Immobilier

Syndrome de Diogène : comment agir face à un locataire en incurie ?

Estelle Marant
Collaboratrice
Partager

Locataire en état d’incurie : quelles actions pour le bailleur ?

Le syndrome de Diogène est un trouble du comportement qui pousse une personne à accumuler de manière compulsive des objets et des déchets, entraînant une insalubrité extrême de son logement.

Ce phénomène, également appelé syllogomanie, pose de nombreux problèmes juridiques lorsque le locataire concerné occupe un bien en location. Le propriétaire-bailleur se retrouve souvent confronté à une détérioration avancée du bien et à d’éventuelles difficultés de paiement des loyers.

Sommaire

  1. Comprendre le syndrome de Diogène
  2. Risques pour le voisinage et la salubrité publique
  3. Obligations légales du locataire et recours du bailleur
  4. Risques pour le propriétaire d’un locataire atteint du syndrome de Diogène
  5. Recours du propriétaire face à un locataire en incurie
  6. Intervention des autorités sanitaires
  7. Prise en charge des locataires vulnérables
  8. Importance d’agir rapidement pour le bailleur
  9. FAQ

Qu'est-ce que le syndrome de Diogène ?

Le syndrome de Diogène est un trouble du comportement caractérisé par une accumulation massive d’objets et de détritus, un refus d’entretien du logement et un isolement social extrême. Ce syndrome est souvent associé à des troubles psychiatriques sous-jacents, comme la démence, la dépression sévère, ou encore des troubles obsessionnels compulsifs.

L'absence d'hygiène et l'entassement anarchique des objets et déchets transforment le logement en un environnement insalubre et dangereux. L’humidité, la moisissure, la prolifération de nuisibles (rats, cafards, insectes), ainsi que les risques d’incendie ou d’effondrement liés au poids des accumulations, rendent ces logements incompatibles avec des conditions de vie décentes.

Ce phénomène ne concerne pas uniquement les personnes âgées ou en situation de précarité : il peut toucher toute catégorie socio-professionnelle, rendant la détection de ce trouble particulièrement complexe.

Un risque pour le voisinage et la salubrité publique

Le syndrome de Diogène ne se limite pas à la seule sphère privée du locataire : il a également des répercussions sur le voisinage et l’environnement immédiat. En effet, l’accumulation de déchets entraîne souvent des odeurs nauséabondes, une prolifération de nuisibles, ainsi que des risques d’insalubrité généralisée pouvant affecter les parties communes d’un immeuble.

Face à ces situations extrêmes, les voisins peuvent saisir le maire ou les services d’hygiène de la mairie pour exiger une intervention des autorités compétentes. Dans les cas les plus graves, la préfecture peut déclarer le logement insalubre, entraînant une évacuation forcée et des travaux de mise en conformité.

Les obligations légales du locataire et les recours du bailleur

L’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire d’user du logement en bon père de famille et d’en assurer l’entretien courant. Cela signifie qu’il doit maintenir le logement en bon état, éviter toute dégradation et respecter les règles de salubrité.

En cas de manquement à cette obligation, le bailleur dispose de plusieurs recours :

  • Mise en demeure du locataire pour exiger un nettoyage immédiat et une remise en état du logement.
  • Constat d’huissier afin de documenter les dégradations et les conditions de vie indécentes.
  • Engagement d’une procédure de résiliation du bail en cas de non-respect des obligations locatives.
  • Saisine des autorités sanitaires pour demander une intervention d’office et faire constater l’insalubrité des lieux.

Dans les situations les plus extrêmes, la procédure d’expulsion peut être engagée, sous réserve du respect des délais légaux et des protections accordées aux locataires vulnérables.

Quels risques pour le propriétaire d’un locataire atteint du syndrome de Diogène ?

Louer un bien à une personne souffrant de ce trouble peut engendrer plusieurs risques juridiques et financiers :

  1. Détérioration du logement :
    L’accumulation de déchets et le manque d’entretien du bien peuvent causer des dommages structurels, des infiltrations, des moisissures, et favoriser la présence de nuisibles (rats, cafards, etc.).
  2. Non-paiement des loyers :
    L’isolement social et les troubles psychologiques liés au syndrome peuvent entraîner des difficultés financières et des impayés, nécessitant une procédure judiciaire.
  3. Troubles de voisinage :
    Les odeurs nauséabondes et la présence de nuisibles peuvent provoquer des plaintes des voisins et amener la mairie ou la préfecture à intervenir au nom de la salubrité publique.

Quels sont les recours du propriétaire face à un locataire en incurie ?

1. Faire constater l'insalubrité

Le bailleur peut faire constater l’état du logement par un huissier de justice, un expert en bâtiment ou le service d’hygiène de la mairie afin de réunir des preuves en cas de contentieux.

2. Résilier le bail

Le bailleur peut demander la résiliation du bail pour :

  • Non-paiement des loyers;
  • Non-respect de l'obligation d'entretien du logement;
  • Troubles de voisinage causés par la prolifération de nuisibles et de mauvaises odeurs.

La résiliation peut être prononcée par le Juge des Contentieux de la Protection (JCP) du Tribunal judiciaire.

3. Engager une procédure d’expulsion

Si le locataire refuse de quitter les lieux malgré la résiliation du bail, le propriétaire peut engager une procédure d’expulsion, sous réserve du respect des délais légaux et des trêves hivernales.

4. Obliger le locataire à remettre le logement en état

Le propriétaire peut exiger la remise en état du logement aux frais du locataire, soit par voie amiable, soit par une action en justice.

Intervention des autorités sanitaires

Lorsque l’insalubrité d’un logement atteint un seuil menaçant la santé publique, les autorités administratives peuvent intervenir d’office afin de protéger le locataire et son environnement immédiat.

Pouvoirs du maire et intervention d’office

En vertu des pouvoirs de police administrative définis à l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire peut ordonner une intervention d’office pour assainir un logement insalubre. Cette décision peut être prise suite à :

  • Un signalement des voisins ou du syndic de copropriété en raison des nuisances olfactives ou de la présence de nuisibles ;
  • Un constat des services municipaux d’hygiène après une inspection des lieux ;
  • Une saisine du préfet lorsque l’insalubrité est avérée et met en danger la santé des occupants et du voisinage.

Dans les cas les plus graves, une évacuation forcée peut être décidée si le logement est déclaré insalubre par la préfecture. L’occupant est alors contraint de quitter les lieux, et le propriétaire doit entreprendre des travaux de mise en conformité avant toute nouvelle mise en location.

Prise en charge des locataires vulnérables

Lorsqu’un locataire souffrant du syndrome de Diogène est dans une situation de grande vulnérabilité (âge avancé, trouble psychiatrique avéré, isolement social profond), une saisine des services sociaux peut être engagée afin de mettre en place un accompagnement spécifique. Cette intervention vise à :

  • Évaluer l’état psychologique du locataire et envisager une prise en charge médicale adaptée ;
  • Faciliter un relogement temporaire ou définitif si l’habitat est devenu dangereux ;
  • Coordonner l’intervention des professionnels de l’aide sociale, notamment via une mesure de protection judiciaire (tutelle ou curatelle, selon les dispositions des articles 425 et suivants du Code civil).

Un impératif pour le bailleur : agir rapidement

Pour le propriétaire bailleur, il est impératif de réagir rapidement dès qu’il constate un manquement grave aux obligations locatives. Outre la nécessité de préserver l’intégrité de son bien immobilier, il doit aussi veiller à respecter les droits du locataire, en engageant des procédures adaptées et en collaborant avec les autorités compétentes.

Dans ce type de situation, une approche combinée entre recours juridiques et intervention sociale est souvent la solution la plus efficace pour assurer la remise en état du logement tout en protégeant les personnes vulnérables.

Conclusion

Le syndrome de Diogène représente un véritable défi juridique pour les propriétaires confrontés à un locataire en situation d’incurie. Entre dégradations du logement, troubles de voisinage et risques sanitaires, il est essentiel d’agir rapidement en utilisant les moyens légaux à disposition.

La résiliation du bail, la constatation des nuisances et, si nécessaire, la procédure d’expulsion sont autant de leviers permettant au bailleur de protéger son bien.

Cependant, une approche humaine et sociale reste primordiale, notamment en cas de locataire en situation de vulnérabilité. Une coordination avec les services sociaux peut être envisagée pour assurer un accompagnement adapté et éviter les récidives.

FAQ

1. Quels sont les signes permettant d’identifier un locataire atteint du syndrome de Diogène ?

Un locataire souffrant du syndrome de Diogène présente généralement plusieurs comportements caractéristiques :

  • Accumulation excessive d’objets, détritus, voire d’aliments périmés, rendant l’espace de vie impraticable.
  • Refus d’entretien du logement, menant à une dégradation rapide (présence de moisissures, infiltrations, détérioration du sol et des murs).
  • Isolement social extrême, absence de réponse aux sollicitations du bailleur ou des voisins.
  • Nuisances olfactives importantes, souvent signalées par les voisins à cause des odeurs de putréfaction ou d’humidité.
  • Présence accrue de nuisibles (rats, cafards, insectes) pouvant impacter la salubrité de l’ensemble de l’immeuble.

Si ces éléments sont constatés, il est recommandé de faire appel à un huissier pour établir un constat officiel avant d’engager toute action.

2. Quelles obligations légales le locataire doit-il respecter concernant l’entretien du logement ?

Le locataire a l’obligation d’entretenir son logement et de l’utiliser en bon père de famille, comme l’impose l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989. Cela signifie qu’il doit :

  • Maintenir l’appartement ou la maison en bon état et éviter toute dégradation volontaire ou par négligence.
  • Assurer l’hygiène des lieux pour prévenir les risques d’insalubrité.
  • Respecter les règles de voisinage en évitant les nuisances olfactives et sanitaires.

Le non-respect de ces obligations peut justifier une résiliation de bail et une éventuelle expulsion, sous réserve de respecter les procédures légales en vigueur.

3. Quelles actions peut entreprendre un propriétaire face à un logement rendu insalubre par son locataire ?

Un bailleur confronté à une situation d’incurie peut :

  1. Envoyer une mise en demeure au locataire en lui rappelant ses obligations légales et en lui demandant de remettre le logement en état.
  2. Faire constater les dégâts par un huissier, un expert en bâtiment ou les services d’hygiène de la mairie pour disposer de preuves.
  3. Engager une action en justice pour résilier le bail si le locataire persiste à ne pas entretenir le bien (sur le fondement de l’article 1728 du Code civil).
  4. Demander l’expulsion du locataire en saisissant le Juge des Contentieux de la Protection (JCP) du Tribunal judiciaire.
  5. Alerter la mairie si l’état du logement représente un danger pour la santé publique, ce qui peut conduire à une évacuation forcée.

4. Quelles sont les démarches pour résilier un bail en cas de syndrome de Diogène ?

Pour résilier un bail, le propriétaire doit prouver que le locataire ne respecte pas ses obligations. Les motifs de résiliation peuvent être :

  • Le non-paiement des loyers, en application des clauses résolutoires du bail.
  • Le non-entretien du logement, justifiant une action en justice pour obtenir la résiliation judiciaire.
  • Les troubles de voisinage, notamment les odeurs nauséabondes ou la prolifération de nuisibles affectant les autres résidents.

La procédure à suivre comprend :

  1. Envoi d’une mise en demeure demandant au locataire de remédier à la situation sous un certain délai.
  2. Saisine du tribunal si le locataire ne réagit pas.
  3. Obtention d’un jugement de résiliation du bail et, le cas échéant, d’une ordonnance d’expulsion.
  4. Intervention d’un huissier pour l’exécution de l’expulsion, sous réserve du respect des délais légaux et de la trêve hivernale

5. Une expulsion est-elle possible si le locataire est une personne vulnérable ?

Lorsqu’un locataire souffrant du syndrome de Diogène est en situation de grande vulnérabilité (troubles psychiatriques, isolement social, incapacité de discernement), une approche sociale est généralement privilégiée avant toute expulsion.

  • Les services sociaux peuvent être saisis pour accompagner le locataire et envisager une prise en charge médicale
  • Une mise sous tutelle ou curatelle peut être demandée si le locataire n’est plus en mesure de gérer ses obligations contractuelles.
  • En cas de danger imminent, le maire peut ordonner une évacuation d’office en vertu de ses pouvoirs de police sanitaire

Toutefois, l’expulsion reste possible après une décision de justice, à condition que toutes les démarches préalables aient été respectées et que les droits du locataire soient préservés.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.