Peut-on réduire le salaire lors du reclassement d'un salarié inapte ?

Jordan Alvarez
Editeur
4 minutes
Partager

Reclassement d’un salarié inapte : Peut-on proposer une baisse de salaire ?

Lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur se retrouve face à une obligation légale de rechercher un poste de reclassement adapté pour ce salarié. Cette obligation, inscrite dans le Code du travail, vise à protéger la santé des salariés tout en maintenant leur emploi. Mais qu'en est-il lorsque le poste de reclassement implique une diminution de salaire ? Cet article explore les contours de cette obligation et les possibilités légales pour l’employeur.

L'obligation de reclassement : que dit la loi ?

En France, l’obligation de reclassement est une mesure de protection des salariés déclarés inaptes à leur poste par le médecin du travail. Conformément à l'article L.1226-2 du Code du travail, lorsqu'un salarié est déclaré inapte à reprendre son poste, l'employeur a l'obligation de rechercher un poste de reclassement qui soit "aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé". Cette obligation vise à permettre au salarié de continuer à travailler dans des conditions adaptées à son état de santé, tout en minimisant les changements de ses conditions de travail et de rémunération.

Critères de l'obligation de reclassement

Pour remplir son obligation de reclassement, l'employeur doit suivre plusieurs étapes et respecter certains critères :

  1. Recherche active de postes adaptés : L'employeur doit entreprendre toutes les démarches nécessaires pour identifier les postes disponibles au sein de l'entreprise ou du groupe qui pourraient convenir aux capacités restantes du salarié. Cette recherche doit être active et exhaustive, tenant compte des qualifications, de l'expérience professionnelle et des compétences du salarié, ainsi que des recommandations du médecin du travail.
  2. Consultation des représentants du personnel : Avant de proposer un poste de reclassement, l'employeur doit consulter les représentants du personnel, notamment le Comité social et économique (CSE), s'il existe. Cette consultation est obligatoire et doit être réalisée pour chaque proposition de reclassement, comme le stipule l'article L.1226-10 du Code du travail.
  3. Compatibilité avec les capacités du salarié : Le poste proposé doit être compatible avec les capacités physiques et mentales du salarié, telles qu'évaluées par le médecin du travail. Cela peut impliquer des adaptations du poste initial, des modifications de l'environnement de travail, ou même une transformation complète du poste pour s'assurer qu'il répond aux besoins de santé du salarié.
  4. Proposition de postes dans d'autres établissements : Si aucun poste adapté n'est disponible dans l'établissement où le salarié travaille, l'employeur est tenu de rechercher des possibilités de reclassement dans d'autres établissements de l'entreprise ou du groupe, en France ou à l’étranger, sous réserve de l’accord du salarié pour une mobilité géographique.
  5. Informations écrites au salarié : L’employeur doit informer le salarié par écrit des propositions de reclassement, en détaillant les caractéristiques des postes proposés et en expliquant comment ils répondent aux préconisations du médecin du travail.

Peut-on proposer un reclassement avec une baisse de salaire ?

Oui, il est possible pour un employeur de proposer un poste de reclassement impliquant une réduction de la rémunération, mais cette possibilité est encadrée par des conditions strictes. L'obligation de reclassement impose à l'employeur de trouver un poste aussi comparable que possible au précédent. Cependant, lorsque cela n'est pas réalisable, l'employeur peut envisager un poste de reclassement qui comporte des modifications importantes, y compris une baisse de salaire.

La Cour de cassation a confirmé cette possibilité dans une décision récente (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-18.758). Dans ce cas, l'employeur avait proposé un poste de reclassement à mi-temps, entraînant une diminution substantielle de la rémunération. La Cour a jugé que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, car le poste proposé était conforme aux préconisations du médecin du travail et l’employeur avait démontré qu’il n’y avait pas d’autre poste disponible respectant les exigences du reclassement.

Les critères essentiels à respecter

Pour qu’une proposition de reclassement avec baisse de salaire soit considérée valide, plusieurs critères doivent être respectés :

  • Conformité aux recommandations médicales : Le poste proposé doit être pleinement compatible avec les capacités physiques et mentales du salarié, telles que définies par le médecin du travail. Il doit correspondre aux restrictions et adaptations recommandées par ce dernier.
  • Recherche de solutions adaptées : Avant de proposer un poste impliquant une diminution de salaire, l’employeur doit avoir exploré toutes les autres possibilités de reclassement. Cela inclut des adaptations du poste initial ou des aménagements de l’environnement de travail. L’employeur doit démontrer qu’il a tout mis en œuvre pour éviter une baisse de salaire, et que cette option est une solution de dernier recours.
  • Respect des procédures légales et conventionnelles : L’employeur doit respecter toutes les procédures légales, y compris la consultation des représentants du personnel et l’information du salarié. De plus, il doit se conformer aux dispositions de la convention collective applicable, qui peut prévoir des règles spécifiques en matière de reclassement et de modification des conditions de travail.

En conclusion, bien que la loi permette à l'employeur de proposer un reclassement avec une réduction de salaire, cette possibilité est encadrée par des règles strictes et doit être justifiée par la nécessité de trouver une solution compatible avec l’état de santé du salarié. Le non-respect de ces règles peut exposer l’employeur à des sanctions, notamment en cas de contentieux devant le conseil de prud’hommes.

Les limites à la baisse de salaire

Lorsqu'un employeur propose un poste de reclassement impliquant une baisse de salaire, cette décision doit respecter des limites légales strictes. La loi et la jurisprudence imposent des obligations claires à l'employeur pour s'assurer que la proposition de reclassement est juste et raisonnable.

1. Obligation de minimiser la réduction de salaire

L'employeur doit prouver qu'il a tout mis en œuvre pour éviter de proposer un poste de reclassement qui entraîne une réduction de salaire. L'article L.1226-2 du Code du travail dispose que le reclassement doit être "aussi comparable que possible" à l’emploi précédemment occupé par le salarié.

Ce principe implique que l'employeur doit chercher à maintenir les conditions salariales antérieures du salarié dans la mesure du possible.

La jurisprudence est très claire sur ce point : l'employeur doit démontrer qu'il a exploré toutes les possibilités de reclassement sans baisse de salaire avant de proposer une option qui entraîne une réduction.

Par exemple, dans une décision de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-18.758), il a été jugé que la baisse de salaire pouvait être acceptée seulement si aucune autre option de reclassement compatible avec les préconisations médicales n'était disponible.

2. Limites sur la nature de la baisse de salaire

Une baisse de salaire jugée excessive pourrait être considérée comme non conforme au principe de comparabilité de l'emploi, tel que précisé par l'article L.1226-2 du Code du travail.

Si la diminution de la rémunération est telle qu'elle modifie fondamentalement les conditions du contrat de travail initial, elle pourrait être contestée par le salarié. La modification ne doit pas aboutir à une dégradation significative des conditions économiques du salarié, ce qui pourrait être perçu comme une rupture du contrat de travail initiée par l'employeur.

En pratique, une baisse de salaire qui entraînerait une réduction substantielle du revenu, sans raison valable liée à l'inaptitude du salarié et sans exploration préalable d'autres options, pourrait être considérée comme abusive et non conforme à l'obligation de reclassement.

Les droits du salarié en cas de reclassement inadapté

Si un salarié considère que le poste de reclassement proposé par l'employeur n'est pas conforme à ses obligations légales ou qu'il s'agit d'une offre déraisonnable, comme une baisse de salaire trop importante sans justification, il a plusieurs recours à sa disposition.

1. Droit de refuser le poste proposé

Le salarié a le droit de refuser une proposition de reclassement qu'il juge inadaptée ou déraisonnable. Toutefois, ce refus doit être motivé par des motifs légitimes. Par exemple, le salarié peut justifier son refus si le poste proposé est trop éloigné de son domicile, incompatible avec ses compétences ou si la baisse de salaire n'est pas justifiée par une adaptation nécessaire à son état de santé. Le refus ne doit pas être arbitraire et doit être en relation avec la non-conformité de l’offre aux obligations de reclassement.

2. Recours devant le conseil de prud’hommes

En cas de désaccord sur la proposition de reclassement, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes. Ce tribunal spécialisé dans les litiges du travail peut être sollicité pour examiner si l'employeur a respecté ses obligations de reclassement et si la proposition faite au salarié était raisonnable. Le conseil de prud’hommes a le pouvoir d’ordonner une réparation, comme des indemnités pour le salarié, si l’employeur est jugé en faute.

3. Conséquences si aucun reclassement n'est possible

Si l'employeur ne peut proposer aucun poste de reclassement compatible avec l'inaptitude du salarié, ou si toutes les propositions sont refusées pour des raisons légitimes, l’employeur peut alors envisager un licenciement pour inaptitude. Ce licenciement doit être justifié par l'impossibilité de reclasser le salarié dans l'entreprise, après avoir exploré toutes les possibilités.

Dans le cas d’un licenciement pour inaptitude, le salarié a droit à des indemnités de licenciement, conformément aux dispositions légales et aux conventions collectives applicables. Ces indemnités sont calculées en fonction de l'ancienneté du salarié et du montant de sa rémunération. De plus, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis s'il est licencié pour inaptitude non professionnelle, ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés.

En résumé, bien que la loi permette une certaine flexibilité en matière de reclassement pour les salariés inaptes, toute proposition de baisse de salaire doit être justifiée, raisonnable et en conformité avec les obligations légales. L’employeur doit prouver qu’il a épuisé toutes les autres options avant d’envisager une diminution de la rémunération, et le salarié a le droit de contester toute proposition qu’il juge injuste ou non conforme à ses droits.

Conclusion

La question de savoir si un employeur peut proposer un reclassement avec une baisse de salaire dépend des circonstances et des efforts de l’employeur pour trouver des solutions adaptées au salarié inapte. Les décisions récentes de la jurisprudence montrent une certaine souplesse, permettant une diminution de salaire si cela est conforme aux recommandations médicales et que toutes les autres options ont été épuisées.

Cependant, l’employeur doit veiller à respecter les droits des salariés et à documenter minutieusement ses démarches pour éviter tout contentieux.

En cas de doute ou de litige, il est fortement recommandé n'hésitez pas à nous interroger depuis la page d'accueil un juriste prendra attache avec vous

FAQ : Reclassement d’un salarié inapte et baisse de salaire

Quels sont les critères légaux pour juger une baisse de salaire acceptable lors d'un reclassement ?

Pour qu'une baisse de salaire soit jugée acceptable lors d'un reclassement, l'employeur doit démontrer que toutes les autres options de reclassement ont été épuisées et que la proposition faite est en conformité avec les recommandations médicales. Selon la jurisprudence, une réduction de salaire peut être envisagée uniquement si le poste proposé est adapté aux capacités du salarié et que la baisse est justifiée par des contraintes objectives liées à l’inaptitude du salarié.

Un salarié peut-il refuser un reclassement qui implique un changement de lieu de travail ?

Oui, un salarié peut refuser un reclassement impliquant un changement de lieu de travail, surtout si le nouveau lieu est éloigné de son domicile et que le déplacement entraînerait des difficultés majeures. Ce refus doit toutefois être justifié par des motifs sérieux et légitimes. Si le salarié estime que le déplacement n’est pas raisonnable ou adapté à sa situation personnelle et professionnelle, il peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester la proposition.

Quels sont les recours du salarié si l'employeur ne respecte pas l'obligation de reclassement ?

Si l'employeur ne respecte pas l'obligation de reclassement ou propose un poste inadapté, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes. Ce tribunal est compétent pour juger si l’employeur a bien rempli son obligation et, le cas échéant, pour ordonner des compensations financières pour le salarié ou imposer des mesures correctives. Le salarié peut également demander l'annulation du licenciement pour inaptitude, s'il estime que celui-ci est injustifié ou abusif.

Quelles sont les obligations de l’employeur envers le salarié pendant la recherche de reclassement ?

Pendant la période de recherche de reclassement, l’employeur doit maintenir la rémunération du salarié à son niveau habituel, même si celui-ci ne peut pas occuper son poste initial. L’employeur doit également mener une recherche active de solutions de reclassement, y compris des aménagements de postes ou la création de nouveaux postes adaptés, et informer régulièrement le salarié de l’avancement de ces démarches.

Le reclassement peut-il être proposé en dehors de l’entreprise ou du groupe de l’employeur ?

En général, l'obligation de reclassement se limite à l’entreprise ou au groupe auquel elle appartient. Toutefois, si un salarié donne son accord explicite, un reclassement peut être proposé dans une autre entreprise, surtout si cette option offre de meilleures conditions pour s'adapter à l'inaptitude du salarié. Ce type de reclassement nécessite le consentement éclairé du salarié et ne peut pas être imposé unilatéralement par l'employeur.

Vous avez un problème juridique ?

Contactez-nous

Retrouvez-nous sur les réseaux !

Retrouvez nos vidéos tous les jours, sur nos réseaux sociaux, pour éviter les arnaques du quotidien ensemble !