Face aux défis croissants liés à l’absentéisme professionnel dans certains secteurs d’activité, le législateur a instauré un dispositif expérimental novateur : le CDD multi-remplacements.
Prévu par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 et mis en œuvre par le décret n° 2023-263 du 12 avril 2023, ce contrat déroge temporairement au droit commun en autorisant, sous conditions strictes, le remplacement de plusieurs salariés par un seul contrat à durée déterminée.
Réservée à des domaines d’activité ciblés et fortement encadrée, cette expérimentation soulève des enjeux juridiques majeurs en matière de sécurité contractuelle, de conditions de travail et de protection des salariés. À travers cet article, defendstesdroits.fr vous éclaire sur les contours juridiques et pratiques de ce modèle de CDD à usages multiples, à utiliser jusqu’au 13 avril 2025.
Le CDD multi-remplacements, également désigné sous l'appellation CDD pour remplacements multiples, constitue une innovation juridique encadrée qui s’inscrit dans une logique de flexibilisation du marché du travail.
Contrairement au CDD classique, qui ne peut être utilisé que pour remplacer un seul salarié absent en vertu de l’article L1242-2 du Code du travail, ce dispositif expérimental autorise un employeur à conclure un seul contrat de travail pour remplacer plusieurs salariés absents, que ces absences soient simultanées ou successives.
Ce contrat dérogatoire repose sur l’idée qu’un même salarié en CDD puisse enchaîner plusieurs remplacements, ou intervenir de manière transversale sur différents postes laissés vacants, dans le cadre d’un unique lien contractuel avec l’entreprise.
Il s’agit là d’une exception au principe d’unicité du remplacement, historiquement ancré dans le droit du travail français afin de limiter les abus liés à la précarité contractuelle.
Cette souplesse est rendue possible par l’article 6 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022, relative aux mesures d’urgence pour le plein emploi. Ce texte permet aux entreprises relevant de secteurs spécifiques définis par décret de recourir à ce contrat atypique, dans le respect de conditions précises.
Le but affiché est d’apporter une réponse adaptée aux difficultés de continuité de service rencontrées dans certains domaines professionnels marqués par un taux élevé d’absentéisme (sanitaire, médico-social, transport, etc.).
Ainsi, le CDD multi-remplacements instaure une relation de travail unique, mais potentiellement fractionnée dans ses missions, à condition que soient clairement identifiés les salariés remplacés ainsi que la nature des absences concernées.
L’expérimentation du CDD multi-remplacements est strictement encadrée dans le temps. Elle a été mise en œuvre par le décret n° 2023-263 du 12 avril 2023, publié au Journal officiel le 13 avril 2023, conformément à la faculté laissée par le législateur.
Sa durée a été fixée à deux années, soit jusqu’au 13 avril 2025. Ce délai marque la fin de la possibilité de conclure de nouveaux contrats relevant de ce dispositif expérimental.
Toutefois, les contrats signés avant cette échéance continueront à produire leurs effets jusqu’à leur terme contractuel ou à la survenance de l’événement prévu (par exemple, le retour du dernier salarié remplacé).
Ce calendrier strict impose aux employeurs souhaitant recourir au CDD multi-remplacements de s’organiser en amont afin de sécuriser leurs pratiques contractuelles dans le respect du cadre légal.
À défaut, une utilisation postérieure à la date limite pourrait entraîner une requalification en CDI par le conseil de prud’hommes en cas de contentieux, sur le fondement de l’article L1245-1 du Code du travail.
Cette temporalité précise traduit également la volonté du législateur d'évaluer l’impact concret de cette mesure sur les équilibres du droit du travail, avant d’envisager une éventuelle généralisation ou suppression du dispositif.
L’expérimentation ne s’applique pas à toutes les entreprises. Elle est strictement limitée à certains secteurs d’activité, définis par leur convention collective ou leur accord de branche étendu. Cette restriction vise les secteurs confrontés à un absentéisme structurel.
Parmi les 69 conventions collectives initialement éligibles, on trouve notamment :
Depuis le décret n° 2024-563 du 12 juin 2024, trois nouveaux secteurs ont été ajoutés à la liste :
Le CDD multi-remplacements repose sur la possibilité de désigner dans un même contrat plusieurs salariés absents à remplacer. Le contrat doit impérativement mentionner :
Cette exigence est conforme aux articles L1242-12 et R1242-1 du Code du travail relatifs aux mentions obligatoires dans un CDD.
Il n’existe aucune limite légale au nombre de remplacements dans un tel contrat, mais l’employeur doit veiller au respect de la charge de travail, de la durée légale et maximale du temps de travail (articles L3121-18 et suivants du Code du travail) et à l’adéquation des missions aux compétences du salarié embauché.
Le terme du CDD multi-remplacements est fixé au dernier événement de fin de remplacement (retour du dernier salarié remplacé ou date prédéterminée). Le contrat peut comporter :
La durée maximale du contrat est celle prévue :
Pour ajouter un salarié à remplacer en cours de contrat, il est impératif de conclure un avenant écrit avec le salarié en poste. Ce dernier peut refuser sans risquer de sanction. L’avenant doit contenir :
Cette formalité répond au principe posé par l’article L1243-13 du Code du travail : toute modification substantielle du contrat nécessite l’accord des parties.
Le recours au CDD multi-remplacements, bien que souple en apparence, reste encadré par des obligations rigoureuses :
Ce dispositif, bien qu’expérimental, s’inscrit dans une dynamique de flexibilisation maîtrisée du droit du travail, visant à répondre aux défis de continuité de service dans les secteurs soumis à des absences fréquentes, sans pour autant déroger aux garanties fondamentales des salariés.
Le CDD multi-remplacements s’impose comme une réponse ponctuelle et ciblée aux besoins opérationnels des entreprises confrontées à des absences récurrentes ou simultanées de personnel.
Ce contrat, bien que souple dans sa mise en œuvre, n’en demeure pas moins juridiquement exigeant, notamment quant à la transparence des clauses, au respect des durées maximales et à l’encadrement conventionnel applicable.
À l’approche du terme de l’expérimentation, fixé au 13 avril 2025, les employeurs concernés doivent veiller à sécuriser chaque étape de la relation contractuelle, en conformité avec les articles du Code du travail et les textes réglementaires en vigueur. Pour garantir la légalité et l’efficacité de ce type de contrat, l’accompagnement par un professionnel du droit reste recommandé.
Le CDD multi-remplacements, introduit à titre expérimental par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022, permet à un employeur de conclure un seul contrat à durée déterminée pour remplacer plusieurs salariés absents, de manière concomitante ou successive. Ce dispositif déroge au principe général posé par l’article L1242-2 du Code du travail, qui prévoit normalement qu’un CDD ne peut viser que le remplacement d’un seul salarié.
La spécificité du CDD multi-remplacements réside dans sa souplesse organisationnelle, tout en conservant la forme écrite et les mentions obligatoires prévues aux articles L1242-12 et R1242-1 du Code du travail. Ce contrat doit mentionner l’identité, la qualification et le motif d’absence de chaque salarié remplacé. Il s'agit donc d’un outil adapté aux secteurs soumis à un fort absentéisme, mais strictement encadré par décret.
L’usage du CDD multi-remplacements est limité à certains secteurs professionnels, déterminés par voie réglementaire. Le décret n° 2023-263 du 12 avril 2023, complété par le décret du 12 juin 2024, a listé les conventions collectives concernées.
Parmi elles figurent notamment :
En tout, plus de 70 conventions collectives sont éligibles. Le recours au dispositif hors de ce champ d’application expose l’employeur à un risque de requalification en CDI (conformément à l’article L1245-1 du Code du travail).
Le CDD multi-remplacements est soumis aux règles de durée du droit commun, sauf disposition conventionnelle plus favorable. Ainsi, sauf exceptions, la durée maximale est fixée à 18 mois renouvellements inclus, comme le prévoit l’article L1242-8 du Code du travail.
Lorsque le contrat est à terme imprécis – c’est-à-dire lié à un événement incertain comme le retour d’un salarié – il doit alors mentionner une durée minimale, selon les exigences de l’article L1242-7. Le contrat prend fin au terme du dernier remplacement, qu’il soit défini par une date précise ou par la survenance d’un événement.
Les règles sur la période d’essai, le temps de travail, la rémunération, les avantages conventionnels et les indemnités de fin de contrat s’appliquent pleinement à ce contrat.
Oui, mais seulement par voie d’avenant écrit, signé par le salarié. Conformément au principe de modification du contrat de travail, aucune mission supplémentaire ne peut être imposée unilatéralement. L’employeur souhaitant intégrer un nouveau salarié à remplacer doit établir un avenant au contrat initial précisant :
Le salarié peut refuser de signer cet avenant, et ce sans être sanctionné. Le refus ne remet pas en cause la validité du CDD initial, qui se poursuit jusqu’à son terme. L’employeur devra alors recourir à un autre CDD ou à un contrat d’intérim pour assurer le remplacement supplémentaire.
L’expérimentation du CDD multi-remplacements prend fin le 13 avril 2025, date butoir fixée par le décret d’application du 12 avril 2023. Jusqu’à cette date, les entreprises appartenant aux secteurs autorisés peuvent conclure de nouveaux CDD multi-remplacements.
Les contrats signés avant cette échéance resteront valides jusqu’à leur terme, même s’il survient après le 13 avril 2025. Passé cette date, plus aucun nouveau contrat de ce type ne pourra être signé, sauf prorogation ou pérennisation du dispositif par une nouvelle loi ou décret.
Il est donc recommandé aux entreprises concernées de sécuriser juridiquement leurs pratiques, en s’assurant de la conformité du contrat avec les exigences légales et conventionnelles, et en respectant le calendrier de l’expérimentation.