Travail

Vente immobilière : L’importance des travaux pour la majoration forfaitaire de 15 %

Estelle Marant
Collaboratrice
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Majoration forfaitaire de 15 % : Pourquoi les vendeurs sans travaux réalisés sont exclus ?

Dans le cadre de la fiscalité immobilière, la question des travaux réalisés sur un bien constitue un enjeu majeur pour la détermination de la plus-value imposable. En effet, l'article 150 VB du Code général des impôts (CGI) permet de majorer le prix d'acquisition d'un bien immobilier des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration.

Cela peut être fait sous réserve de produire des justificatifs des travaux réalisés par une entreprise après l'acquisition ou l'achèvement du bien. Toutefois, une majoration forfaitaire de 15 % peut être appliquée en l'absence de justificatifs, mais sous certaines conditions.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Conditions pour bénéficier de la majoration forfaitaire
  3. Conséquences fiscales de l'absence de travaux
  4. Jurisprudence récente : affaire du tribunal administratif de Pau
  5. Approche stricte confirmée par la jurisprudence
  6. Références légales encadrant la majoration forfaitaire
  7. Enjeux pour les contribuables lors de la vente immobilière
  8. FAQ

Conditions pour bénéficier du forfait de 15 %

L'article 150 VB du CGI prévoit que lorsque le contribuable vend un bien immobilier plus de cinq ans après son acquisition et qu'il n'est pas en mesure de fournir les justificatifs des travaux réalisés, il peut bénéficier d'une majoration forfaitaire de 15 % du prix d'acquisition. Cette majoration vise à compenser l'impossibilité pour le vendeur de prouver le montant exact des dépenses liées aux travaux.

Cependant, dans une décision du 15 avril 2024 (TA Pau, n° 2201290), le tribunal administratif de Pau a rappelé que le vendeur ne peut bénéficier de cette majoration forfaitaire s’il déclare ne pas avoir réalisé de travaux.

Cela signifie que, même en l'absence de justificatifs, si le contribuable indique qu'aucune amélioration ou rénovation n'a été effectuée, il ne pourra prétendre à cette majoration forfaitaire.

Cette précision souligne l'importance de la déclaration du contribuable. Si celui-ci affirme n'avoir réalisé aucun travaux sur le bien vendu, même s'il remplit les critères de durée de détention, il sera automatiquement exclu de l'application de cette majoration. Cela renforce l'idée que la majoration pour travaux n’est applicable qu’en présence de dépenses réelles, et non en raison d'une simple impossibilité de fournir des justificatifs.

Illustration d'une jurisprudence récente

Dans le cas examiné par le tribunal administratif de Pau (TA Pau, n° 2201290), une société civile immobilière (SCI), dont le contribuable était associé à hauteur de 50 %, a procédé à la vente d’un ensemble immobilier pour un montant de 1 900 000 euros.

Lors de cette vente, le contribuable a tenté d’appliquer la majoration forfaitaire de 15 % prévue par l’article 150 VB, II-4° du CGI sur le prix d’acquisition, tout en reconnaissant qu’aucun travaux n’avait été réalisé sur le bien depuis son acquisition en 1988.

Le tribunal administratif a rejeté cette demande en considérant que la déclaration du contribuable d’absence de travaux rendait inapplicable la majoration forfaitaire.

En effet, même si les conditions temporelles étaient remplies, c’est-à-dire que le bien avait été détenu pendant plus de cinq ans, le tribunal a jugé que la majoration n’était pas due en l’absence de dépenses effectivement engagées pour des travaux de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration.

Cette solution repose sur une interprétation stricte des dispositions de l’article 150 VB du CGI. Le texte prévoit la possibilité d'appliquer la majoration forfaitaire uniquement dans les cas où des dépenses ont été engagées et que le contribuable n’est simplement pas en mesure de produire les justificatifs correspondants.

Cependant, l'absence totale de travaux exclut de facto la possibilité de bénéficier de cette majoration, même si les cinq ans de détention du bien sont écoulés. Le tribunal a ainsi estimé que l’application de cette majoration forfaitaire pour travaux suppose l’existence réelle de dépenses, et que la simple durée de détention ne peut compenser l’inexistence de travaux.

Cette jurisprudence a pour effet de clarifier une pratique courante consistant à invoquer le forfait de 15 % en l’absence de justificatifs, même lorsque le contribuable reconnaît qu’aucun travaux n’a été réalisé. Cette décision impose donc une rigueur dans l’application de cette majoration.

Le tribunal a rappelé que la majoration forfaitaire est avant tout un avantage fiscal visant à compenser l'impossibilité de produire des justificatifs pour des travaux réalisés, mais qu'elle ne peut être accordée en l’absence totale de dépenses.

De plus, cette décision s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle. En effet, la Cour administrative d’appel de Lyon, dans un arrêt du 5 juin 2018 (CAA Lyon, n° 17LY00630), avait déjà adopté une position similaire. Dans cette affaire, le contribuable demandait à bénéficier de la majoration de 15 % sur le prix d’acquisition d’un terrain bâti, tout en déclarant ne pas avoir réalisé de travaux.

La cour avait jugé que la majoration forfaitaire ne pouvait être appliquée dans de telles circonstances, le contribuable n’ayant engagé aucune dépense susceptible de justifier cet avantage.

En outre, la doctrine administrative invoquée par le contribuable dans les deux affaires, qui permet de bénéficier de la majoration forfaitaire en l'absence de justificatifs, a été écartée.

La Cour administrative d’appel de Lyon a précisé que cette doctrine ne comportait aucune interprétation dérogatoire de l’article 150 VB du CGI, et ne permettait donc pas au contribuable d’invoquer cette majoration sans travaux réels. Cette position a été confirmée par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 25 mars 2019 (CE, n° 422943), où il a refusé d’admettre un pourvoi formé par un contribuable contestant cette interprétation stricte de la loi.

Une solution stricte mais confirmée

Cette solution, bien que sévère pour le contribuable, n'est pas nouvelle. La Cour administrative d’appel de Lyon, dans un arrêt du 5 juin 2018 (CAA Lyon, n° 17LY00630), avait déjà jugé qu’un contribuable ne pouvait bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 % s'il déclarait ne pas avoir engagé de dépenses de travaux.

En effet, la Cour a estimé que la simple détention du bien pendant plus de cinq ans ne permettait pas, à elle seule, de bénéficier de cet avantage fiscal. La majoration forfaitaire repose sur l’existence de dépenses effectivement engagées, même si le contribuable n'est pas en mesure de produire des justificatifs.

La cour a également précisé que la doctrine administrative invoquée par le contribuable, qui permet de bénéficier du forfait sans avoir à prouver la réalité des travaux, n'était pas applicable dans ce contexte.

La doctrine administrative, qui constitue une interprétation des textes par l'administration fiscale, ne saurait justifier une dérogation aux dispositions légales strictes prévues par l'article 150 VB du CGI. Ainsi, le fait de se prévaloir de cette doctrine pour obtenir la majoration forfaitaire sans avoir réalisé de travaux a été fermement rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon.

La position adoptée par la cour a été confirmée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 25 mars 2019 (CE, n° 422943). Le Conseil d’Etat a refusé d’admettre le pourvoi formé par le contribuable, qui contestait l’interprétation faite par la Cour administrative d’appel.

Le Conseil d’Etat a ainsi validé la position selon laquelle la doctrine administrative ne pouvait être utilisée pour contourner les dispositions claires de l’article 150 VB du CGI. Cette décision confirme une ligne jurisprudentielle stricte et cohérente : pour bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 %, il est indispensable d’avoir réalisé des travaux ou au moins de ne pas déclarer l'absence totale de travaux.

La solution retenue dans ces décisions est particulièrement rigoureuse, car elle limite l'application de la majoration forfaitaire aux seules situations où des dépenses réelles ont été engagées, même en l'absence de justificatifs.

Le simple fait de remplir les conditions de détention du bien pendant plus de cinq ans ne suffit pas à déclencher l'application de cette majoration si le contribuable reconnaît n'avoir engagé aucune dépense de travaux.

Références légales et fiscales

Cette affaire souligne l’importance de respecter les conditions strictement définies par le Code général des impôts (CGI) pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux liés à la vente d'un bien immobilier.

En particulier, l'article 150 VB du CGI encadre la possibilité de majorer le prix d’acquisition d’un bien immobilier des dépenses de travaux réalisés, et précise que cette majoration peut être forfaitaire (15 %) lorsque le contribuable n’est pas en mesure de produire des justificatifs. Toutefois, comme vu précédemment, cette majoration ne peut s’appliquer en l’absence de travaux réels.

Le Livre des procédures fiscales (LPF), notamment son article L. 80 A, permet au contribuable de se prévaloir d’une doctrine administrative pour obtenir une interprétation favorable de la loi fiscale. Ce mécanisme offre une certaine protection aux contribuables en leur permettant d’invoquer des instructions fiscales ou réponses ministérielles pour éviter un redressement fiscal.

Toutefois, le Conseil d’Etat a clairement rappelé que cette doctrine administrative ne pouvait en aucun cas justifier une dérogation aux conditions légales strictement définies par le CGI. Ainsi, la doctrine ne permet pas de contourner les dispositions explicites de la loi lorsqu’un contribuable déclare ne pas avoir engagé de travaux.

Perspectives et enjeux pour les contribuables

Cette jurisprudence met en lumière la nécessité pour les contribuables de bien comprendre les critères rigoureux pour bénéficier des avantages fiscaux liés aux travaux immobiliers. Les juridictions administratives, que ce soit les tribunaux administratifs ou les cours d’appel, ont une interprétation particulièrement stricte des textes fiscaux.

Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de travaux non réalisés ou déclarés comme tels par le contribuable. En effet, il ne suffit pas de remplir les conditions temporelles, telles que la détention du bien pendant plus de cinq ans, pour obtenir la majoration forfaitaire de 15 %. Le critère décisif reste la preuve, même indirecte, de la réalisation de travaux.

Cette position pose un enjeu primordial pour les contribuables qui souhaitent maximiser leur avantage fiscal lors de la vente d’un bien immobilier.

Il devient indispensable de conserver les justificatifs de tous les travaux effectués ou, à défaut, de s’abstenir de déclarer une absence totale de travaux pour pouvoir prétendre à la majoration forfaitaire. La jurisprudence actuelle limite donc considérablement les possibilités de bénéficier de cet avantage sans avoir véritablement engagé des dépenses.

Conclusion

En conclusion, la majoration forfaitaire de 15 % prévue par l'article 150 VB du CGI constitue un avantage fiscal non négligeable pour les contribuables cédant un bien immobilier, à condition que des travaux réels aient été réalisés.

Les décisions récentes des juridictions administratives, ainsi que la validation de cette position par le Conseil d’Etat, imposent une stricte interprétation des textes : l'absence de travaux déclarée par le contribuable exclut automatiquement la possibilité de bénéficier de cet avantage. Il est donc essentiel de bien comprendre les critères légaux et de conserver des justificatifs des dépenses engagées pour éviter tout litige avec l’administration fiscale.

FAQ

1. Quelles sont les conditions pour bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 % sur le prix d’acquisition d’un bien immobilier ?

Pour bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 % sur le prix d'acquisition d’un bien immobilier, le bien doit être détenu depuis au moins cinq ans avant sa vente. Cette majoration est accordée pour compenser l’absence de justificatifs de travaux effectués sur le bien, mais à la condition que des dépenses réelles aient été engagées pour des travaux de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration. Si le contribuable est dans l’incapacité de fournir des justificatifs détaillés de ces travaux, il peut, en théorie, appliquer la majoration forfaitaire de 15 %. Cependant, une condition essentielle à respecter est l’engagement de dépenses réelles. Si aucun travaux n’a été réalisé, le contribuable ne peut pas prétendre à cet avantage, même s’il détient le bien depuis plus de cinq ans.

2. Le vendeur peut-il bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 % s’il déclare ne pas avoir réalisé de travaux ?

Non, un vendeur qui déclare ne pas avoir réalisé de travaux sur un bien immobilier ne peut pas bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 %. Les décisions de justice, comme celle du tribunal administratif de Pau en avril 2024, ont clairement établi que la simple déclaration d’absence de travaux rend inapplicable cet avantage fiscal. La majoration forfaitaire a pour but de compenser le manque de justificatifs, mais elle ne peut être accordée en l’absence totale de travaux. En d’autres termes, le contribuable doit soit prouver l'existence de travaux (avec des justificatifs), soit ne pas avoir déclaré l’absence de travaux pour être éligible à cet avantage. Ce point de vue repose sur une lecture stricte de l'article 150 VB du CGI, qui exige que des dépenses aient été effectuées pour justifier la majoration.

3. La doctrine administrative permet-elle de contourner l’absence de travaux pour obtenir la majoration forfaitaire ?

Non, la doctrine administrative ne peut pas être utilisée pour contourner l’absence de travaux réels dans le cadre de l'application de la majoration forfaitaire de 15 %. Certains contribuables ont tenté de se prévaloir de la doctrine administrative afin de bénéficier du forfait sans avoir à prouver la réalité des travaux. Cependant, les tribunaux, comme la Cour administrative d’appel de Lyon en 2018 et le Conseil d’Etat en 2019, ont tranché sur ce point : la doctrine administrative ne peut justifier une application dérogatoire des dispositions légales. En effet, la doctrine peut servir de base pour interpréter certains textes, mais ne permet pas d’enfreindre des règles fiscales strictes, comme celles de l’article 150 VB du CGI. Ainsi, si le contribuable n’a pas réalisé de travaux, il ne peut invoquer la doctrine pour obtenir une majoration forfaitaire.

4. Quelle est la jurisprudence récente concernant la majoration forfaitaire de 15 % en matière de vente immobilière ?

La jurisprudence récente en matière de majoration forfaitaire de 15 % s’est durcie, imposant une stricte interprétation des textes fiscaux. Par exemple, la Cour administrative d’appel de Lyon a rendu en 2018 un arrêt confirmant qu’un contribuable ne pouvait pas bénéficier de la majoration forfaitaire s’il déclarait n’avoir réalisé aucun travaux. La doctrine administrative a également été écartée par la cour dans ce cas, car elle ne permet pas d’appliquer le forfait en l’absence de dépenses de travaux. De plus, en 2019, le Conseil d’Etat a validé cette approche en refusant un pourvoi, réaffirmant ainsi que l'absence de travaux prive le contribuable du droit à la majoration, même en l’absence de justificatifs. Cette jurisprudence montre que les juridictions administratives adoptent une lecture stricte de l’article 150 VB du CGI, en exigeant la réalisation de travaux réels pour permettre l’application de la majoration forfaitaire.

5. Quels risques encourt le vendeur s’il tente de bénéficier de la majoration forfaitaire sans avoir réalisé de travaux ?

Le vendeur qui tente de bénéficier de la majoration forfaitaire de 15 % sans avoir réellement engagé de travaux s’expose à des sanctions fiscales. Si l’administration fiscale découvre que le contribuable a faussement appliqué la majoration, cela peut entraîner un redressement fiscal. En effet, l’administration fiscale a le pouvoir de rejeter la demande de majoration si elle est fondée sur une déclaration erronée ou trompeuse. Le vendeur pourrait alors être contraint de rembourser les sommes non justifiées, assorties de pénalités pour fausse déclaration. De plus, la jurisprudence actuelle montre que les tribunaux suivent une approche stricte dans l’application de cet avantage fiscal, rendant toute tentative de fraude ou de déclaration erronée risquée. Il est donc recommandé de ne déclarer que des travaux réellement effectués et de s’assurer que toutes les conditions légales sont respectées avant de demander la majoration forfaitaire.

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