Comment fonctionne la mise en liquidation judiciaire d'une société ?

Estelle Marant
Collaboratrice
3 minutes
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Liquidation judiciaire d'une entreprise : Les étapes expliquées

Lorsqu'une entreprise traverse une crise financière majeure au point de ne plus pouvoir honorer ses dettes, la liquidation judiciaire peut s'imposer comme une issue inévitable.

Cette procédure, souvent perçue comme un dernier recours, vise à mettre fin définitivement à l'activité de l'entreprise tout en permettant, dans la mesure du possible, de rembourser les créanciers.

Comprendre les tenants et aboutissants de la liquidation judiciaire est essentiel pour les dirigeants d'entreprise confrontés à des difficultés financières.

Cet article détaille les différentes étapes de la procédure, les entreprises concernées, et les conséquences de cette décision radicale sur l'activité et les parties prenantes.

Sommaire

  • Qu'est-ce que la liquidation judiciaire ?
  • Qui est concerné par la liquidation judiciaire ?
  • Comment introduire une demande de liquidation judiciaire ?
  • Liquidation judiciaire : les 4 étapes essentielles
  • Quelles sont les conséquences d'une liquidation judiciaire ?
  • FAQ

Qu'est-ce que la liquidation judiciaire ?

La liquidation judiciaire est une procédure collective destinée aux entreprises dont la situation financière est irrémédiablement compromise. Elle intervient lorsque l'entreprise est en état de cessation des paiements et qu'il est impossible d'envisager un redressement. Le but principal de cette procédure est de vendre le patrimoine de l'entreprise pour rembourser, dans la mesure du possible, les créanciers. Une fois cette opération terminée, l'entreprise cesse définitivement ses activités.

Qui est concerné par la liquidation judiciaire ?

La liquidation judiciaire est une procédure qui s'applique à toutes les entreprises, indépendamment de leur forme juridique ou de leur taille, dès lors qu'elles se trouvent dans une situation financière désespérée. Cette procédure est régie par les articles L.640-1 et suivants du Code de commerce. Voici les entités spécifiquement concernées par la liquidation judiciaire :

1. Les micro-entreprises et entrepreneurs individuels (EI)

Les micro-entreprises, y compris les entrepreneurs individuels (EI), sont particulièrement vulnérables aux difficultés financières. Ces structures, qui fonctionnent souvent avec des ressources limitées, peuvent rapidement se retrouver en situation de cessation des paiements. Lorsqu'une micro-entreprise ou un entrepreneur individuel ne peut plus faire face à ses dettes exigibles avec son actif disponible, et qu'un redressement n'est pas envisageable, la liquidation judiciaire peut être prononcée par le tribunal compétent.

2. Les sociétés de capitaux et de personnes

La liquidation judiciaire peut également concerner toutes les formes de sociétés, qu'elles soient des sociétés de capitaux ou des sociétés de personnes. Cela inclut notamment :

  • Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) et Entreprises Unipersonnelles à Responsabilité Limitée (EURL) : Ces structures, bien que protégées par la responsabilité limitée, peuvent se retrouver en liquidation judiciaire si elles ne peuvent plus payer leurs créanciers et que leur redressement est jugé impossible.
  • Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) et Sociétés par Actions Simplifiées Unipersonnelles (SASU) : Ces sociétés, souvent choisies pour leur flexibilité, sont également concernées par la liquidation judiciaire en cas de défaillance financière.
  • Sociétés Civiles Immobilières (SCI) : Les SCI, qui gèrent des biens immobiliers, peuvent aussi être mises en liquidation judiciaire si elles ne parviennent pas à honorer leurs dettes.
  • Sociétés en Nom Collectif (SNC) et autres sociétés de personnes : Malgré la solidarité illimitée des associés dans une SNC, la liquidation judiciaire peut être prononcée si la société ne peut plus régler ses dettes.
3. Toute entreprise en état de cessation des paiements

D'une manière générale, toute entreprise, quelle que soit sa forme juridique, peut être soumise à une liquidation judiciaire dès lors qu'elle est en état de cessation des paiements et que son redressement est impossible. Selon l'article L.631-1 du Code de commerce, l'état de cessation des paiements est caractérisé par l’impossibilité pour l’entreprise de faire face à son passif exigible (dettes arrivées à échéance) avec son actif disponible (trésorerie et actifs immédiatement réalisables).

Une entreprise qui se trouve dans cette situation doit impérativement déposer une déclaration de cessation des paiements au tribunal compétent dans un délai de 45 jours. À défaut, le procureur de la République ou un créancier peut demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Cette déclaration est cruciale car elle marque le point de départ de la procédure collective, qui vise à organiser la liquidation des biens de l'entreprise pour désintéresser les créanciers, selon les articles L.631-1 et L.640-2 du Code de commerce.

Comment introduire une demande de liquidation judiciaire ?

Pour initier une procédure de liquidation judiciaire, plusieurs étapes cruciales doivent être suivies afin de se conformer aux exigences légales prévues par le Code de commerce. Voici un aperçu détaillé du processus :

1. Déclaration de cessation des paiements

Lorsqu'une entreprise est en cessation des paiements, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est plus en mesure de régler ses dettes exigibles avec son actif disponible, le dirigeant dispose d'un délai de 45 jours pour déclarer cet état. Cette déclaration de cessation des paiements est une étape essentielle, car elle permet d'informer le tribunal compétent de la situation financière de l'entreprise et de demander l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Selon l'article L.631-4 du Code de commerce, cette déclaration doit être effectuée avant l'expiration du délai de 45 jours, sauf si une procédure de conciliation est en cours.

2. Qui peut demander l'ouverture de la liquidation judiciaire ?

En principe, c'est le dirigeant de l'entreprise qui est tenu de demander l'ouverture de la liquidation judiciaire en cas de cessation des paiements. Toutefois, si le dirigeant omet de faire cette demande dans le délai imparti, d'autres parties peuvent également solliciter l'ouverture de la procédure :

  • Le procureur de la République : Conformément à l'article L.640-5 du Code de commerce, le procureur peut demander l'ouverture de la liquidation judiciaire s'il estime que l'entreprise ne pourra pas se redresser et que son état de cessation des paiements est avéré. Cette intervention vise à protéger les intérêts des créanciers et de l'ordre public.
  • Les créanciers de l'entreprise : Un créancier, qu'il s'agisse d'un fournisseur, d'un bailleur, ou d'un créancier public comme l'URSSAF, peut également demander l'ouverture de la liquidation judiciaire. Cette demande est soumise à la condition qu'aucune procédure de conciliation ne soit en cours. La demande par un créancier doit être motivée par l'incapacité de l'entreprise à honorer ses dettes.
3. Procédure à suivre pour la demande d'ouverture

La demande d'ouverture de liquidation judiciaire doit être formalisée à l'aide du formulaire Cerfa n° 10530*01, intitulé "Déclaration de cessation des paiements". Ce formulaire doit être dûment complété avec des informations précises et détaillées concernant la situation financière de l'entreprise. Voici les éléments essentiels à inclure dans le dossier :

  • Description de la situation financière : Un état détaillé des actifs et des passifs de l'entreprise doit être fourni. Cela inclut la liste des biens possédés par l'entreprise, les créances à recouvrer, les dettes à court et long terme, et tout autre élément financier pertinent.
  • Pièces justificatives : Plusieurs documents doivent être joints au formulaire pour compléter la demande, notamment :
    • Un extrait Kbis ou un extrait du Répertoire des Métiers pour les entreprises artisanales, datant de moins de 7 jours. Pour les non-inscrits, un avis INSEE peut être fourni.
    • Les comptes annuels du dernier exercice : Ce document est crucial pour donner une image fidèle de la situation financière de l'entreprise.
    • Un état des actifs et passifs des sûretés et des engagements hors bilan : Ce document doit être actualisé à moins de 7 jours.
    • La situation de trésorerie : Un relevé des comptes bancaires de l'entreprise, ainsi que des comptes personnels pour les entrepreneurs individuels, datant de moins d'un mois.
    • Une copie de la pièce d'identité du dirigeant ou du représentant légal de l'entreprise.

Liquidation judiciaire : les 4 étapes essentielles

La procédure de liquidation judiciaire suit un processus structuré en quatre étapes distinctes, chacune jouant un rôle crucial dans la gestion et la résolution de l'insolvabilité de l'entreprise. Voici une description détaillée de chaque étape, conformément aux dispositions légales en vigueur :

1. Le jugement d'ouverture

Le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire est prononcé par le tribunal de commerce pour les entreprises commerciales et artisanales, ou par le tribunal judiciaire pour les professions libérales et les agriculteurs, après avoir entendu le dirigeant de l'entreprise et, le cas échéant, le représentant du personnel. Ce jugement marque le début officiel de la procédure de liquidation judiciaire. Selon l'article L.641-1 du Code de commerce, cette décision entraîne plusieurs conséquences immédiates :

  • Cessation des activités de l'entreprise : Sauf dérogation expressément autorisée par le juge pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, l'entreprise doit cesser toutes ses opérations commerciales et industrielles. Cette cessation vise à protéger les créanciers et à éviter l'aggravation du passif.
  • Gel des poursuites individuelles : Les créanciers ne peuvent plus engager de poursuites individuelles contre l'entreprise pour recouvrer leurs créances. Toutes les actions doivent désormais passer par la procédure collective sous la supervision du liquidateur judiciaire.
2. Nomination d'un liquidateur judiciaire

La nomination d'un liquidateur judiciaire est une étape clé dans la procédure de liquidation. Le tribunal désigne un liquidateur judiciaire parmi les mandataires judiciaires inscrits sur la liste nationale établie par le ministère de la Justice. Conformément aux articles L.641-4 et L.642-1 du Code de commerce, le liquidateur a pour missions principales :

  • Gérer l'entreprise durant la liquidation : Il prend le relais du dirigeant pour toutes les opérations relatives à la gestion de l'entreprise, y compris la décision de licencier les salariés si nécessaire.
  • Vendre les actifs : Le liquidateur est chargé de vendre les actifs de l'entreprise, soit de manière globale (vente de l'entreprise dans son ensemble), soit de manière séparée (vente des biens individuels). Cette vente vise à recueillir des fonds pour payer les créanciers.
  • Recouvrer les créances : Il procède au recouvrement des créances dues à l'entreprise et peut engager des actions en justice si nécessaire pour recouvrer ces sommes.
  • Payer les créanciers : Les créanciers sont payés selon un ordre de priorité défini par la loi, qui prend en compte la nature des créances et les garanties dont elles sont assorties (salaires, frais de justice, dettes fiscales, créances privilégiées, etc.).
3. Nomination d'un juge-commissaire

Le juge-commissaire est un magistrat désigné par le tribunal pour superviser le déroulement de la procédure de liquidation judiciaire. Son rôle, tel que prévu par l'article L.621-9 du Code de commerce, est de :

  • Assurer la rapidité et l'efficacité de la procédure : Il veille à ce que la liquidation se déroule dans des délais raisonnables et sans obstacle inutile.
  • Protéger les intérêts des parties : Le juge-commissaire veille à la protection des droits des créanciers, des salariés, et de l'entreprise elle-même. Il contrôle les actions du liquidateur et prend les décisions nécessaires pour le bon déroulement de la liquidation.
4. Clôture de la liquidation judiciaire

La clôture de la liquidation judiciaire marque la fin de la procédure. Selon l'article L.643-9 du Code de commerce, le tribunal peut prononcer la clôture pour deux motifs principaux :

  • Extinction du passif : La liquidation judiciaire est clôturée pour extinction du passif lorsque tous les créanciers ont été désintéressés, c'est-à-dire que toutes les dettes ont été payées grâce à la vente des actifs de l'entreprise.
  • Insuffisance d'actifs : La procédure peut également être clôturée pour insuffisance d'actifs lorsque les biens de l'entreprise ne suffisent pas à rembourser toutes les dettes. Dans ce cas, les créanciers ne peuvent plus réclamer leurs créances à l'entreprise, sauf s'il est prouvé qu'il y a eu fraude ou faute de gestion de la part des dirigeants.

Quelles sont les conséquences d'une liquidation judiciaire ?

Les conséquences de la liquidation judiciaire dépendent des différentes étapes de la procédure :

Conséquences de l'ouverture

L'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire entraîne plusieurs effets immédiats sur l'entreprise, tels que :

  • Cessation immédiate des activités : Sauf autorisation exceptionnelle du tribunal, l'entreprise doit cesser toutes ses activités commerciales.
  • Arrêt des poursuites individuelles : Les créanciers ne peuvent plus poursuivre individuellement l'entreprise pour le recouvrement de leurs créances. Toutes les actions en justice doivent désormais passer par le cadre collectif de la liquidation judiciaire.
  • Exigibilité des créances : Toutes les dettes de l'entreprise deviennent immédiatement exigibles. Cela signifie que l'entreprise doit régler toutes ses dettes, même celles qui ne sont pas encore arrivées à échéance.
Conséquences de la clôture

Une fois la liquidation judiciaire clôturée, les effets suivants s'appliquent :

  • Dissolution de l'entreprise : L'entreprise est officiellement dissoute et radiée du Registre du commerce et des sociétés (RCS). Elle cesse d'exister en tant que personne morale.
  • Extinction des poursuites : Les créanciers ne peuvent plus poursuivre l'entreprise pour les dettes non remboursées, sauf en cas de fraude ou de faute de gestion grave avérée.

Conclusion

La liquidation judiciaire est une procédure complexe qui marque la fin d'une entreprise en difficulté. Pour ceux qui se retrouvent dans cette situation, il est essentiel de bien comprendre chaque étape et ses implications pour protéger au mieux leurs intérêts. Besoin de conseils personnalisés ou d'un accompagnement juridique ? Consultez notre équipe d'experts sur defendstesdroits.fr pour obtenir l'assistance dont vous avez besoin.

FAQ

Quelle est la différence entre la liquidation judiciaire et le redressement judiciaire ?

La liquidation judiciaire et le redressement judiciaire sont deux procédures collectives pour les entreprises en difficulté, mais elles ont des objectifs distincts. La liquidation judiciaire vise à mettre fin définitivement à l'activité de l'entreprise, vendre ses actifs et rembourser les créanciers autant que possible. Le redressement judiciaire, en revanche, cherche à permettre la continuation de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif, sous réserve que l'entreprise puisse encore se redresser.

Quelles sont les responsabilités du dirigeant d'une entreprise en liquidation judiciaire ?

Le dirigeant doit cesser toute activité et coopérer avec le liquidateur judiciaire, en fournissant tous les documents nécessaires comme les livres de comptes et les états financiers. Il doit répondre à toutes les questions sur la gestion de l'entreprise. En cas de faute de gestion avérée, le dirigeant peut être tenu personnellement responsable des dettes de l'entreprise, et des sanctions civiles et pénales peuvent être appliquées.

Qu'est-ce qu'une liquidation judiciaire simplifiée et quelles sont ses conditions d'application ?

La liquidation judiciaire simplifiée est une procédure allégée pour les petites entreprises où la liquidation classique serait trop longue et coûteuse. Pour être éligible, l'entreprise ne doit pas posséder de biens immobiliers, n'avoir employé plus d'un salarié au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure, et son chiffre d'affaires ne doit pas dépasser 300 000 € hors taxes. Cette procédure doit se terminer dans un délai de 12 mois maximum, sauf en cas de prolongation exceptionnelle.

Comment les créanciers peuvent-ils récupérer leurs créances après une liquidation judiciaire ?

Les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès du liquidateur judiciaire dans un délai de deux mois à partir de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC). Les créances sont ensuite classées par ordre de priorité selon la nature des dettes et les garanties associées. Les créances salariales, par exemple, sont prioritaires et sont réglées en premier. Cependant, il est rare que tous les créanciers soient entièrement remboursés, surtout en cas d’insuffisance d’actifs.

Peut-on relancer une activité après une liquidation judiciaire ?

Il est possible de relancer une activité après une liquidation judiciaire, mais sous certaines conditions. Un dirigeant peut créer une nouvelle entreprise ou reprendre une autre, à condition de ne pas avoir été frappé d'une interdiction de gérer ou d'autres sanctions. Il est crucial d'analyser les causes de la liquidation précédente et de mettre en place des mesures pour éviter de reproduire les mêmes erreurs. Certaines limitations peuvent s'appliquer, surtout si la liquidation a été causée par des fautes de gestion graves ou une fraude.

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