sa situation dans le délai imparti, le bail est résilié de plein droit, et une demande d’expulsion peut être formulée auprès du tribunal.

Le déroulement d’une procédure d’expulsion

Avant toute expulsion, certaines étapes doivent être respectées :

  1. Commandement de payer : En cas d’impayés, le bailleur doit faire signifier un commandement par un commissaire de justice, conformément à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
  2. Saisine du tribunal : Le propriétaire doit obtenir une décision de justice ou un procès-verbal de conciliation exécutoire.
  3. Commandement de quitter les lieux : Cet acte doit être notifié à l’occupant, avec un délai légal de deux mois avant l’intervention effective.

Pendant la trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars), aucune expulsion ne peut avoir lieu sauf pour les squatteurs.

Que risque le bailleur en cas de non-respect des règles ?

Tout bailleur procédant à une expulsion sans respecter les étapes légales s’expose à des sanctions pour violation de domicile , pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Les principales évolutions législatives

Les lois récentes renforcent l’équilibre entre le droit au logement et la protection des propriétaires :

  • Loi DALO (2007) : Garantit un droit au logement décent pour les personnes en situation précaire.
  • Loi ALUR (2014) : Encadre les loyers et simplifie les démarches pour les locataires.
  • Loi ELAN (2018) : Facilite les expulsions en cas de squat.
  • Proposition de loi Kasbarian (2023) : Durcit les sanctions contre les occupants illégaux et accélère les délais d’expulsion.

Conditions requises pour lancer une expulsion

Avant d’entamer une procédure d’expulsion, le bailleur doit respecter un cadre juridique strict. La loi impose plusieurs conditions préalables pour garantir la légalité et la protection des droits du locataire. Ces conditions comprennent :

  1. Obtention d’un titre exécutoire
    Conformément à l’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), le bailleur doit détenir un titre exécutoire. Ce titre peut être :
    • Une décision de justice, telle qu’un jugement d’expulsion ou une ordonnance de référé.
    • Un procès-verbal de conciliation exécutoire si les parties trouvent un accord.
  2. 💡 Sans ce titre exécutoire, toute tentative d’expulsion serait considérée comme illégale, exposant le propriétaire à des sanctions pour violation de domicile.
  3. Notification d’un commandement de quitter les lieux
    L’huissier de justice (désormais appelé commissaire de justice) doit signifier au locataire un commandement de quitter les lieux, conformément aux articles R. 411-1 et R. 411-2 CPCE. Cet acte doit contenir :
    • Une description précise des obligations non respectées par le locataire.
    • Un délai légal de deux mois pour permettre au locataire de libérer volontairement les lieux.
  4. ⚠️ Si ces mentions obligatoires sont absentes, l’acte pourrait être frappé de nullité.
  5. Respect des jours et horaires légaux pour l’expulsion
    Les mesures d’expulsion ne peuvent être exécutées que :
    • Les jours ouvrables ;
    • Entre 6 heures et 21 heures, conformément à l’article L. 141-1 CPCE.
  6. Une dérogation peut être accordée par le juge uniquement pour les locaux ne servant pas à l’habitation.
  7. Absence de recours à la force ou aux menaces
    Le bailleur ne peut pas utiliser la force, des pressions ou des menaces pour obtenir la libération des lieux. Toute tentative d’expulsion forcée ou en dehors des cadres légaux expose le propriétaire à des sanctions pénales, notamment pour violation de domicile.

Ces conditions visent à garantir un équilibre entre les droits du propriétaire et la protection du locataire, tout en respectant les procédures prévues par la loi. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions graves, qu’il est essentiel d’éviter en suivant scrupuleusement les démarches légales.

Comment faire exécuter une expulsion si le locataire refuse de quitter les lieux ?

Lorsque le locataire refuse de libérer les lieux après épuisement des délais légaux, le bailleur peut faire appel à un commissaire de justice (anciennement huissier de justice) pour procéder à l’exécution forcée de l’expulsion. Cette procédure se déroule selon les étapes suivantes :

  1. Saisie de la force publique
    En application de l’article L. 135-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), le commissaire de justice peut demander le concours de la force publique auprès du préfet. Cette démarche vise à mobiliser les forces de l’ordre pour assurer la sécurité lors de l’expulsion et prévenir tout trouble à l’ordre public.
    ⚠️ Le recours à la force publique est indispensable lorsque le locataire refuse de coopérer. Sans cette intervention, aucune mesure d’expulsion ne peut être exécutée légalement.
  2. Inventaire et entreposage des biens du locataire
    Si le locataire ne vide pas les lieux, le commissaire de justice doit :
    • Réaliser un inventaire détaillé des biens restants dans le logement ;
    • Organiser leur entreposage dans un lieu désigné par le locataire, à ses frais.
  3. 💡 Si le locataire ne désigne pas de lieu, les biens sont confiés à un entrepôt public ou privé. Le locataire dispose alors d’un délai pour récupérer ses affaires.
  4. Vente des biens non récupérés
    En cas de non-retrait des biens dans le délai imparti, ceux-ci peuvent être vendus aux enchères par le commissaire de justice, conformément à l’article R. 433-2 CPCE. Les recettes de cette vente servent à couvrir les frais de stockage et d’expulsion, et le solde éventuel est restitué au locataire.
  5. Protection pendant la trêve hivernale
    L’expulsion ne peut être exécutée pendant la période de trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars) sauf pour les squatteurs ou dans des cas spécifiques prévus par la loi.

Conclusion

Les mesures d’expulsion représentent un équilibre délicat entre la protection des droits des propriétaires et le respect du droit au logement des locataires. Si les procédures sont nécessaires pour préserver la jouissance des biens immobiliers, elles imposent au bailleur de se conformer à des règles strictes sous peine de sanctions.

En cas de litige, il est essentiel de bien connaître les obligations légales et de s’entourer des conseils d’un professionnel pour éviter toute erreur susceptible de compliquer la procédure. Defendstesdroits.fr vous accompagne pour mieux comprendre vos droits et vos recours.

FAQ :

1. Quelles sont les principales raisons pouvant justifier l’expulsion d’un locataire ?

Plusieurs motifs peuvent entraîner une procédure d’expulsion, conformément à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Les raisons les plus courantes incluent :

  • Impayés de loyers : Le locataire ne respecte pas son obligation de paiement.
  • Absence d’assurance habitation : Obligation légale visant à couvrir les risques locatifs.
  • Dégradations du logement : Dommages graves ou utilisation inappropriée du bien loué.
  • Non-respect de la jouissance paisible : Par exemple, des troubles de voisinage répétés ou des activités non autorisées.
    Ces motifs permettent au propriétaire d’activer une clause résolutoire (si présente dans le bail), facilitant la résiliation automatique du contrat.

2. Quelles démarches le bailleur doit-il accomplir avant de procéder à une expulsion ?

Le bailleur doit respecter des étapes strictement encadrées par la loi, notamment :

  1. Obtenir un titre exécutoire, soit par une décision de justice, soit par un procès-verbal de conciliation.
  2. Signifier un commandement de payer ou de quitter les lieux, via un commissaire de justice. Ce document doit mentionner les obligations non respectées et laisser au locataire un délai légal pour régulariser sa situation.
  3. Respecter les jours et horaires légaux d’expulsion (entre 6h et 21h, les jours ouvrables).
    Ces formalités sont indispensables pour éviter toute contestation et garantir la légalité de l’expulsion.

3. Que se passe-t-il si le locataire refuse de quitter les lieux après la décision de justice ?

Si le locataire persiste à occuper le logement, le commissaire de justice (anciennement huissier) peut :

  • Demander le concours de la force publique, en sollicitant l’intervention du préfet pour mobiliser les forces de l’ordre.
  • Inventorier et entreposer les biens du locataire, avec un délai pour qu’il les récupère. Passé ce délai, les biens non réclamés peuvent être vendus (art. R. 433-2 CPCE).
    L’intervention de la force publique est indispensable pour assurer une expulsion en toute légalité, notamment en cas de refus catégorique ou d’opposition du locataire.

4. Quels sont les risques pour le bailleur en cas de non-respect des procédures d’expulsion ?

Le non-respect des règles d’expulsion expose le bailleur à des sanctions graves, notamment :

  • Poursuites pour violation de domicile (art. 226-4-2 du Code pénal), passibles de 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
  • Nullité de la procédure si les formalités (titre exécutoire, commandement de quitter les lieux, etc.) n’ont pas été respectées.
    Ces sanctions visent à prévenir les expulsions abusives et à protéger le droit au logement des occupants.

5. Quelles lois récentes ont modifié les règles d’expulsion locative ?

Plusieurs textes ont contribué à faire évoluer la législation, notamment :

  • Loi DALO (2007) : Introduction du droit au logement opposable pour les personnes en situation précaire.
  • Loi ALUR (2014) : Encadrement des loyers et renforcement des droits des locataires.
  • Loi ELAN (2018) : Assouplissement des conditions d’expulsion pour les squatteurs.
  • Proposition de loi Kasbarian (2023) : Sanctions renforcées contre les occupants illégaux et réduction des délais d’expulsion.
    Ces lois visent à concilier la protection des locataires et les droits des propriétaires, dans un souci d’équité et d’efficacité juridique.

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