Demande de libération conditionnelle : comment ça marche ?

Francois Hagege
Fondateur
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Comment faire une demande de libération conditionnelle ?

En France, la libération conditionnelle est une mesure qui permet à une personne condamnée de sortir de prison avant d'avoir purgé la totalité de sa peine, sous certaines conditions. Cette possibilité est encadrée par les articles 729 et suivants du Code de procédure pénale, qui définissent les critères et les procédures à respecter pour en bénéficier. Cet article explique en détail les conditions requises pour demander une libération conditionnelle, la procédure à suivre, les mesures de suivi après la libération, et les recours possibles en cas de refus.

Qu'est-ce que la libération conditionnelle ?

La libération conditionnelle est une mesure d'aménagement de peine qui permet à une personne condamnée d'exécuter le restant de sa peine en dehors de la prison, sous certaines conditions.

Cette mesure est prévue par les articles 729 et suivants du Code de procédure pénale. Elle a pour objectif de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des détenus, tout en minimisant les risques de récidive.

La libération conditionnelle repose sur l'idée que la réhabilitation du condamné est plus efficace lorsqu'elle se fait dans un environnement libre mais encadré, plutôt que par une détention prolongée.

Pour qu'une demande de libération conditionnelle soit accordée, plusieurs critères doivent être remplis. Ces critères tiennent compte à la fois de la personnalité et du comportement du détenu, ainsi que de la durée de peine restant à exécuter. Cette mesure est également soutenue par une jurisprudence qui précise et encadre ses modalités d'application.

Conditions pour bénéficier d'une libération conditionnelle

Les conditions pour bénéficier d'une libération conditionnelle sont clairement définies par l'article 729 du Code de procédure pénale.

Elles peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs, tels que la nature de la peine, la situation de récidive, et les efforts de réinsertion du détenu.

Durée de la peine restante à exécuter : Selon l'article 729, une personne condamnée peut solliciter une libération conditionnelle lorsqu'elle a exécuté au moins la moitié de sa peine d'emprisonnement.

Ce laps de temps est désigné sous le terme de "délai d'épreuve". Pour les personnes en état de récidive légale, ce délai est plus sévère : elles doivent avoir purgé au moins les deux tiers de leur peine avant de pouvoir faire une demande de libération conditionnelle.

Ce critère a été réaffirmé par la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans l'arrêt Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-85.105, qui a validé l'application stricte de ces délais en cas de récidive.

En outre, si une période de sûreté a été fixée par le tribunal lors de la condamnation, la libération conditionnelle ne peut être sollicitée avant la fin de cette période. La période de sûreté est une période durant laquelle le condamné n’est pas éligible à certains aménagements de peine, et son respect est essentiel dans l’évaluation des demandes de libération conditionnelle.

Efforts de réinsertion : Le demandeur de la libération conditionnelle doit démontrer des signes sérieux de réinsertion. Cela inclut des initiatives concrètes pour préparer sa sortie et sa réintégration dans la société.

Les articles 730-2 et suivants du Code de procédure pénale précisent que le détenu doit, par exemple, justifier de projets professionnels solides tels que la participation à des stages, des formations, ou l'obtention d'un emploi.

La participation active à la vie familiale, notamment en contribuant à l'éducation de jeunes enfants, est également un facteur favorable. Ces conditions sont renforcées par l'obligation de faire des efforts pour indemniser les victimes, montrant ainsi un engagement à réparer le préjudice causé, ce qui est crucial pour l'évaluation par le juge de l’application des peines.

La jurisprudence a également renforcé ces critères de réinsertion. Par exemple, dans l'arrêt Cass. crim., 9 juillet 2015, n° 15-80.759, la Cour de cassation a annulé une décision de libération conditionnelle au motif que les projets de réinsertion présentés par le détenu étaient insuffisants et mal définis, soulignant l’importance de l’engagement et de la préparation en amont de la demande.

Procédure pour demander une libération conditionnelle

La demande de libération conditionnelle est un processus encadré par le Code de procédure pénale, qui doit être effectué auprès de l'autorité compétente en fonction de la situation du condamné et de la durée restante de la peine. Cette procédure est détaillée dans les articles 730 et suivants du Code de procédure pénale. Voici comment elle est structurée :

  1. Juge d'application des peines (JAP) : Le Juge d'application des peines est généralement saisi pour les peines courtes ou lorsque le condamné remplit rapidement les conditions nécessaires à une libération conditionnelle. Selon l'article 712-7 du Code de procédure pénale, le JAP est compétent pour examiner les demandes de libération conditionnelle lorsque la durée de la peine restant à exécuter est inférieure à trois ans. Le JAP peut également intervenir pour des condamnés qui ont démontré un comportement exemplaire en détention et qui présentent des garanties sérieuses de réinsertion.
  2. Tribunal d'application des peines (TAP) : Le Tribunal d'application des peines est compétent pour examiner les demandes de libération conditionnelle dans les cas plus complexes, notamment pour les peines plus longues ou lorsque la situation du condamné nécessite une évaluation plus approfondie. Conformément à l'article 712-1 du Code de procédure pénale, le TAP est saisi lorsque la peine restante à purger est supérieure à trois ans ou lorsque des décisions antérieures de libération conditionnelle ont été révoquées. Ce tribunal est composé de plusieurs magistrats, ce qui permet une évaluation collégiale des demandes.
  3. Juge des enfants : Pour les mineurs ou les majeurs de moins de 21 ans, les demandes de libération conditionnelle sont traitées par le juge des enfants. Selon les articles 713-47 et suivants du Code de procédure pénale, le juge des enfants est compétent pour les mineurs, en tenant compte de la spécificité de leur situation, de leur âge, et des mesures éducatives adaptées à leur réinsertion. Cette juridiction spécialisée veille à ce que les décisions prises soient en adéquation avec l’intérêt supérieur de l’enfant.

Déroulement de la procédure

Une fois la demande déposée, la procédure suit plusieurs étapes :

  • Instruction de la demande : Le condamné est entendu par le juge ou le tribunal compétent. Durant cette audition, il peut être assisté par un avocat, ce qui est fortement recommandé pour garantir que ses droits soient respectés et que sa situation soit présentée de manière optimale. Le rôle de l’avocat est de fournir des éléments en faveur de la réinsertion du condamné et de démontrer que les conditions légales de la libération conditionnelle sont remplies.
  • Évaluation des critères de réinsertion : L'autorité judiciaire examine la demande en tenant compte de plusieurs critères essentiels : les efforts de réinsertion du condamné (tels que l’engagement dans des formations, le travail ou la participation à des programmes de réhabilitation), les risques potentiels pour la société, et les garanties de respect des obligations qui seraient imposées en cas de libération. Selon l'article 730-3 du Code de procédure pénale, l’évaluation porte également sur l’avis de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) en milieu fermé et des services de probation.
  • Décision : Après avoir évalué tous les éléments, le juge ou le tribunal rend sa décision. Si la demande est acceptée, une ordonnance de libération conditionnelle est émise, assortie de conditions spécifiques que le condamné devra respecter, telles que l’obligation de trouver un emploi, de se soumettre à des soins médicaux, ou de ne pas entrer en contact avec certaines personnes. Si la demande est rejetée, le condamné peut faire appel de cette décision, comme le prévoit l’article 712-6 du Code de procédure pénale.
  • Notification et mise en œuvre : Une fois la décision prise, elle est notifiée au condamné et aux parties concernées. Si la libération conditionnelle est accordée, le condamné est libéré et commence à être suivi par les services de probation. Ce suivi est crucial pour s'assurer que le condamné respecte les conditions de sa libération et pour l'aider dans sa réinsertion sociale.

Mesures de suivi après une libération conditionnelle

Une fois la libération conditionnelle accordée, le condamné ne recouvre pas une liberté totale mais demeure sous la supervision et le contrôle du juge d'application des peines (JAP) et d'un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP). Le suivi post-libération est strictement encadré par les articles 731 et suivants du Code de procédure pénale et vise à assurer la réinsertion réussie du condamné tout en protégeant la société contre les risques de récidive. Les mesures de suivi peuvent inclure plusieurs obligations, qui sont adaptées aux besoins spécifiques du condamné et à la gravité de l'infraction commise.

  1. Obligations de travail ou de formation : Le condamné libéré sous condition peut être tenu de trouver un emploi, suivre une formation professionnelle ou participer à des activités de réinsertion. Ces obligations, définies par les articles 731-1 et 732 du Code de procédure pénale, ont pour but de favoriser l'intégration socio-professionnelle du condamné. Elles peuvent inclure la recherche active d'emploi, l'inscription à des cours ou des formations, et la participation à des programmes de travail communautaire. Ces activités sont considérées comme essentielles pour réduire le risque de récidive en aidant le condamné à réintégrer la société de manière constructive.
  2. Suivi thérapeutique : Selon l'article 731-1 du Code de procédure pénale, le condamné peut également être obligé de suivre des soins médicaux, psychologiques ou de désintoxication en fonction de ses besoins. Cette obligation est particulièrement pertinente pour les personnes ayant des antécédents de toxicomanie ou des troubles mentaux. Le suivi thérapeutique vise à traiter les problèmes sous-jacents qui ont pu contribuer à la commission de l'infraction, en offrant un soutien et un encadrement adaptés pour éviter la rechute.
  3. Restrictions de déplacement et contacts : Pour garantir la sécurité publique et prévenir toute interaction nuisible, des limitations peuvent être imposées sur les déplacements du condamné, ainsi que sur ses contacts avec certaines personnes. En vertu des articles 731-2 et 731-3 du Code de procédure pénale, le condamné peut se voir interdire de se rendre dans certains lieux ou d'entrer en contact avec les victimes de l'infraction, les complices ou toute autre personne que le juge estime nécessaire de protéger. Ces restrictions sont conçues pour minimiser les risques de récidive et pour protéger les individus potentiellement vulnérables.
  4. Surveillance électronique mobile : Dans certains cas, et conformément à l'article 132-26-1 du Code pénal, le condamné peut être placé sous surveillance électronique mobile pour garantir le respect des conditions de libération. Cette mesure permet de suivre en temps réel les déplacements du condamné et d'assurer qu'il ne viole pas les restrictions de déplacement imposées par le tribunal. Le bracelet électronique est une méthode efficace pour s'assurer du respect des obligations fixées tout en permettant au condamné de vivre en dehors de la prison.

Conséquences du non-respect des obligations

Le non-respect des obligations imposées dans le cadre d'une libération conditionnelle peut entraîner des conséquences graves, notamment la révocation de la mesure et un retour en détention pour purger le reste de la peine.

Selon les articles 733 et 734 du Code de procédure pénale, le juge d'application des peines peut décider de révoquer la libération conditionnelle si le condamné manque à ses obligations, commet une nouvelle infraction ou représente une menace pour la société.

La décision de révocation est prise après une évaluation minutieuse des faits et des circonstances entourant la violation des conditions, et peut inclure une audience où le condamné a le droit de se défendre.

Recours en cas de rejet d'une demande de libération conditionnelle

Lorsqu'une demande de libération conditionnelle est rejetée, le condamné ne se trouve pas sans recours.

La législation prévoit plusieurs étapes de contestation pour permettre au condamné de défendre ses droits et de contester une décision qu’il juge injustifiée. Ces procédures de recours sont encadrées par le Code de procédure pénale, notamment les articles 712-14 et suivants.

  1. Appel de la décision de rejet : Si la demande de libération conditionnelle est refusée par le juge d'application des peines (JAP) ou le tribunal d'application des peines (TAP), le condamné a le droit de faire appel de cette décision. Conformément à l'article 712-14 du Code de procédure pénale, l'appel doit être formé dans un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision. Ce délai de dix jours francs signifie que les jours fériés et les dimanches ne sont pas comptabilisés, ce qui donne au condamné une période légèrement prolongée pour organiser sa défense et préparer son appel.
  2. L'appel est examiné par la chambre d'application des peines de la cour d'appel compétente. Cette juridiction spécialisée revoit les éléments de la décision initiale, prend en compte de nouvelles preuves ou arguments, et évalue si les critères légaux pour une libération conditionnelle sont effectivement remplis. Durant cette procédure, le condamné peut être représenté par un avocat, qui pourra plaider en sa faveur et tenter de démontrer que le refus initial n’était pas justifié.
  3. Pourvoi en cassation : Si la chambre d'application des peines rejette également l'appel, le condamné a la possibilité de se pourvoir en cassation. Le pourvoi en cassation est une procédure exceptionnelle qui permet de contester une décision judiciaire définitive en se fondant sur la violation de la loi ou un vice de procédure. Ce recours est encadré par l'article 567 du Code de procédure pénale.
  4. Le pourvoi en cassation doit être introduit dans un délai de cinq jours francs à compter de la notification de la décision de la cour d'appel. La Cour de cassation, en tant que juridiction suprême, ne réexamine pas les faits de l'affaire, mais vérifie que la loi a été correctement appliquée et que les droits du condamné ont été respectés tout au long de la procédure. Si la Cour de cassation constate une erreur de droit, elle peut casser et annuler la décision de la cour d'appel, renvoyer l'affaire devant une autre cour d'appel pour qu'elle soit réexaminée, ou dans certains cas, statuer elle-même sur le fond.

Points importants à retenir pour le recours

  • Délai strict de recours : Les délais pour faire appel ou se pourvoir en cassation sont extrêmement courts (dix jours francs pour l'appel et cinq jours francs pour le pourvoi en cassation). Il est donc crucial que le condamné ou son avocat agisse rapidement pour déposer le recours en temps voulu.
  • Assistance juridique : Il est fortement recommandé d'être assisté par un avocat tout au long de la procédure de recours. Un avocat expérimenté en droit pénal pourra conseiller le condamné sur les meilleures stratégies à adopter, préparer les arguments juridiques nécessaires, et veiller à ce que tous les documents soient déposés correctement et dans les délais impartis.
  • Nature des décisions en cassation : Il est important de comprendre que la Cour de cassation ne juge pas à nouveau l’affaire sur le fond. Elle se limite à examiner les questions de droit. Par conséquent, les chances de succès en cassation dépendent largement de la capacité à identifier une erreur de droit commise par les juges précédents.

FAQ :

Quels facteurs augmentent les chances d'obtenir une libération conditionnelle ?

Pour augmenter les chances d’obtenir une libération conditionnelle, il est essentiel de démontrer un comportement exemplaire en détention, incluant la participation active à des programmes de réinsertion, comme des formations professionnelles ou des activités de travail en prison. Le condamné doit aussi prouver son engagement dans la réhabilitation, par exemple, en suivant un traitement thérapeutique ou en participant à des activités de bénévolat. Les témoignages de bonne conduite, les rapports favorables des conseillers d’insertion et la préparation d’un projet de réinsertion solide (logement stable, emploi ou stage prévu à la sortie) sont également des éléments importants qui peuvent jouer en faveur de la libération conditionnelle.

Quelles sont les conditions spécifiques pour les détenus étrangers en matière de libération conditionnelle ?

Les détenus étrangers peuvent également demander une libération conditionnelle, mais ils doivent remplir les mêmes critères que les détenus français. Cependant, pour les détenus étrangers sans titre de séjour en France, une libération conditionnelle peut inclure une condition de quitter le territoire français. Les autorités peuvent également tenir compte de la situation légale du détenu par rapport à son pays d’origine et des accords bilatéraux entre la France et ce pays. La régularisation de leur situation administrative avant la libération peut être un facteur favorable à l’octroi de la libération conditionnelle.

Comment se déroule l’audience de libération conditionnelle ?

L’audience de libération conditionnelle se déroule devant le juge d’application des peines ou le tribunal d’application des peines, selon la situation. Lors de l’audience, le condamné est invité à présenter sa demande, souvent avec l'assistance de son avocat. Le juge ou le tribunal examine les rapports du personnel pénitentiaire, les avis des conseillers d'insertion, et tout autre document pertinent, tels que des certificats médicaux ou des preuves d’engagement dans des programmes de réhabilitation. Le condamné peut également être questionné sur ses projets de réinsertion, son plan pour éviter la récidive, et ses intentions de respecter les conditions de libération. Les victimes ou leurs représentants peuvent également être entendus si elles le souhaitent.

Quels sont les droits des victimes dans le processus de libération conditionnelle ?

Les victimes d'une infraction peuvent jouer un rôle dans le processus de libération conditionnelle. Elles ont le droit d'être informées de la demande de libération conditionnelle et peuvent faire part de leurs observations au juge d'application des peines ou au tribunal d'application des peines. Leurs déclarations peuvent influencer la décision finale, en particulier en ce qui concerne l’impact de la libération du condamné sur leur sécurité et leur bien-être. Les victimes peuvent également demander à être tenues informées des conditions de la libération conditionnelle, notamment si le condamné a des restrictions de contact ou de déplacement.

Quelles sont les alternatives à la libération conditionnelle si elle est refusée ?

Si une demande de libération conditionnelle est refusée, il existe d'autres alternatives d'aménagement de peine que le condamné peut envisager. Ces alternatives comprennent la semi-liberté, où le condamné est autorisé à quitter la prison pendant la journée pour travailler ou suivre une formation, tout en retournant en détention la nuit. D'autres options incluent la libération sous contrainte ou le placement sous surveillance électronique (bracelet électronique), qui permet au condamné de purger le reste de sa peine à domicile sous certaines conditions. Chacune de ces alternatives a ses propres critères d’éligibilité et conditions à respecter.

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