Travail

Rémunération des heures supplémentaires : ce que dit la loi

Estelle Marant
Collaboratrice
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Heures supplémentaires : évitez les erreurs les plus fréquentes

La gestion du temps de travail constitue un enjeu majeur dans la relation entre l’employeur et le salarié. Parmi les composantes essentielles de cette organisation figurent les heures supplémentaires, qui permettent de répondre à des besoins ponctuels d’activité accrue, d’absentéisme ou d’urgence.

Encadrées de manière rigoureuse par le Code du travail, les heures supplémentaires obéissent à des règles précises quant à leur définition, leur calcul, leur majoration et leur mode de rémunération. Le recours à ces heures doit donc s’opérer dans le respect strict des textes législatifs et des conventions collectives applicables.

Dès lors, une mauvaise maîtrise de ces dispositifs peut exposer l’employeur à de lourdes conséquences contentieuses, tandis qu’une méconnaissance des droits afférents peut pénaliser le salarié. C’est pourquoi une lecture rigoureuse du cadre juridique en vigueur s’impose, tant pour sécuriser les pratiques internes que pour préserver les droits de chaque partie.

Sommaire

  1. Définition des heures supplémentaires
  2. Calcul des heures supplémentaires
  3. Décision de l’employeur
  4. Refus du salarié
  5. Limites légales
  6. Majoration applicable
  7. Bulletin de paie
  8. Repos compensateur
  9. FAQ

Définition juridique des heures supplémentaires

L’article L3121-28 du Code du travail dispose que toute heure effectuée au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures constitue une heure supplémentaire. Cette règle vaut sauf lorsqu’une convention ou un accord collectif fixe une durée différente reconnue comme équivalente.

Cependant, une heure effectuée au-delà de 35 heures ne sera considérée comme supplémentaire que si elle a été demandée ou acceptée implicitement par l’employeur. La jurisprudence (Cass. soc., 14 nov. 2018, n°17-16.959) impose en effet que l’existence d’une demande expresse ou tacite de l’employeur soit démontrée pour déclencher l’obligation de rémunération.

Calcul des heures supplémentaires

Le calcul des heures supplémentaires s’effectue semaine par semaine, et non au mois ni au trimestre, sauf disposition spécifique prévue par accord. Par défaut, la semaine civile s’étend du lundi à 0h au dimanche à 24h, conformément à l’article L3121-30 du Code du travail.

Ainsi, toute heure de travail accomplie au-delà de la 35e heure hebdomadaire est considérée comme heure supplémentaire, même si l’horaire collectif de l’entreprise est inférieur à cette durée. Cette règle s’applique en l'absence d'accord collectif définissant une autre organisation du temps de travail.

Toutefois, un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, un accord de branche, peut légalement reconfigurer la période de référence sur 7 jours consécutifs, sans nécessairement suivre la semaine civile. Cela permet aux entreprises de mieux adapter le décompte des heures supplémentaires à leurs spécificités opérationnelles (par exemple, un roulement commençant le mercredi et se terminant le mardi suivant).

Il convient également de noter que certaines conventions collectives peuvent prévoir une durée inférieure à 35 heures. Dans ce cas, les heures effectuées entre la durée conventionnelle et la 35e heure ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires, sauf clause plus favorable.

Pouvoir de décision de l’employeur

L’employeur dispose d’un pouvoir de direction qui lui permet d’organiser et de planifier le travail dans l’entreprise. Ce pouvoir est reconnu par l’article L1221-1 du Code du travail, qui fonde la relation contractuelle sur un lien de subordination.

C’est donc l’employeur seul qui décide de recourir ou non aux heures supplémentaires, en fonction des besoins de l’activité, des impératifs de production ou des événements imprévus (ex. : grève, absentéisme, pic de commandes). Le salarié ne dispose d’aucun droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires, sauf si une clause contractuelle explicite le prévoit (par exemple : engagement régulier à faire 5 heures supplémentaires par semaine).

En conséquence, même si un salarié a l’habitude d’effectuer des heures supplémentaires chaque semaine, l’employeur peut décider de cesser cette pratique à tout moment, sans que cela constitue une modification du contrat de travail, tant que la durée contractuelle reste respectée. Cette flexibilité permet à l’employeur d’adapter rapidement l’organisation du travail en fonction des fluctuations économiques.

Toutefois, en cas de suspension brutale et non justifiée des heures supplémentaires habituelles, le salarié pourrait invoquer un abus de droit ou une modification indirecte du contrat si cette pratique constituait une condition essentielle de son engagement, ce que les juges apprécient au cas par cas.

Droit du salarié de refuser

En principe, le salarié ne peut refuser d’exécuter des heures supplémentaires imposées par l’employeur, sauf abus de droit. Ainsi, si l’employeur :

  • n’a pas prévenu dans un délai raisonnable ;
  • impose systématiquement des heures le samedi ;
  • ne respecte pas le repos compensateur obligatoire ;

alors, le salarié peut valablement refuser (Cass. soc., 12 juill. 1989, n°86-43.880).

Le refus injustifié expose toutefois le salarié à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Limites légales et contingent annuel

Durées maximales à respecter

Conformément aux articles L3121-18 et suivants du Code du travail, l’employeur doit respecter les plafonds suivants :

  • 10 heures par jour ;
  • 48 heures sur une semaine ;
  • ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines ;
  • jusqu’à 60 heures par semaine, à titre exceptionnel, sous autorisation de l’inspection du travail.

Le simple dépassement ouvre droit à réparation sans nécessité de préjudice (Cass. soc., 26 janv. 2022, n°20-21.636).

Contingent annuel

En l’absence d’accord collectif, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 220 heures par an par salarié (art. D3121-24 C. trav.). Ce plafond peut être modifié par un accord collectif.

Les heures dépassant ce contingent exigent la consultation du CSE, et ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos (COR).

Taux de majoration applicables

Les majorations prévues à défaut d’accord sont fixées à (art. L3121-33 C. trav.) :

  • +25 % pour les 8 premières heures (de la 36e à la 43e) ;
  • +50 % à partir de la 44e heure.

Un accord collectif peut prévoir une majoration minimale de 10 % (L3121-33, al. 3), sans pouvoir descendre en deçà de ce seuil.

La base de calcul de la majoration inclut le salaire horaire brut, ainsi que les primes inhérentes à la nature du travail, à l’exclusion des frais professionnels.

Mention sur le bulletin de paie

L’article R3243-1 du Code du travail impose à l’employeur de faire figurer sur la fiche de paie :

  • les heures rémunérées au taux normal ;
  • les heures supplémentaires majorées, en précisant les taux appliqués.

Toute omission peut constituer un élément de preuve de dissimulation, et exposer l’employeur à des sanctions.

Repos compensateur : conditions et effets

Les heures supplémentaires peuvent, sous conditions, être compensées en repos (art. L3121-37 C. trav.) :

  • soit par repos compensateur de remplacement prévu par accord collectif ;
  • soit par contrepartie obligatoire en repos, pour les heures au-delà du contingent.

Cette contrepartie est de :

  • 50 % dans les entreprises de moins de 20 salariés ;
  • 100 % dans les entreprises de plus de 20 salariés (art. R3121-11 C. trav.).

En l’absence de délégué syndical, sa mise en œuvre suppose l’absence d’opposition du CSE.

Déclaration fiscale des heures supplémentaires

Depuis la loi de finances 2025, les rémunérations issues des heures supplémentaires bénéficient :

  • d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite de 7 500 € par an (art. 81 quater CGI) ;
  • d’une réduction de cotisations salariales à hauteur de 11,31 % (art. L241-17 CSS).

Les employeurs de moins de 250 salariés peuvent appliquer une déduction forfaitaire de charges patronales, y compris pour les jours de repos monétisés des forfaits jours (art. L241-18 CSS).

Conséquences du non-paiement

Rappel de salaires

Le salarié peut demander devant le Conseil de prud’hommes, dans un délai de 3 ans (art. L3245-1 C. trav.), un rappel de salaires pour heures supplémentaires non payées.

Il appartient alors à l’employeur de prouver que ces heures n’étaient pas demandées.

Résiliation du contrat aux torts de l’employeur

Le non-paiement récurrent peut justifier une prise d’acte ou une résiliation judiciaire, assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 mars 2013, n°11-26.517).

Travail dissimulé

Mentionner un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli constitue du travail dissimulé (art. L8221-5 C. trav.).

L’employeur encourt :

  • 6 mois de salaires à titre d’indemnité forfaitaire (art. L8223-1 C. trav.) ;
  • 45 000 € d’amende et 3 ans de prison (art. L8224-1 C. trav.) ;
  • une majoration des cotisations sociales (art. L242-1-2 CSS).

Règles applicables aux salariés à temps partiel

Les heures complémentaires sont spécifiques aux contrats à temps partiel. Elles sont encadrées par les articles L3123-9 et suivants du Code du travail.

Leur plafond est fixé à 10 % de la durée contractuelle, voire 1/3 si un accord collectif le prévoit, sans pouvoir atteindre un temps plein.

Elles sont majorées de 10 % dès la première heure complémentaire, puis de 25 % au-delà de 1/10e (art. L3123-22 C. trav.).

Spécificités pour les cadres et forfaits jours

Cadres dirigeants

Exclus du champ de la durée légale du travail (art. L3111-2 C. trav.), les cadres dirigeants ne bénéficient pas du régime des heures supplémentaires, sauf si leur statut est contestable (charge de la preuve à leur charge).

Salariés en forfait jours

Les salariés soumis à un forfait annuel en jours (art. L3121-58 et s. C. trav.) ne sont pas concernés par les heures supplémentaires, mais doivent respecter un nombre maximal de jours travaillés par an.

Des jours de repos non pris peuvent être monétisés et bénéficier du régime social et fiscal des heures supplémentaires.

Conclusion

Les heures supplémentaires occupent une place stratégique dans la régulation du temps de travail et dans l'équilibre entre la flexibilité nécessaire à l’activité économique et le respect des droits fondamentaux du salarié.

Leur mise en œuvre requiert une parfaite connaissance des dispositions légales, qu’il s’agisse des plafonds de durée, des taux de majoration, des modalités de compensation, ou encore des obligations fiscales et sociales afférentes. Toute négligence en la matière peut être lourdement sanctionnée, tant sur le plan prud’homal que pénal, notamment en cas de travail dissimulé.

À ce titre, il est indispensable pour l’employeur d’intégrer ces obligations dans sa politique RH, tandis que le salarié doit veiller à l’effectivité de ses droits à rémunération.

Pour accompagner chaque partie dans ce cadre légal complexe, le site defendstesdroits.fr offre des ressources juridiques fiables et actualisées, permettant d’agir avec précision et sécurité dans la gestion des heures supplémentaires.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une heure supplémentaire au sens du Code du travail ?

Une heure supplémentaire est toute heure de travail effectuée au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures pour les salariés à temps plein, conformément à l’article L3121-28 du Code du travail. Toutefois, cette qualification suppose que l’heure ait été demandée ou acceptée, même tacitement, par l’employeur. Les heures effectuées sans son accord explicite ou implicite ne peuvent pas être automatiquement qualifiées de supplémentaires. La jurisprudence a ainsi précisé que l’employeur doit avoir connaissance des heures accomplies et ne pas s’y être opposé (Cass. soc., 14 nov. 2018, n°17-16.959).

2. Comment sont rémunérées les heures supplémentaires en l’absence d’accord collectif ?

À défaut d’accord collectif prévoyant un taux de majoration spécifique, les heures supplémentaires sont majorées de :

  • 25 % de la 36e à la 43e heure incluse ;
  • 50 % à partir de la 44e heure
    (conformément à l’article L3121-33 du Code du travail).

Ces majorations s’appliquent au salaire horaire effectif, intégrant certaines primes liées à la nature du travail (astreintes, travail de nuit, jours fériés, etc.) mais excluant les frais professionnels ou primes d’ancienneté.

3. Quelle est la limite d’heures supplémentaires qu’un salarié peut accomplir ?

Le Code du travail impose plusieurs limites cumulatives à la réalisation d’heures supplémentaires :

  • 10 heures par jour (sauf dérogation) – art. L3121-18
  • 48 heures par semaine, ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines – art. L3121-20
  • 60 heures par semaine, exceptionnellement et avec autorisation de l’inspection du travail – art. L3121-25

De plus, il existe un contingent annuel d’heures supplémentaires, fixé à 220 heures par an en l’absence d’accord collectif (art. D3121-24). Au-delà de ce contingent, une contrepartie obligatoire en repos est prévue.

4. Le salarié peut-il refuser d’effectuer des heures supplémentaires ?

En principe, le salarié ne peut pas refuser des heures supplémentaires demandées par l’employeur, en application de son pouvoir de direction (art. L1221-1 C. trav.). Toutefois, il peut légitimement refuser en cas :

  • d’absence de préavis raisonnable ;
  • de recours systématique abusif (ex. : tous les samedis) ;
  • d’absence de repos compensateur pour les heures précédentes ;
  • ou si les nécessités de l’entreprise ne les justifient pas.

Le refus injustifié expose le salarié à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave si cela désorganise le fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 16 mai 2007, n°05-45.449).

5. Que risque l’employeur qui ne paie pas les heures supplémentaires effectuées ?

Le non-paiement des heures supplémentaires constitue une violation du contrat de travail, ouvrant droit pour le salarié à :

  • une action en rappel de salaires devant le Conseil de prud’hommes, dans un délai de 3 ans (art. L3245-1 C. trav.) ;
  • une résiliation judiciaire ou une prise d’acte pour faute de l’employeur, assimilée à un licenciement injustifié (Cass. soc., 13 mars 2013, n°11-26.517) ;
  • des dommages-intérêts ;
  • et, en cas de dissimulation sur la fiche de paie, une condamnation pour travail dissimulé (art. L8221-5 C. trav.), assortie de 45 000 € d’amende et 3 ans de prison (art. L8224-1 C. trav.).

Il encourt également une régularisation URSSAF pour les cotisations sociales éludées.

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