Rétrogradation au travail : Quels sont vos droits et recours ?

Jordan Alvarez
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Rétrogradation non justifiée : Comment réagir et saisir le Conseil de prud’hommes

La rétrogradation au travail est une sanction qui consiste à abaisser la position hiérarchique d’un salarié dans une entreprise, accompagnée d'une réduction de salaire et d'une perte de responsabilités.

Étant une mesure lourde de conséquences pour le salarié, elle est strictement encadrée par le droit du travail. L’employeur ne peut pas imposer une rétrogradation sans respecter certaines procédures et sans l'accord du salarié. Cet article détaille les recours possibles pour le salarié face à une rétrogradation.

Qu'est-ce que la rétrogradation au travail ?

La rétrogradation est une sanction disciplinaire qui se traduit par une modification importante du contrat de travail, incluant souvent :

  • Une réduction de salaire.
  • Un changement de poste ou de niveau hiérarchique.
  • Une perte de responsabilités.

En tant que sanction disciplinaire, elle doit être justifiée par une faute commise par le salarié ou une insuffisance professionnelle. Si elle n'est pas justifiée par des raisons valables, la rétrogradation peut être considérée comme une sanction pécuniaire, ce qui est interdit par l'article L1331-2 du Code du travail.

Attention à la sanction pécuniaire déguisée

Toute rétrogradation qui entraîne une simple baisse de salaire sans changement de fonction ou de responsabilités peut être considérée comme une sanction pécuniaire, ce qui est illégal. La Cour de cassation a confirmé cette interprétation dans une décision du 23 février 1994 (pourvoi n° 90-45001), interdisant ainsi les rétrogradations qui ne sont motivées que par une réduction de la rémunération du salarié.

La procédure de rétrogradation : Ce que dit la loi

La rétrogradation, bien qu'elle constitue une sanction disciplinaire, ne peut être décidée de manière unilatérale par l’employeur. Cette sanction, qui a des conséquences importantes sur la carrière et la rémunération du salarié, doit respecter une procédure strictement encadrée par le Code du travail. En cas de non-respect de cette procédure, la rétrogradation peut être annulée par le juge. Voici les étapes clés qui encadrent la rétrogradation.

Le règlement intérieur de l’entreprise

Pour qu’un employeur puisse légalement rétrograder un salarié, cette sanction doit être prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise, à condition que l’entreprise compte plus de 20 salariés. Selon l'article L1321-1 du Code du travail, le règlement intérieur est un document qui définit les sanctions applicables au sein de l'entreprise, notamment les avertissements, mises à pied, et rétrogradations.

Le règlement intérieur doit mentionner expressément la rétrogradation en tant que sanction disciplinaire. Si ce n’est pas le cas, l’employeur ne peut pas appliquer cette sanction, même si le salarié accepte la rétrogradation. Dans ce cas, si l’employeur l’impose malgré tout, la rétrogradation sera considérée comme nulle et non avenue. Ainsi, il est essentiel que l'employeur vérifie que le règlement intérieur prévoit bien la possibilité de recourir à cette mesure avant d'engager la procédure.

De plus, l’article L1321-4 du Code du travail précise que le règlement intérieur doit être porté à la connaissance des salariés et des représentants du personnel. Il doit être consultable par tous et faire l'objet d'un affichage dans les locaux de l'entreprise, ainsi que d'une validation par l'inspection du travail.

L'entretien préalable à la rétrogradation

Avant toute décision de rétrogradation, l’employeur est tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable, conformément à l’article L1332-2 du Code du travail. Cet entretien permet au salarié de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés avant que l’employeur ne décide d'une sanction. L'objectif est de respecter le principe du contradictoire, garantissant au salarié un droit à la défense.

Convocation à l'entretien

La convocation à cet entretien doit être formalisée par un courrier recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Ce courrier doit mentionner clairement :

  • L’objet de l’entretien (c’est-à-dire l’examen de la sanction disciplinaire).
  • La date, l’heure et le lieu de l’entretien.
  • Le droit du salarié de se faire assister par une personne de son choix, soit un délégué du personnel, soit un autre salarié, en fonction des règles applicables dans l’entreprise.

Il est important de noter que la convocation n’a pas besoin de préciser la nature de la sanction envisagée. L’employeur peut se limiter à indiquer que des mesures disciplinaires seront discutées.

Tenue de l’entretien

Lors de l’entretien, l'employeur expose les griefs faits au salarié, qui dispose alors de l’opportunité de se défendre et de donner sa version des faits. Le salarié peut s’appuyer sur son assistant pour clarifier certains points ou proposer des éléments de défense supplémentaires. Cet entretien est une étape cruciale, car une rétrogradation décidée sans respect de cette formalité peut être jugée irrégulière par le Conseil de prud’hommes.

Notification de la sanction de rétrogradation

Après l’entretien, l’employeur dispose d’un délai de réflexion avant de notifier sa décision. En vertu de l’article L1332-2 du Code du travail, l’employeur doit attendre au moins 2 jours ouvrables après l’entretien pour notifier la rétrogradation au salarié, mais il ne peut dépasser 1 mois après l’entretien. Cette notification doit être faite par courrier recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre.

Délai de notification

Le non-respect de ces délais peut rendre la rétrogradation nulle. Si l’employeur agit trop vite (moins de 2 jours après l’entretien) ou tarde trop longtemps (plus d’un mois après l’entretien), la sanction pourra être annulée par un juge.

Le courrier de notification doit contenir :

  • La décision de rétrogradation.
  • Les motifs détaillés de la sanction.
  • L'information que le salarié a le droit de refuser la rétrogradation.

Le salarié peut refuser la rétrogradation

Contrairement à d'autres sanctions, la rétrogradation entraîne une modification du contrat de travail. Elle affecte le poste et la rémunération du salarié, modifiant ainsi ses conditions essentielles de travail. Pour cette raison, la jurisprudence impose que le salarié donne son accord explicite pour qu'une rétrogradation soit appliquée. Cela a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 avril 2001 (pourvoi n° 99-41681).

Accord écrit obligatoire

Si le salarié accepte la rétrogradation, cet accord doit être formalisé par un écrit : soit par un avenant au contrat de travail, soit par une autre forme de document écrit attestant de l'accord mutuel. Cet écrit permet d’éviter toute contestation future de la part du salarié. À défaut de cet écrit, le salarié pourra toujours revendiquer ses anciennes fonctions et son salaire d'origine, et porter l’affaire devant le Conseil de prud’hommes.

Silence du salarié

Le silence du salarié ne vaut pas acceptation de la rétrogradation. La Cour de cassation (arrêt du 1er avril 2003, pourvoi n°01-40389) a précisé que même si le salarié continue à travailler dans son nouveau poste avec des conditions modifiées, cela ne signifie pas qu’il accepte implicitement la rétrogradation. L'employeur doit obtenir un accord explicite et écrit. En cas de silence du salarié, celui-ci conserve la possibilité de refuser la rétrogradation.

Que se passe-t-il en cas de refus de la rétrogradation ?

Le salarié a le droit de refuser une rétrogradation, car celle-ci entraîne une modification du contrat de travail, affectant à la fois la rémunération et les responsabilités. Un tel refus ne constitue pas une faute en soi, et l’employeur doit alors envisager d’autres sanctions pour répondre aux manquements reprochés.

Choix d'une nouvelle sanction

Si le salarié refuse la rétrogradation, l'employeur a plusieurs options :

  1. Sanctions moins sévères : L'employeur peut choisir de réduire l’intensité de la sanction, en optant pour des mesures disciplinaires moins graves, comme :
    • Un avertissement : Il s'agit d'une simple notification écrite des manquements du salarié, sans impact direct sur son poste ou sa rémunération.
    • Une mise à pied disciplinaire : Cette mesure consiste à suspendre temporairement le contrat de travail sans rémunération. Elle doit être limitée dans le temps et proportionnée à la faute reprochée.
  2. Sanction plus grave : Si les faits reprochés au salarié sont suffisamment graves, l'employeur peut envisager un licenciement pour faute. Ce licenciement doit être justifié par des faits précis, liés à la faute initiale qui avait motivé la rétrogradation.

Cependant, il est essentiel de noter que le refus de la rétrogradation ne peut pas, à lui seul, justifier un licenciement. Cela a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 février 2009 (pourvoi n° 06-45897). En d'autres termes, si le salarié refuse la rétrogradation, l'employeur doit justifier le licenciement par la faute initiale, et non par le refus de la rétrogradation.

Procédure en cas de nouvelle sanction

Si l’employeur choisit de prononcer une nouvelle sanction, il doit suivre à nouveau la procédure disciplinaire, en conformité avec les articles L1332-1 et suivants du Code du travail.

  • Nouvel entretien préalable : Avant toute nouvelle sanction (sauf pour un avertissement), l'employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable. La procédure est identique à celle de la première convocation, avec l'obligation pour l'employeur de détailler les griefs reprochés et de permettre au salarié de se défendre.
  • Notification de la nouvelle sanction : Une fois l’entretien réalisé, l’employeur doit notifier au salarié sa décision, en indiquant clairement les motifs de la sanction. Ce courrier doit être distinct de celui relatif à la rétrogradation initiale. Si l’employeur se contente de renvoyer aux motifs déjà invoqués pour la rétrogradation sans fournir de nouvelle explication, cela pourrait constituer une absence de motivation, entraînant la nullité de la sanction (arrêt du 29 mai 1997, pourvoi n° 94-44119).

Quels sont les recours du salarié en cas de rétrogradation imposée ?

Si l'employeur impose une rétrogradation sans l'accord du salarié, celui-ci dispose de plusieurs recours pour contester cette décision.

1. Saisir le Conseil de prud’hommes

Le premier recours du salarié est de saisir le Conseil de prud’hommes. Ce tribunal est compétent pour juger les litiges individuels liés au travail. Le salarié peut demander l’annulation de la rétrogradation si celle-ci a été imposée sans son consentement. Dans ce cas, plusieurs options s’offrent à lui :

  • Réintégration à son poste initial : Le salarié peut exiger d'être réintégré à son poste d’origine, avec le maintien de sa rémunération et de ses responsabilités antérieures. Le tribunal pourra ordonner à l’employeur de rétablir la situation initiale.
  • Dommages et intérêts : Le salarié peut également demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi, en particulier si la rétrogradation a entraîné une baisse de salaire ou une perte de responsabilités. Le juge pourra estimer que l’employeur a procédé à une modification unilatérale du contrat de travail, ce qui est illégal sans l’accord du salarié.

2. Demander la résiliation judiciaire du contrat

Si la rétrogradation impose au salarié des conditions de travail dégradées, il peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Cela signifie que le salarié demande au tribunal de constater que les actions de l’employeur rendent la poursuite du contrat impossible. Si cette résiliation est prononcée, elle équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant ainsi droit à des indemnités de licenciement et à des dommages et intérêts.

Ce recours est particulièrement utile lorsque la rétrogradation entraîne une baisse substantielle du salaire, des responsabilités ou une dévalorisation professionnelle, rendant les conditions de travail inacceptables pour le salarié.

3. Contestation pour licenciement abusif

Si, après le refus de la rétrogradation, l'employeur choisit de licencier le salarié pour faute, ce dernier peut contester le licenciement devant le Conseil de prud’hommes. Si le juge estime que la faute reprochée n'est pas suffisamment grave pour justifier un licenciement, il peut requalifier le licenciement en licenciement abusif.

Dans ce cas, le salarié pourra obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’indemnisation sera calculée en fonction de l'ancienneté du salarié, de son salaire et du préjudice subi.

Conclusion

La rétrogradation est une sanction lourde de conséquences qui doit être encadrée de manière stricte par la loi. L’employeur ne peut pas imposer cette mesure sans respecter la procédure disciplinaire ni sans l'accord du salarié. Si vous êtes confronté à une rétrogradation non justifiée ou imposée de manière unilatérale, il est essentiel de connaître vos droits et de recourir aux juridictions compétentes pour faire valoir vos recours.

FAQ :

1. Une rétrogradation peut-elle être imposée sans consultation préalable ?

Non, une rétrogradation ne peut pas être imposée sans consultation préalable. L’employeur est tenu par la loi de convoquer le salarié à un entretien préalable pour discuter des faits qui lui sont reprochés (article L1332-2 du Code du travail). Cet entretien est essentiel car il permet au salarié de se défendre, d’exposer sa version des faits et de contester les accusations. Si l’employeur ne respecte pas cette procédure, notamment s'il ne convoque pas le salarié ou ne laisse pas ce dernier s’exprimer, la rétrogradation peut être annulée par le Conseil de prud’hommes. Le non-respect de cette obligation de dialogue constitue une violation des droits du salarié.

2. Quel impact a la rétrogradation sur les avantages sociaux (primes, ancienneté) ?

Une rétrogradation peut affecter de manière significative certains avantages sociaux du salarié, tels que les primes liées à la fonction (primes de responsabilité, de rendement, etc.) et les avantages liés à l'ancienneté. Par exemple, une rétrogradation qui entraîne un changement de poste ou de niveau hiérarchique peut avoir pour conséquence une diminution des primes ou des bonus qui étaient accordés en fonction du poste précédent. De plus, la progression salariale ou les augmentations liées à l’ancienneté peuvent également être impactées si le nouveau poste ne permet pas de bénéficier des mêmes conditions. Ces conséquences doivent être clairement expliquées au salarié lors de l'entretien préalable.

3. Quelle est la différence entre une rétrogradation disciplinaire et une mutation ?

La rétrogradation disciplinaire est une sanction infligée à un salarié en raison d’une faute, entraînant une baisse de poste et/ou de rémunération. Elle est généralement utilisée pour sanctionner des comportements jugés inappropriés ou une insuffisance professionnelle. À l'inverse, une mutation peut être imposée sans lien avec une faute, dans le cadre d’un changement organisationnel, par exemple, ou pour des raisons économiques. En d’autres termes, la mutation consiste à transférer un salarié à un autre poste ou lieu, sans nécessairement affecter son niveau hiérarchique ou sa rémunération. Cependant, il existe aussi des mutations disciplinaires, mais celles-ci ne doivent pas obligatoirement impliquer une perte financière ou de statut comme c’est le cas avec la rétrogradation.

4. La rétrogradation peut-elle être utilisée pour remplacer un licenciement ?

Oui, dans certaines situations, l’employeur peut choisir de proposer une rétrogradation comme alternative au licenciement, particulièrement lorsque la faute reprochée n’est pas suffisamment grave pour justifier un renvoi. C'est souvent utilisé comme un compromis permettant au salarié de conserver son emploi, mais avec des responsabilités moindres ou une rémunération réduite. Cela permet aussi à l’employeur de conserver un salarié tout en lui envoyant un avertissement fort sur son comportement ou sa performance. Toutefois, la rétrogradation ne peut se faire sans l’accord écrit du salarié, car elle modifie le contrat de travail. En revanche, si la faute est jugée suffisamment grave, l’employeur peut directement procéder à un licenciement pour faute.

5. Que faire si l’employeur ne respecte pas les règles de rétrogradation ?

Si l’employeur n’applique pas correctement la procédure de rétrogradation ou impose cette sanction sans le consentement du salarié, ce dernier dispose de plusieurs recours juridiques. Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes pour contester la décision. En fonction de la situation, il peut demander :

  • L’annulation de la rétrogradation : Le salarié peut exiger d’être réintégré à son poste initial avec sa rémunération et ses responsabilités d'origine.
  • Des dommages et intérêts : Si la rétrogradation a entraîné une baisse de salaire ou un préjudice moral ou professionnel, le salarié peut demander une compensation financière.

Le salarié doit réunir des preuves solides pour soutenir sa contestation, telles que les courriers échangés, la notification de la rétrogradation et tout document prouvant que la procédure n’a pas été respectée (par exemple, l’absence d’entretien préalable ou d’accord écrit). Le Conseil de prud’hommes est l'instance compétente pour trancher ce type de litige.

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